Notre paracha interdit de prêter de l’argent et d’en tirer le moindre profit : « N’accepte de sa part ni intérêt ni usure, mais crains ton D.ieu, et que ton frère vive avec toi ! » (Vayikra, 25, 36)

Le Kli Yakar explique que la raison de cette interdiction réside dans le fait que la Torah proscrit de se livrer à une profession « oisive » et non productive dont le gain est assuré sans nul risque, car cela pourrait générer chez l’homme une confiance absolue dans l’argent – au détriment de la confiance en l’aide divine.
La parabole suivante illustre comment les tsaddikim ont été à toutes les époques le symbole vivant du déni de toute dépendance vis-à-vis de l’argent, allant même souvent jusqu’à l’abandonner sans le moindre scrupule…

Chargé de ses livres d’étude qu’il transportait toujours de ville en ville, le ‘Hafetz ‘Haïm se retrouva un vendredi après-midi forcé de passer le Chabbat dans un hameau. C’est au rav de la localité que revint donc l’honneur d’héberger l’illustre maître de Radine. Or, peu avant l’entrée du Chabbat, le ‘Hafetz ‘Haïm se souvint qu’il avait en sa possession une grande somme d’argent, qu’il confia donc avec son portefeuille à son hôte.
Pendant le Chabbat, le rav fut fort tracassé par le fait que son prestigieux invité avait déposé chez lui tout son argent sans témoins, acte en fait prohibé par la Hala’ha (voir ‘Hochen Michpat, 70, 1) : en effet, cela peut inciter un dépositaire malhonnête à nier ensuite l’existence de ce dépôt. Mais sachant pertinemment que son invité respectait scrupuleusement la Hala’ha, le rav décida d’attendre la sortie du Chabbat pour lui demander des explications.

Après la cérémonie de la havdala, le ‘Hafetz ‘Haïm prit sa valise, s’empara de ses livres et après avoir remercié le maître de maison pour son hospitalité, il se dirigea vers la porte… Le rav lui rappela alors qu’il ne lui avait pas encore restitué son portefeuille.
« Je le sais bien, mais comme nous étions seuls lorsque je vous l’ai confié et qu’il n’y avait alors personne d’autre présent pour que je le prenne en témoin, je n’ai pas voulu enfreindre un interdit de notre Hala’ha… si bien que je vous l’ai finalement donné en cadeau ! ».

Le rav essaya ensuite de rendre l’argent à son propriétaire, mais ce dernier argua que depuis vendredi soir, ce n’était déjà plus son argent. Le rav décida alors d’ouvrir une brèche contre cette argumentation sur un tout autre terrain : il pria le ‘Hafetz ‘Haïm d’accepter l’argent comme cadeau… Mais il essuya de sa part un refus catégorique : « (…) Celui qui hait les présents vivra ! » (Proverbes 15, 27).

Sans le moindre regret, le maître de Radine s’engouffra dans la carriole qui l’attendait, laissant derrière lui un portefeuille plein et un hôte stupéfait…