La parachath Bo, avec son récit des trois dernières plaies d’Egypte (sauterelles, ténèbres et mort des premiers-nés) marque un tournant important non seulement dans l’attitude de Moïse et des enfants d’Israël, mais aussi dans celle des Egyptiens.

Après la plaie des bêtes sauvages, lorsque Pharaon avait consenti à ce que les Hébreux aillent offrir des sacrifices dans le pays, Moïse avait décliné cette proposition craignant que les Egyptiens ne lapident les enfants d’Israël à cause du sacrilège qu’auraient constitué, à leur yeux, ces sacrifices (Chemoth 8, 22). A présent Moïse s’apprête à faire égorger des agneaux et à en répandre le sang sur les poteaux et le linteau de leurs maisons (12, 7).

Mais il n’est pas jusqu’aux Egyptiens eux-mêmes qui ne commencent à afficher leurs réticences, et même à affronter leur roi.
Après les poux, la troisième plaie, les devins ont dit à Pharaon qu’elle représentait « le doigt de Dieu » (8, 15). Et l’on vit même certains Egyptiens, obéissant à l’ordre de Moïse, mettre leurs troupeaux à l’abri pendant la grêle (9, 20 et 21).
La contestation de l’autorité de Pharaon se fait encore plus pressante au début de la parachath Bo lorsque les courtisans insistent pour qu’il renvoie les enfants d’Israël, ajoutant : « Ne sais-tu pas encore que l’Egypte est perdue ? » (10, 7).
L’opposition au pouvoir en place était rare dans l’Antiquité, comme elle l’est encore dans les pays gouvernés par un dictateur. Il n’en est que plus remarquable que notre histoire en contienne autant d’exemples : Samuel s’est mesuré à Saül, Nathan à David, Elie à Achab, Amos à Jéroboam II, Isaïe à Ezéchias, et beaucoup d’autres encore…

Haftarath parachath Bo– Jamais plus de sauterelles en Egypte
Dans cette haftara, qui rappelle l’effondrement de l’Egypte décrit par notre paracha, Hachem annonce, par la voix de Son prophète Jérémie, qu’Il va punir les multitudes d’Alexandrie (traduction du Targoum Yonathan), ainsi que Pharaon et toute l’Egypte (Jérémie 46, 25 et 26).
Il existe cependant un lien plus étroit avec cette paracha, constitué par le verset 23 : « Ils coupent sa forêt, dit Hachem, quoiqu’elle soit impénétrable, car ils sont plus nombreux que les sauterelles, et on ne peut les compter. »
La parachath Bo commence en effet par le récit de la huitième des plaies d’Egypte, les sauterelles, de sorte que le lien entre la paracha et la haftara prend une connotation particulière par la double évocation du vol prédateur de ces insectes.
Ce lien est d’autant plus remarquable que Rabbeinou ‘Hananel, cité par le Keli yaqar (ad Chemoth 10, 1), rapporte qu’il n’y a plus jamais eu en Egypte, depuis ces deux invasions, d’arrivées destructrices de sauterelles, et que, même lorsque les contrées voisines en sont infestées, elles ne pénètrent plus dans ce pays pour le dévaster.
Et Rabbeinou ‘Hananel d’expliquer ce phénomène étonnant par le verset qui précise qu’il « ne resta pas une seule sauterelle dans tout le territoire de l’Egypte » (Chemoth 10, 19), comme si ce passage constituait l’annonce pour toujours qu’il n’y aurait jamais plus de sauterelles sur le territoire égyptien.
Jacques KOHN zal