La paracha Nasso est certes très riche en thèmes successifs et variés : il est donc crucial de découvrir le « fil conducteur » qui expliquerait que cet ordre de présentation n’a rien de fortuit…

Dans son livre « Or Guedalya«, le rav Guedalya Chor explique que la première des obligations du peuple hébreu en marche dans le désert après la Sortie d’Égypte consistait à assurer la sainteté du campement des Bné Israël. Pour cela, la Torah a ordonné de partager le camp en trois parties : le Michkan (Tabernacle du désert), puis la zone des Lévii met enfin celle des douze tribus. Le tout assorti d’une réglementation des emplacements interdits aux gens « impurs » en fonction de leur degré d’impureté. La Torah passe ensuite à l’interdiction
formelle de « voler l’étranger ».À chaque personne son endroit, ainsi qu’à chaque objet !Comme le dit le Sfat Emet, celui qui vole affirme par son geste qu’il nie ou oublie que tout vient de Hachem, et cette inconscience est une des bases de toutes les fautes. Toutefois, cette faute reste « partielle »car elle ne concerne que les individus dans leurs rapports entre eux,« ben adam la’havéro ».
Or, il existe une malhonnêteté qui porte en même temps atteinte à la
Volonté divine – « ben adam la-Makom » – et aussi à la personne : ce sont les relations interdites. D’où l’enchaînement avec le sujet suivant : la Sota, la femme soupçonnée d’adultère. Ainsi, ce sera grâce à une procédure entièrement miraculeuse que le mari pourra être renseigné sur la pureté ou la culpabilité de sa femme : si elle est effectivement coupable, elle périra dans d’atroces souffrances physiques et morales ; mais si les soupçons pesant contre elles ne sont pas fondés, elle engendrera une progéniture. Ensuite vient le Nazir qui s’est interdit la coupe des cheveux, l’impureté due à un mort et toute consommation de produits fabriqués à partir de raisins. À propos de cet enchaînement d’un sujet à l’autre, Rachi rapporte un extrait du Talmud (Traité Sota,page 2/b) qui dit : « Celui qui voit périr la Sota infidèle doit s’éloigner du vin ».

Les abus des plaisirs physiques conduisent toujours à l’immoralité
Plus précisément, le rav Avraham Sabbah explique dans son livre« Tsror Hamor » que tous les abus de plaisirs physiques conduisent à l’immoralité, dont surtout le vin qui peut conduire facilement à la débauche : voilà pourquoi il faut donc s’en priver – une abnégation qui peut durer 30 jours ou plus. Or ce qui est remarquable, c’est que par son abstinence volontaire, le Nazir et la Nézira pour la femme s’élèvent jusqu’au niveau de sainteté propre au Cohen Gadol.
Ils n’auront donc pas le droit de se rendre impurs – à l’instar du Cohen Gadol – en assistant à l’enterrement de l’un des plus proches de leur famille. En fait, la Torah nous enseigne ici qu’en plus de la sainteté obligatoire concernant le campement du peuple, il est possible à des individus d’accéder à des niveaux infiniment plus hauts de sainteté en limitant les jouissances physiques – ce qui permet à la spiritualité de se développer d’avantage. La matière fait donc ici place à l’esprit, lequel s’épanouit et s’élève jusqu’à des sphères célestes jusque-là inabordables. Ce qui explique aussi que certains prophètes étaient justement des Nezirim !

La Torah nous  donne les clés de la sainteté
La Torah nous propose donc les« clés » de la sainteté : tout d’abord au niveau du peuple, et ensuite à travers l’aspiration individuelle et personnelle de s’élever. À ce propos, le rav Moché Alchikh (décédé en 1600) remarque que la sainteté est donc accessible à tous et que chacun se doit ainsi de se priver de l’abus des plaisirs afin de se rapprocher autant que faire se peut de D.ieu. Mais attention : Hachem n’attend pas de nous que nous soyons des anges ! Il en a suffisamment dans les cieux… En fait, il attend que nous nous comportions correctement sur terre, mais toujours avec un regard porté vers là-haut, vers le spirituel… Il ne faut surtout pas comprendre ici que la Torah prône une vie d’ascète. Comme le remarque parfaitement le rav Ovadia Seforno (1470-1550) : « D.ieu ne nous recommande pas du tout de multiplier les jeûnes, ce qui pourrait avoir de graves répercussions sur nos capacités physiques de Le servir. Mais il faut se priver de toute chose dont l’abus entraîne une dégradation morale… »Selon le rav Chimchon Rafaël Hirsch (1808-1888), le Nazir est appelé ainsi car il porte la couronne- Nézer ou diadème royal -, qui
l’élève bien au-dessus des autres vers une noblesse spirituelle. En cette période de Chavouot, à nous d’intérioriser ce moyen efficace et souhaitable pour nous rapprocher de Hachem.
Par le Rav Schlamme