La Tora énumère, au début de la parachath Mass'ei , les quarante-et-une étapes que les enfants d'Israël ont franchies dans le désert, et elle leur donne des noms qui ne correspondent pour la plupart à aucun lieu géographique connu.

« Efrayim s'est attaché aux idoles : laisse-le ! », demande Hachem au prophète Osée (4, 17). Il résulte de ce verset, explique le Midrach ( Berèchith rabba  38, 6), que la paix et l'unité entre les hommes sont si méritoires que le peuple d'Israël, s'il pèche alors qu'il vit dans l'unité et que la paix règne en son sein, Hachem ne le punit pas.

C'est ce que nous apprennent également, comme nous l'explique le commentaire Vedibarta Bam , les noms de certaines étapes :

?Harada ( Bamidbar  33, 25) exprime l'idée de «  peur  » , Maqhéloth (verset 26 ? même racine que qehila ) celle de « réunion », et Ta?hath (verset 27) correspond à celle d'un « abaissement ».

C'est ainsi que lorsque la Tora nous indique qu'ils « ont voyagé de ?Harada et campé à Maqhéloth  », elle nous fait savoir qu'Israël n'a pas à avoir peur d'une punition pour ses fautes s'il campe dans l'unité. Mais s'il « s'en va de Maqhéloth  », et donc s'il abandonne son unité pour se complaire dans la zizanie, alors « il campera à Ta?hath  » : Sa déchéance lui vaudra d'être puni pour ces fautes-là mêmes pour lesquelles il n'avait pas été châtié jusque-là.

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Haftarath parachath Mass?ei ? Isaïe et Jérémie

 

En cette année 2008/5768, où la parachath Mass?ei est lue un jour de Roch ?hodech , on déroge dans toutes les communautés à l'usage selon lequel on devrait réciter comme haftara les versets 1 à 24 du chapitre 66 du livre d'Isaïe, et l'on s'en tient à la d euxième des trois haftaroth de-pour?anoutha («  haftaroth de menaces » ? Jérémie 2, 4 à 28, plus certains ajouts selon les rites (3, 4 dans le rite achkenaze, et 4, 1 et 2 dans le rite sefarade).

Tandis que les deux premières de ces haftaroth sont empruntées au livre de Jérémie, la troisième, celle qui est attachée à la parachath Devarim , est constituée par un extrait de celui d'Isaïe.

Si les deux prophètes parlent l'un comme l'autre de l'abandon de Hachem par Israël, et s'ils ont recours l'un comme l'autre à la métaphore de la prostitution (Isaïe 1, 21 et Jérémie 2, 20), il existe entre eux des différences sensibles.

C'est ainsi que la prophétie d'Isaïe est beaucoup plus sévère envers Israël que celle de Jérémie.

Par exemple, alors qu'Isaïe oppose l'attitude de ses contemporains à celle de l'animal qui sait, lui, où est sa place (1, 3), Jérémie ne fait que s'étonner du comportement de ses contemporains : « Israël est-il un esclave ? Pourquoi est-il livré au pillage ? » (2, 14).

Une autre différence porte sur les cibles des deux prophéties. Isaïe accuse l'ensemble du peuple (« Nation pécheresse, peuple chargé d'iniquité » [1, 4]), Jérémie ses dirigeants (« Les kohanim n'ont pas dit : Où est Hachem  ? Et ceux qui s'occupent de la Tora ne M'ont point connu, et les pasteurs se sont rebellés contre Moi, et les prophètes ont prophétisé par Ba?al et ils ont marché après qui n'est d'aucune aide » [2, 8]).

On constate, sur un plan plus général, qu'Isaïe s'en prend à ses contemporains parce qu'ils se complaisent dans les plaisirs de l'existence, parce qu'ils exploitent et oppriment les pauvres, et parce qu'ils creusent un fossé toujours plus profond entre les classes aisées et les classes démunies de la société.

Jérémie, en revanche, évolue dans une société dont la sécurité même est menacée. Ses membres ont besoin d'être rassurés, raison pour laquelle ils se tournent vers d'autres divinités. Ils ne vivent pas dans la corruption morale, comme ceux auxquels s'adresse Isaïe, mais ils savent que la raison de leur sort réside dans une crise spirituelle, dont ils ne parviennent cependant pas à définir les causes.

Toutes ces différences, et d'autres encore, ont peut-être pour origine l'écart qui sépare la vie de ces deux prophètes. Tandis que Jérémie a assisté à la destruction du Temple, Isaïe est né longtemps avant cet événement ( Yalqout Chim?oni , Isaïe , chap.1 ; Midrach Agadath Beréchith  14).

Jacques KOHN Zal