La paracha de Massé, comme son nom l’indique, énumère tous les « itinéraires » traversés par les enfants d’Israël pendant les quarante ans de pérégrinations dans le désert.

Le deuxième verset de cette paracha énonce les faits suivants : « Moché inscrivit leurs départs et leurs voyages sur l’ordre de l’Éternel ; voici donc leurs voyages et leurs départs… » (Bamidbar 33, 2).
D’après rav Leib Gourvitz (rapporté par le MiChoul’han Gavoha) la répétition des mots « voyages » et « départs » a une signification bien précise : tout « départ » désigne en fait les situations et les péripéties vers lesquelles le déplacement conduit l’homme.

Il n’y pas de hasard
On a tendance à croire que les circonstances que l’on trouve sur notre route sont dues à nos périples, comme si le voyage était la cause des événements rencontrés. Par exemple, on pourrait croire que si, lors d’une de leurs étapes, les enfants d’Israël ne trouvèrent que de l’eau amère à boire, c’est parce qu’ils s’étaient rendus dans un lieu dépourvu d’eau potable.
La Torah vient donc nous détromper ici : « Voici leurs voyages et leurs départs » – les « départs » avaient comme objectif les « voyages ». Si les enfants d’Israël passèrent d’une étape à l’autre, c’était précisément pour les événements qui les y attendaient ; s’ils quittèrent le désert d’Etam, ce fut précisément pour atteindre Mara et y trouver de l’eau amère.
À notre niveau également, nous devons envisager tous nos exodes, nos péripéties et les mille points du globe vers lesquels la Providence divine conduit le peuple juif comme des « destin-ations » – des endroits où nous serons confrontés à des situations voulues et préméditées.

A méditer
Au lieu de subir nos déplacements, nous devons au contraire les envisager comme des défis à relever.

« D.ieu veut ton départ ».
Lors de l’inauguration de la yéchiva de Telz à Cleveland, aux États-Unis, Rav Eliyahou Méïr Bloch mentionna l’idée suivante dans son discours : il est relaté dans les versets du Prophète (Chmouel I 20) que vers la fin de son règne, Chaoul entretenait des desseins meurtriers envers David, son serviteur et futur successeur. Conscient du danger, David resta à l’écart de la cour pendant quelques jours. Yonathan, le fils du roi, s’efforça entretemps de sonder le cœur de son père pour découvrir quels étaient ses véritables sentiments. Au terme de cet examen, les deux amis convinrent d’un signe : « Yonathan dit à David : ‘Je lancerai trois flèches de ce côté puis j’enverrai mon esclave ramasser les flèches. Si je lui dis : ‘Vois les flèches sont en deçà de toi…’ Alors reviens. Mais si je lui dis : ‘Vois les flèches sont en avant de toi’, alors va-t’en, car D.ieu veut ton départ.’ » Les derniers mots prononcés par Yonathan méritent réflexion : « Va-t’en, car D.ieu veut ton départ »… Dans ce contexte, n’était-il pas plus exact de dire : « Fuis, car mon père veut ta mort » ?
La réponse est que Yonathan avait conscience du principe énoncé plus haut : il savait que lorsqu’un Juif est persécuté et qu’il doit partir vers une nouvelle destination, il ne s’agit nullement d’une « fuite ».
Le Juif ne fuit pas : il va ailleurs, là où la Providence divine a décidé de conduire ses pas. De même pour David, s’il dut partir, ce n’était pas parce que Chaoul le poursuivait, mais bien « car D.ieu veut ton départ ».

« C’est également dans cette perspective que j’envisage mes propres péripéties… », ajouta le rav Bloch. Avant que la Deuxième Guerre mondiale éclate, il avait dû fuir l’Europe de l’Est suite à des dénonciations mensongères. Il fut alors contraint de se séparer de sa famille et de voyager jusqu’à la lointaine Amérique, bien contre son gré. Pendant son séjour aux États-Unis, la guerre éclata, et toute sa famille périt dans les flammes de la Shoah. « Si je me suis retrouvé ici, dans ce pays lointain et étranger, c’est parce que D.ieu l’avait ainsi voulu. La Providence avait décidé que ma mission devait continuer dans cette terre, pour y fonder cette yéchiva et ériger un lieu de Torah pour les survivants de notre peuple…  »

Par Yonathan Bendennnoune,hamodia.fr