La Torah annonce dans notre paracha : « Et maintenant, ô Israël ! Ce que l’Eternel ton D.ieu te demande uniquement, c’est de révérer l’Eternel ton D.ieu, de Le suivre dans toutes Ses voies… » (Dévarim 10, 12).

Le Talmud (Ména’hot 43/b) propose une exégèse intéressante à ce verset : « Rabbi Meïr disait : Chacun est tenu de prononcer cent bénédictions chaque jour, comme il est écrit : ‘Ce que [ma] l’Eternel ton D.ieu te demande…’ » Rachi explique : « ‘Ma’ [ce que] peut se lire également ‘méa’ [cent]. » Autrement dit, ce que D.ieu nous demande, c’est de mentionner Son Nom cent fois chaque jour par des bénédictions. Les Tossefot proposent deux autres explications à cette exégèse : selon Rabbénou Tam, si l’on ajoute la lettre alef au mot ma, ce verset renferme exactement cent lettres. Un autre avis explique que selon l’ordre de at bach – qui consiste à intervertir les lettres d’un mot avec celles qui leur correspondent dans l’ordre inverse de l’alphabet –, le mot ma équivaut à la valeur numérique 100.
D’après le Tour, la véritable origine de cette prescription ne repose pas sur ce verset, mais sur une période tragique du peuple juif : « Rav Nétrounaï, le maître de Mata Ma’hsaya, expliqua que David instaura la récitation des cent bénédictions quotidiennes, comme il est dit : ‘Voici les dernières paroles de David (…) l’homme haut [‘al] placé, l’élu du D.ieu de Yaacov’ (Chmouel II 23,1) – ‘’al’ ayant la valeur numérique de cent. En effet, à son époque, cent hommes mourraient chaque jour, et l’on ignorait quelle était la cause de ce fléau. David examina les faits et comprit, par la révélation de l’Esprit divin, qu’il fallait instaurer la récitation de cent bénédictions quotidiennes. »
D’ailleurs, d’après le Tour, cet épisode est à l’origine des bénédictions du matin – que l’on récite au réveil pour chaque bienfait dont D.ieu nous gratifie –, afin de compléter le total de ces cent bénédictions.
Les décisionnaires furent partagés sur la source de cette obligation : selon Rabbi Chlomo Ibn Gvirol et le Bahag, il s’agit d’un devoir imposé par la Torah. Mais d’après le Rambam et le Ramban, elle ne constitue qu’une ordonnance rabbinique. Toujours est-il que cette règle a été retenue dans le Choul’han Aroukh comme un devoir strict : « Chacun est tenu de réciter au moins cent bénédictions quotidiennement » (Ora’h ‘Haïm 46, 3).
Les décisionnaires se sont longuement évertués à recenser ces cent bénédictions quotidiennes, autant pour les jours profanes que pour les dates particulières du calendrier. Ils rapportent ainsi que le Chabbat – où la amida ne contient que sept bénédictions au lieu de dix-neuf en semaine –, il convient de consommer des fruits et de gâteaux en-dehors des repas, pour compléter le compte des cent bénédictions. A défaut, on pourra s’en remettre aux bénédictions que l’on entend lors de la lecture à la Torah, en y répondant amen.
A Yom Kippour, même en tenant compte des bénédictions sur la Torah, il manque encore trois bénédictions. C’est pourquoi on s’efforcera en ce jour de humer à plusieurs reprises des plantes odorantes, après une bonne interruption entre chaque fois (Michna Béroura au nom du Maguen Avraham).
Concluons par une autre explication sur l’origine de ces cent bénédictions quotidiennes, proposée par le rav Zalman Sorotskin (cité dans Tora Ladaat). Dans la paracha de Ki-Tavo, Moché énonce une longue imprécation, qui renferme exactement 98 malédictions. Pour atténuer la rigueur de ces annonces, il fut donc décrété de les « annuler », par une majorité de bénédictions que l’on prononcera quotidiennement. D’où le devoir de prononcer 99 bénédictions. Mais si l’on examine attentivement les versets de Ki Tavo, on découvrira la mention d’une dernière malédiction, évoquée par allusion : « L’Eternel fera surgir contre toi bien d’autres maladies, bien d’autres plaies non consignées dans le livre de cette Torah » (28, 61). La Torah fait donc référence à une malédiction inconnue, qui n’apparaît pas dans ses versets. On peut donc considérer qu’il y a en fait 99 malédictions en tout. Et en conséquence, il convient de prononcer 100 bénédictions pour pouvoir toutes les annuler.
Si l’on reprend l’explication de Rabbénou Tam, citée plus haut, nous trouverons d’ailleurs une correspondance intéressante avec cette explication. Ce maître découvrit l’allusion des cent bénédictions dans le nombre des lettres du verset : « Ce que l’Eternel ton D.ieu te demande… » Or dans ce verset, il ne figure que 99 lettres explicites. La dernière ne nous est connue que par allusion, car nous ajoutons au mot « ma » la lettre alef, pour former « méa ». Il apparaît donc que la centième bénédiction – qui n’est pas clairement évoquée dans le verset – correspond à la 99ème malédiction, celle qui « n’est pas consignée dans le livre de cette Torah »… Par Yonathan Bendennnoune, en partenariat avec Hamodia.fr