À son retour de chez Laban, et après sa fameuse rencontre avec son frère Essav, Yaacov s’installa enfin en Eretz Israël après qu’Essav a quitté le pays.

A ce sujet, le Midrach Rabba cite le verset qui s’adresse en fait à tout le peuple juif pour toutes les générations en lui disant : « Lorsque tu feras entendre tes cris, qu’ils te sauvent, les rassemblements que tu as groupés autour de toi ! », (Isaïe, 57, 13). Or de quels rassemblements s’agit-il ? Il est vrai que les prières réunies de toute la famille de Yaacov furent exaucées, mais il ne s’agit en fait que d’un seul groupe – ce qui ne justifierait pas cette formule qui parle de « rassemblements » au pluriel….

À propos de la notion de « rassemblement »

Dans son ouvrage intitulé « Chéérit Mena’hem », le rav Rubinstein zatsal, qui fut le rav de Paris, rapporte un midrach soulignant que le terme « rassemblement » ne désigne pas seulement la réunion d’un certain nombre de personnes, mais aussi le rassemblement par une seule et unique personne de toutes ses forces intérieures, morales, spirituelles et intellectuelles afin de les déployer intensément vers un but bien précis !

« Bet Haknesset » – le « lieu de réunion » devenu par extension celui de la synagogue – n’est ainsi appelé que si l’on s’y réunit pour la prière. Celle-ci exige en effet un double effort : le premier est individuel quand chacun des gens présents doit faire converger toute sa personnalité vers un but – la sollicitation de Hachem, Unique et Tout-Puissant ; le second effort exigé est celui du rassemblement de personnes différentes qui veulent s’unir et « se fondre » dans le tsibour [le public des fidèles présents dans ce lieu]. Rav Rubinstein insiste ici sur le fait que pour être exaucée, toute prière doit être qualitative (personnelle) et « quantitative » (posséder la dimension communautaire). Rappelons que son exhorte fut prononcée en France pendant les années des persécutions nazies lors de la Deuxième Guerre mondiale. À cette époque, la situation donnait à la ferveur de la prière juive au coeur de Paris occupé une importance tout à fait dramatique…

Comment se présenter devant Hachem pour prier… ?

Les Maximes des Pères (Chapitre 2, Michna 13), nous enseignent : « Ne sois pas impie pour toi-même ». Certains commentateurs expliquent à ce propos : « Si déjà tu es tombé si bas que tu es devenu impie, ne reste pas isolé pour toi-même. Rejoins le peuple et la communauté. Car le rassemblement et l’union te sauveront ».

De plus, dans le passage de la prière de « Nichmat » que nous récitons le Chabbat et le yom tov, nous disons aussi : « Par la bouche de ceux qui sont pleins de droiture Tu es exalté, et par les lèvres des justes, Tu es loué ; par la langue de tes pieux, Tu es sanctifié, et au milieu des saints, Tu es glorifié. » Or, l’ancien rabbi de Belz avait l’habitude de dire à ce sujet : « Sincèrement et franchement, sommes-nous si ‘pleins de droiture’ ? Sommes-nous des ‘justes’, des ‘pieux’ et des ‘saints’ ? Alors, comment nous présenter ainsi devant Hachem pour prier… ? ».

Or, le rabbi de Belz répondait que dans la suite de cette prière, nous ajoutons aussi : « Dans le cadre de grands rassemblements de prière des myriades de Ton peuple, Tu seras loué (…) ». Nous pouvons donc solliciter de Hachem des délivrances miraculeuses tout à fait extraordinaires, non pas en raison de nos qualités personnelles « de justes, de pieux et de saints » – restons modestes !, mais grâce au mérite que constituent nos grands rassemblements. Pourquoi cela ? Tout simplement parce que les qualités des uns se joignent à celles des autres, si bien que la grande foule de tous les fidèles en prière rassemble certainement les qualités nécessaires pour que nos demandes soient exaucées !

Faire pardonner les fautes personnelles et celles de tout le peuple !

S’appuyant sur la même conception de base, le rav Sim’ha Mund zatsal, lui-même un fidèle et illustre ‘hassid de Belz, transmit un commentaire qu’il avait entendu du rabbi de Belz, zatsal. Ainsi, dans la prière du Moussaf de Yom Kippour (selon le rite ‘sfarde’ des ‘hassidim), nous disons : « Il [le Cohen Gadol] se réjouit et mélangea le sang du jeune taureau avec celui du bouc (…) ». Or, en quoi le mélange des deux liquides pouvait- il provoquer la « joie » du Cohen Gadol ? On sait que le Cohen Gadol, dans son service de Yom Kippour, devait apporter un jeune taureau pour se faire pardonner ses fautes personnelles, et un autre bouc pour faire pardonner les fautes du peuple. Le Cohen Gadol éprouvait un mal être tant qu’il priait pour lui-même, se sentant ainsi détaché du peuple. Il attendait donc avec impatience cet instant où il pourrait enfin fusionner avec tous et annihiler sa propre personnalité dans le klal Israël, d’où cette joie profonde ressentie alors… On s’en rend compte, cet enseignement est particulièrement d’actualité à la veille de la rencontre entre Yaacov et Essav. Et il l’était aussi voilà soixante ans, lorsque toutes les communautés d’Europe étaient en feu et que la cruauté des nazis se joignait à la haine antisémite manifestée par bien des civils français ! Or, nul doute que cet enseignement retrouve à nouveau toute sa signification lorsque les nations veulent se coaliser contre la descendance de Yaacov et lorsque les impies de notre propre peuple veulent porter atteinte aux communautés débordant d’authentiques fidèles ! Pour ce que nous n’avons évidemment pas la force d’obtenir par une prière personnelle, prions de toutes nos forces dans un cadre communautaire élargi ! Car Hachem ne cessera jamais d’écouter la voix de Yaacov…

Rav Hayim Yaacov Schlammé

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