La paracha de Tazria traite essentiellement des signes d’impureté de la tsaraat (la lèpre). On y apprend à distinguer les différentes catégories de cette maladie, pour ainsi dire spirituelle, où la couleur blanche constitue l’un des signes les plus manifestes d’impureté. Sauf exception…

En effet, en dépit du fait que l’étendue et la pâleur de la plaie constituent les signes les plus patents d’impureté, la Torah stipule néanmoins : « Mais si la lèpre va se développant sur la peau et qu’elle couvre toute la peau affectée, depuis la tête jusqu’aux pieds, partout où atteint le regard du pontife, celui-ci constatera que la lèpre a gagné tout le corps et il déclarera cette plaie pure : elle a complètement blanchi la peau, elle est donc pure » (Vayikra, 13, 12-13).

Évidemment, cette prescription ne manque pas d’étonner : comment la manifestation des symptômes d’impureté la plus importante devient-elle soudainement une preuve de pureté ?

Selon le Kli Yakar, les différentes sentences relatives à la lèpre s’expliquent comme suit : lorsqu’une plaie blanche apparaît à la surface de la peau d’un homme, c’est le signe qu’une impureté intérieure tend à s’extraire du corps humain. Par conséquent, le fait que cette plaie continue à s’étendre sur la
peau prouve que le processus de purification n’est pas encore arrivé à terme, et c’est pourquoi la personne qui en est atteinte sera déclarée impure.

Inversement, si la plaie ne s’étend pas ou qu’au contraire, elle tend à se résorber, on peut donc établir que la « période d’incubation » est déjà arrivée à terme et que l’impureté n’est désormais plus présente chez cet homme : il sera alors déclaré pur.

Ainsi en est-il d’un corps entièrement envahi par la plaie : cet état ne fait en effet que confirmer que le « mal » dont est atteint cette personne s’est entièrement extrait de son corps, et en dépit des apparences, celle-ci pourra être donc déclarée pure !

Il va sans dire que ces différentes prescriptions doivent être comprises avec une connotation toute « spirituelle » : lorsqu’on cherche à établir « l’état de santé » d’une personne en diagnostiquant le stade de purification dans lequel elle se trouve, il est surtout question de déterminer à quel point elle a pris conscience de ses actes. Ainsi, lorsqu’une plaie se résorbe, est-ce la preuve évidente que l’homme qui en est atteint a achevé l’introspection qui s’imposait à lui dans ces circonstances ; c’est pourquoi il mérite d’être déclaré pur. Et donc à plus forte raison est-ce vrai en ce qui concerne celui qui aura « extériorisé » tous les maux qu’il portait en lui, au point où ceux-ci envahissent la surface entière de son corps…

Le mensonge des apparences

Les Sages, dans leur interprétation des versets, y trouvèrent cependant une allusion clairement eschatologique : « Rabbi Its’hak dit : ‘Le Machia’h, fils de David, ne viendra que le jour où toute la royauté reniera D.ieu’. Rava dit : ‘De quel verset l’apprenons-nous ? – ‘Elle a complètement
blanchi, elle est donc pure’ !’», (Traité talmudique Sanhédrin, page 97/a).

Or, il est intéressant de constater comment c’est le même regard qui se retrouve également dans cette seconde interprétation. En effet, explique le Kli Yakar, ce lépreux qui se voit couvert entièrement de pustules est l’homme le plus assurément en voie de guérison : face à son état désespéré, il ne fait aucun doute que cette personne est à même de prendre conscience de sa situation. Ainsi en est-il de l’heure de la Rédemption : c’est le jour où le peuple juif sera livré à un désespoir béant, qu’il aura perdu tout espoir de trouver la délivrance « dans sa force et dans la puissance de sa main », qu’il ne lui restera en dernier recours qu’à se tourner vers son Créateur ! En clair, il apparaît ici aussi que c’est à la mesure de la manifestation d’un mal intérieur que l’espoir de voir jaillir le bien grandit. Les apparences ne  sont jamais plus trompeuses que dans ces circonstances, puisqu’à l’image de ce lépreux, c’est en regard de l’apparition du malque le bien s’approche davantage…

Y. Bendennoune
Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française