La fin de la parachath Balak nous a fait assister à l’initiative par laquelle Pin’has , par zèle envers Hachem , a donné la mort à Zimri, prince de la tribu de Siméon, et à la princesse midianite avec laquelle il était en train de se prostituer.

Les conséquences de ces actes de débauche ont été catastrophiques : Vingt-quatre mille personnes seront exterminées ( Bamidbar  25, 9), appartenant toutes à la tribu de Siméon ( Rachi ad Bamidbar  26, 13),

Situation paradoxale : Lorsqu’il s’était agi de sévir contre les adorateurs du veau d’or, c’est toute la tribu de Lévi qui s’était réunie autour de Moïse ( Chemoth 32, 26). A présent, c’est l’ensemble de la tribu de Siméon qui se souille avec son chef.

Autre paradoxe, ce sont ces mêmes tribus de Siméon et de Lévi, aujourd’hui dressées l’une contre l’autre qui, un moment coalisées, ont massacré les habitants de Sichem ( Berèchith  34, 25), au grand déplaisir de leur père Jacob.

Lorsque celui-ci, sur son lit de mort, a béni ses enfants, il a associé dans le même verset Siméon et Lévi : «  Maudite soit leur colère, car elle est puissante, et leur fureur, car elle est dure. Je les répartirai dans Jacob, et les disperserai en Israël » ( Berèchith  49, 7).

Peut-être l’affaire de Zimri nous fait-elle assister à la première étape de cette dispersion, qui sera suivie d’une seconde, beaucoup plus importante : La tribu de Siméon sera enclavée dans celle de Juda ( Josué 19, 1), dans laquelle elle finira par se fondre. Quant à celle de Lévi, qui se consacrera aux fonctions sacerdotales, elle se répartira à travers tout le territoire d’ Erets Yisraël .

Siméon et Lévi étaient unis dans le même zèle et le même fanatisme lorsqu’ils s’en sont pris à Sichem. Peut-être retrouve-t-on le même zèle et le même fanatisme, mais à des fins opposées, dans le comportement de Pin?has et celui de Zimri : une volonté d’aller jusqu’aux extrêmes de leur personnalité et de leur fougue.

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Haftarath parachath Pin’has « D’entre les kohanim qui étaient à Anathoth »

Il y a des années  où la parachath Pin’has est lue le 19 tamouz. 
Dans ce cas on applique la règle selon laquelle on lit la haftara attachée à la parachath Matoth lorsqu’on a lu Pin’has après le jeûne du 17 tamouz . Cette haftara devient en effet la première des trois haftaroth de-pour’anoutha («  haftaroth de menaces ») que l’on récite entre les jeûnes du 17 tamouz et du 9 av .

Empruntée au premier chapitre du livre de Jérémie, elle retrace les circonstances de l’élection de ce prophète.

Elle rappelle qu’il est né à Anathoth, localité située à quelques kilomètres à l’est de Jérusalem.

Cette indication n’est pas innocente, car elle rappelle un événement qui a eu lieu plusieurs siècles avant la naissance de ce prophète.

Pendant la guerre civile qui a opposé, à la fin de son règne, le roi Saül à David, son futur successeur, les troupes royales se sont livrées à un véritable massacre. Au motif que les kohanim de la ville de Nov avaient donné asile à David, elles exterminèrent ses habitants :

« Et [Saül] frappa Nov, ville des kohanim , par le tranchant de l’épée, homme et femme, enfant et celui qui tète, b?uf et âne, et mouton, par le tranchant de l’épée. Et un des fils d’A?himélekh, fils d’A?hitouv, dont le nom était Evyatar, se sauva, et s’enfuit après David » (I Samuel 22, 19 et 20).

Evyatar est devenu plus tard le kohen gadol de David.

Cependant, lors des intrigues qui ont opposé, à la fin du règne de ce monarque, ses deux fils Adonias et Salomon qui se disputaient sa couronne, Evyatar a fait, en quelque sorte, le mauvais choix, puisqu’il a opté pour celui qui allait être écarté :

« [Adonias] conféra avec Joab, fils de Tserouya, et avec Evyatar, le kohen , et ils aidèrent Adonias et le suivirent » (I Rois 1, 7.).

Aussi le roi Salomon, une fois qu’il eut affermi son pouvoir, prononça-t-il contre Evyatar la punition que méritait sa trahison :

« Le roi [Salomon] dit à Evyatar, le kohen : Va dans tes champs, à Anathoth, car tu mérites la mort ; mais, aujourd’hui, je ne te mettrai pas à mort [?] Salomon chassa Evyatar du sacerdoce de Hachem , pour accomplir la parole de Hachem , qu’il prononça au sujet de la maison de ?Eli, à Chilo? (I Rois 2, 26 et 27).

Cette « parole de Hachem  » remontait à très loin dans le passé. Elle avait été émise à l’époque du prophète Samuel, pour punir de leur comportement le kohen gadol ?Eli, et surtout ses deux fils, comportement jugé indigne de leurs fonctions :

« Je me susciterai un kohen fidèle : il fera selon ce qui est dans Mon coeur et dans Mon âme, Je lui bâtirai une maison stable, et il marchera toujours devant Mon oint » (I Samuel 2, 35).

C’est ainsi que les descendants d’Evyatar, dont allait faire partie Jérémie, ont été complètement écartés de toute activité sacerdotale. Assignés à résidence à Anathoth, localité d’ailleurs proche de Nov où avait eu lieu le massacre perpétré par Saül, ils y ont mené, des siècles durant, et sans jamais bénéficier d’aucune amnistie, une existence de reclus.

Jacques KOHN zal