L’une des bénédictions de Bilaam est : « Voyez ! Ce peuple se lève comme un léopard, il se dresse comme un lion ; il ne se couchera qu’assouvi de carnage, qu’enivré du sang de ses victimes ! » (Bamidbar 23, 24).
Rachi commente ces derniers mots ainsi : « ‘Il ne se couchera’ – la nuit dans son lit sans avoir combattu et détruit tous les ennemis susceptibles de lui porter atteinte. Comment procède-t-il ? Il récite le Chema sur son lit et confie son âme à D.ieu
.Surviennent une troupe ennemie ou des brigands pour lui faire du tort, le Saint béni soit-Il le protège en combattant pour lui et fait tomber des victimes. »

Cette bénédiction est donc une référence implicite à la lecture du Chéma que l’on fait avant de dormir. Celle-ci, comme l’indique le verset, est destinée à protéger l’homme de tout préjudice durant son sommeil.

Plus explicitement, le Talmud énonce : « Rabbi Yéhochoua Ben Lévi dit : même après qu’un homme a lu le Chéma [le soir] à la synagogue, il y a encore une mitsva de le lire avant de dormir. Rav Yossef dit : C’est à ce sujet que le verset (Téhilim 4, 5) dit : ‘Tremblez et ne péchez point ; parlez à votre cœur sur votre couche [comme dans le Chéma : ‘Ces paroles seront gravées sur votre cœur… et en te couchant’] et gardez le silence [c’est-à-dire : taisez-vous et dormez] » (Bérakhot 4/b). Un peu plus loin dans ce texte, on peut également lire : « Rabbi Its’hak dit : Celui qui lit le Chéma sur son lit avant de dormir est semblable à un homme tenant entre ses mains une épée à double tranchant… »

Le verset des Téhilim cité dans cette Guémara laisse entendre qu’après avoir prononcé le Chéma sur son lit, il convient de « garder le silence ». Et de fait, le Rama (Ora’h ‘Haïm 239, 1) écrit qu’après avoir prononcé le Chéma, on nous pourra plus manger, boire ni parler. Si l’on a très soif ou que l’on doit impérativement dire quelque chose, on pourra déroger à cette règle mais l’on devra ensuite réciter à nouveau le Chéma. Par contre, si l’on a déjà prononcé la bénédiction de Hamapil (que nous verrons plus loin), on évitera toute interruption avant de dormir. Certains décisionnaires font cependant remarquer que dans ce cas précis, il ne s’agit pas d’un véritable problème d’interruption entre la bénédiction et le sommeil – comme c’est le cas lorsqu’on s’interrompt entre une bénédiction sur un fruit et sa consommation. D’après eux, c’est uniquement par égard pour le verset des Psaumes qu’il convient de « garder le silence » et en conséquence, dans un cas de grande nécessité, on pourra parler ou boire selon les besoins de l’heure (Tsits Eliézer cité par le Torah LaDaat).
La bénédiction de Hamapil

Un autre passage du Talmud stipule : « Lorsque l’on compte aller dormir, on récitera le Chéma jusqu’à ‘véhaya im chamoa’ et l’on prononcera la bénédiction : ‘Hamapil ‘hévlé chéna…’ » (Bérakhot 60/b). D’après ce texte, il apparaît que l’on ne prononcera cette bénédiction qu’après avoir récité le Chéma. Mais dans les écrits de Maïmonide, on trouve l’ordre inverse : « Lorsqu’on se couche pour dormir la nuit, on devra dire la bénédiction ‘baroukh… hamapil…’ et lire ensuite le premier paragraphe du Chéma » (Hilkhot Téfila chap. 7). Concrètement, les coutumes divergent quant à l’ordre à suivre : si le Choul’han Aroukh cite la Guémara textuellement, certains avis s’en tiennent à la décision du Rambam. Le Michna Béroura écrit cependant à ce sujet : « Il me semble que chacun devra concrètement agir selon sa propre nature : ceux qui ont le sommeil facile et qui risquent de s’endormir au milieu du Chéma devront opter autant que possible pour réciter d’abord la bénédiction de Hamapil. Mais si l’on s’endort plus difficilement, il sera au contraire préférable de repousser cette bénédiction à la fin. »

Quels paragraphes lire ?
Dans les différents textes que l’on vient de citer, il apparaît que pour cette lecture du Chéma, on n’est pas tenu de lire plus que le premier paragraphe. Toutefois, les décisionnaires font remarquer que lorsqu’on a prié arvit avant la tombée de la nuit, on ne s’est donc pas encore rendu quitte du devoir de lire le Chéma « en te couchant » – c’est-à-dire la nuit. Dans ce cas, lorsqu’on récitera le Chéma avant d’aller dormir, on devra avoir l’intention explicite de se rendre quitte de cette mitsva et par conséquent, il faudra également lire l’intégralité du Chéma – à savoir ses trois paragraphes. D’autant plus que l’on a un devoir de mentionner la sortie d’Egypte – évoquée dans le dernier verset du dernier paragraphe – de jour comme de nuit.

Par ailleurs, de nombreux décisionnaires sont d’avis qu’en toute circonstance, il conviendra de lire l’intégralité du Chéma, même si l’on s’en déjà rendu quitte (notamment le Maguen Avraham ad loc.). Ils en veulent pour preuve le fait que les mots du Chéma s’élèvent au nombre de 248 – si l’on tient compte des trois mots d’introduction : « Kel Mélekh Nééman » –, en regard des 248 membres du corps humain. De cette manière, le Chéma s’avérera plus efficace pour protéger l’ensemble de notre corps pendant la nuit.
Dans le cas où le Chéma récité avant de dormir tient également lieu de lecture obligatoire au titre de mitsva, on prendra soin de ne pas le réciter couché. Mais si l’on s’est déjà rendu quitte de la mitsva, on pourra se permettre de le réciter allongé (bien que certains préconisent tout de même de le faire assis ou debout), en veillant tout au moins à se coucher sur le flanc.

Par Yonathan Bendennnoune,en partenariat avec hamoda.fr