Ils s’appelaient Cohen-Solal, Weisz ou Bouskila. Soldats dans l’armée française, ils sont morts durant les combats de 39-45 et surtout pendant la Grande Guerre de 14-18. Ils étaient juifs, ce qu’ignoraient parfois les services chargés de les enterrer dans les cimetières ou les carrés militaires. C’est ainsi qu’une croix latine avait été plantée sur leur tombe. Combiens sont-ils à ne pas avoir été inhumés selon la tradition juive ? « C’est très difficile à savoir. L’armée française ne tient en effet aucun registre de la religion des soldats.

Nous avançons donc au cas par cas », explique le grand rabbin Claude Maman, aumônier des Anciens combattants, qui tente, dès que c’est possible, de recenser les soldats juifs tombés aux combats pour la France et remplace les croix chrétiennes par une étoile de David, sur leurs tombes. Une campagne patiente, modeste, menée dans le silence de cimetières militaires parfaitement entretenus mais rarement visités.

 

Tout a commencé, il y a deux ans lorsqu’un ancien combattant de la 2eDB, demande à son fils, avant de mourir de faire en sorte qu’un de ses camarades de combats – Salomon Sabbag – tombé en Normandie en juin 1944 et enterré par erreur comme chrétien retrouve sa dignité juive. Prévenu, le grand rabbin Maman, retrouve la tombe en question. Le nom du défunt donne évidemment une très forte présomption, mais comment savoir s’il s’agit bien d’un Juif ? L’enquête le conduit jusqu’à Marseille, où un autre ancien de la 2eDB confirme avoir passé un Kippour à Casablanca avec Salomon Sabbag : « Comment définir la judaïté ? Ces soldats étaient souvent des jeunes gens morts sans enfants et qui n’ont plus de proches vers lesquels nous pouvons nous tourner. Si un témoignage confirme que la personne était juive, cela nous suffit », confirme le grand rabbin Maman. « Après tout, ce n’est pas comme s’il fallait établir un certificat en vue d’un mariage ». 

Une fois les indices recueillis, le dossier est alors transmis au service des sépultures de guerre de l’armée française qui rectifie immédiatement et fait poser la stèle réglementaire réservées aux soldats juifs : une étoile de David encadrée par les lettres pé et noun (Po Nikvar, ici git) surmontant le nom du défunt.
Consigne a donc été donnée aux aumôniers israélites et aux responsables d’associations d’anciens combattants de faire " remonter " tous les cas « suspects ».

C’est ainsi que trois tombes de Juifs présumés, surmontées d’une croix ont été récemment découvertes dans une nécropole militaire de la région lyonnaise. Parfois, l’erreur est signalée par les descendants, qui des décennies plus tard, se rendent compte de l’importance de réparer cette erreur. C’est ainsi que le rav Betsalel Lévy, aumônier des Pompiers de Paris, s’est rendu, un jour, dans un cimetière militaire à la demande de la famille d’un certain Marciano, pour constater qu’à quelques tombes de là, le soldat Nahmani était également très probablement juif. Ils ont depuis retrouvé leur identité religieuse. L’an dernier, une dizaine de cas ont ainsi été résolus et huit dossiers sont actuellement en voie de l’être.

Il arrive cependant que la tradition juive se heurte au règlement militaire. Comme dans le cas d’un habitant d’Ashdod qui voulait faire rapatrier en Israël la dépouille de son grand-père décédé durant la première Guerre mondiale. Il se heurte à un refus catégorique de l’administration qui a invoqué la prescription. « Pour bien faire, il faudrait parcourir les cimetières militaires un à un. Mais faute de moyens en hommes, c’est impossible. Nous appelons donc aux témoignages de chacun pour accomplir ce devoir de mémoire », rappelle l’Aumônier des Anciens combattants.

Source Hamodia