La Agada, ces passages talmudiques se livrant généralement à l’exégèse des versets, se trouve être une étude difficilement
abordable. En percer les sens cachés semble revenir à pénétrer les plus profonds secrets de l’étude cabalistique ! Toutefois, le rav
Its’hak Hutner zatsal nous propose ici une interprétation remarquable de l’un des ces textes…

Le Talmud (Traité Chabbat, page
3/b) raconte que le sage Rav
avait un jour posé une quest
tion à son maître, rabbi Yéhouda
haNassi, relative aux lois du Chabbat. Or, le maître lui donna une
réponse manifestement inexacte…
Raison pour laquelle rabbi ‘Hiya,
un autre disciple de ce maître,
avait réprimandé son camarade :
« Ne t’ai-je pas déjà dit que lorsque
le maître est absorbé dans un
traité, il ne faut pas le questionner
sur un autre traité ? ». Depuis cette
anecdote, ce conseil – ou plutôt cet
ordre imposé par rabbi ‘Hiya – est
devenu une règle de conduite générale qui nous interdit de questionner un maître sur un thème
dans lequel il n’est pas absorbé.

Or de prime abord, il semblerait que
cette obligation révélerait plutôt la
carence du rav puisqu’il s’avère
être dans l’incapacité de maîtriser
deux thèmes à la fois… Si ce point
de vue a l’avantage de la simplicité, il reste toutefois difficile de
le concevoir tel quel ! Se penchant
sur la signification de cette règle de
conduite, rav Its’hak Hutner zatsal
(« Pa’had Its’hak » sur Chavouot,
chapitre 9) découvrit qu’elle pourrait tout au contraire exprimer la
grandeur dudit maître puisque ses
origines se trouveraient précisément dans l’une des dimensions du
Don de la Torah au mont Sinaï…

Le parfum de la Torah

Citant ce verset extrait du Cantique des Cantiques (5, 13) – « Ses
joues sont comme une plate-bande
de baumes aromatiques » -, le Talmud (Traité Chabbat, page 88/b)
rapporte l’enseignement suivant :
« Pour chaque commandement qui
sortait de la bouche du Saint Béni
soit-Il [lors du Don de la Torah],
le monde entier se remplissait de
parfum. Or, si le monde était déjà
parfumé par le premier commandement,
qu’est-ce que le parfum
du second remplissait-il ? C’est
que D.ieu sortit un vent de Son
trésor qui dissipait le parfum de
chacune des Paroles ! ».

Ce que l’on doit discerner derrière
cet enseignement pour le moins
énigmatique, nous explique le rav
Hutner, c’est le fait que chacun des
Dix Commandements occupait le
monde de manière exclusive sans
laisser à un autre commandement
la place de s’y glisser. C’est donc
en ce sens que le monde entier se
remplissait de parfum, dans la
mesure où la Parole divine alors
en pleine expansion captivait
toutes les aptitudes de l’univers,
et c’est pourquoi seule une action
particulière – ce vent gigantesque
qui traversait toute la surface du
globe – fut à même de laisser la
place à la Parole suivante.

Or comme nous le voyons à de
maintes reprises, les événements
du mont Sinaï constituèrent le
modèle fondamental suivant lequel la Torah doit être étudiée,
comme nous l’enseignent les Sagt
ges en stipulant que les conditions
de l’étude doivent être identiques
à celles de la Révélation du Sinaï.
C’est donc à la mesure de ces parfums qui embaumaient le monde
que le maître versé dans l’étude
de la Torah doit précisément absorber toute son énergie et tout
tes ses capacités dans l’étude du
moment. La force du rav réside
précisément à s’imprégner si intensément dans le Traité qu’il
étudie, qu’il doit être en mesure
de faire abstraction de toute autre
perturbation externe. Et à l’image
du parfum si spécifique de chaque Parole divine, cette implication ne saurait s’effacer que par
la force d’une résolution délibérée « arrachant » en quelque sorte
l’homme du monde spirituel dans
lequel il évolue…

Contrairement à la conception générale, c’est donc tout au mérite du
maître qu’il ne puisse pas répondre
aux questions posées sur un thème
dans lequel il n’est pas absorbé !

Y. Bendennoune
Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française

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