Bien que la Tora les ait déjà comptés de leur vivant en indiquant leurs noms (Beréchith 46, 8 à 27), commente Rachi, elle les recense à nouveau après leur mort pour montrer combien Hachem leur est attaché. Car ils sont comparés aux étoiles, qu’Il fait sortir et rentrer en les comptant et en les appelant par leurs noms, ainsi qu’il est écrit (Yecha’ya 40, 26) : « Celui qui fait sortir leur légion céleste en les comptant les appelle toutes par leur nom. »

La lumière du soleil est si puissante qu’elle éclipse complètement tous les autres luminaires du firmament, fait remarquer Rav Ya‘aqov Kaminetsky. Ainsi, tant que le soleil brille sur la terre, l’éclat des autres étoiles est invisible. Quand celui-ci devient-il accessible à l’œil ? Lorsque le soleil se couche et que les ténèbres se déploient sur le monde. Alors seulement les innombrables astres commencent de répandre leur clarté vers les habitants de la terre et deviennent visibles.
La comparaison des fils de Ya‘aqov avec les étoiles est donc très appropriée. Du vivant de leur père, leur grandeur est restée inaperçue, car Ya‘aqov ressemblait au soleil de midi qui inonde le monde de son immense embrasement au point d’éclipser tous les autres astres. Mais après sa mort, dans les ténèbres de l’exil égyptien, les feux des chefs de tribus se sont mis à scintiller sur les enfants d’Israël.
Le ‘Hafets ‘Hayim s’attache à la deuxième moitié de ce verset. Le but de ces phrases préliminaires est d’établir lesquels des enfants d’Israël sont descendus en Egypte. Quant aux suivantes, elles dresseront la liste nominative des chefs des familles, tout en nous indiquant le nombre total de leurs membres. Sous cet éclairage, la précision fournie par le texte selon laquelle « avec Ya‘aqov sont venus chaque homme et sa maisonnée » paraît superflue.
Nous pouvons en déduire, suggère le ‘Hafets ‘Hayim, que les fils de Ya‘aqov ont eu de mauvais pressentiments quant à la venue de leurs familles en Egypte. Ils redoutaient qu’elles soient exposées à l’influence corruptrice du mode de vie local. Seul le fait que Ya‘aqov les accompagnerait a réussi à apaiser leurs craintes. Sa présence, se sont-ils dit, agira comme une force de dissuasion envers n’importe lequel de ses petits-enfants qui serait tenté de se détourner des voies de la Tora.
Voilà ce que souligne ici le verset : C’est seulement parce qu’ils sont venus « avec Ya‘aqov » que chaque homme a décidé de « venir avec sa maisonnée ».
Ce point est illustré par l’anecdote suivante survenue au ‘Hafets ‘Hayim lui-même. Toute sa vie durant, ce grand Maître avait souhaité émigrer en Erets Yisrael, mais ses plans ne s’étaient jamais réalisés. Dans sa vieillesse, cependant, il décida que le moment était venu de quitter la Pologne, et il commença de s’y préparer ainsi que sa famille.
Sentant que, cette fois, le vénérable Sage était résolu à mener ce projet à son terme, Rav ‘Hayim Ozer Grodzinsky, agissant au nom des plus éminents rachei yechivoth et rabbins de l’époque, le supplia de reconsidérer sa décision. Toutes les yechivoth d’Europe allaient souffrir de son absence, argua-t-il, et le niveau général de Tora et d’observance ne manquerait pas de régresser ! Le ‘Hafets ‘Hayim exprima son désaccord : « Aussi longtemps que j’étais fort et robuste, j’étais capable de me battre vigoureusement pour maintenir un certain degré de religiosité. Mais maintenant que je suis devenu un vieillard et que je n’ai plus l’énergie requise, pourquoi mon éloignement vous affecterait-il ?
– Rav Israël Salanter avait pourtant l’habitude de dire : “Tant que le grand-père est assis à table, même les petits-enfants se conduisent bien !” » répondit Rav ‘Hayim Ozer.
Ici aussi, les fils de Ya‘aqov comptaient sur le fait que la présence de Ya‘aqov protégerait leurs familles des influences égyptiennes.