« LaMénatséa’h al Ayélèt haCha’har » : ce Psaume du roi David, tout entier consacré à la Délivrance finale, est adressé à l’« Ayélèt haCha’har » – littéralement « la biche de l’aurore » – qui n’est autre que la reine Esther…

Au plus profond de l’obscurité…

L’expression « Ayélèt haCha’har » désigne cette situation dans laquelle se trouve l’homme qui, plongé dans le désespoir, est assis dans la plus totale obscurité et attend que la lumière de la liberté surgisse pour l’illuminer.

C’est pourquoi le Maharal écrit en introduction à son livre « Or ‘Haddach » : « Toute chose qui provoque un sentiment passionné est dénommmée ‘Ayélèt’ – la biche ». Comme cela est enseigné dans le Traité talmudique Yoma (page 29/a) : « De même que la biche est chère aux yeux du cerf à tout moment comme au premier instant, de même Esther était chère aux yeux d’Assuérus à tout moment comme au premier instant ». « C’est pourquoi, précise le maître de Prague, la délivrance que provoqua la reine Esther s’appelle l’ ‘aurore’, tandis qu’inversement, la nuit [et, par extension, l’exil – Ndlr] porte le nom d’obscurité [‘Hochekh]. Or, quelques instants seulemment avant le lever du jour, c’est-àdire avant l’aube, l’obscurité est plus épaisse encore que durant le reste de la nuit ! Comme ce fut effectivement le cas à l’époque de Mordékhaï et Esther, l’obscurité d’alors se dédoubla d’un obscurcissement plus profond encore… Tel est le sens de ce verset qui dit : ‘Et Moi-même, Je persisterai à dérober Ma face ! [Anokhi Aster Astir Panaï]’, (Devarim, 31, 18). Car, alors que le peuple juif se trouvait dans l’obscurité provoquée par l’exil d’Assuérus, un nouvel obscurcissement vient s’ajouter à elle : celui que provoqua Haman avec ses décrets. Au point où cette situation ressemble exactement à celle qui précède l’aurore, lorsque l’obscurité est si épaisse que tout homme attend désespérément la toute première apparition de la lumière. De même, les Juifs de Suze jeûnèrent et se tournèrent vers le Tout-puissant dans les pleurs et les gémissements afin qu’Il leur envoie la lumière de la Délivrance ».

« Deus ex machina »

Une seconde dimension est aussi contenue dans l’expression « la biche ». En effet, ainsi que le Midrach Yalkout Chimoni (Téhilim 22, 685) le fait remarquer, si le roi David a comparé Esther haMalka à « la biche de l’aurore » (Ayélèt haCha’har), c’est en relation avec la dextérité qui caractérise cet animal et, plus exactement, en vertu des bonds extraordinaires dont la biche est capable…

En effet, bien que l’on définisse généralement le miracle par le fait qu’il remet en cause les règles de la nature, lors des évènements qui se déroulèrent dans l’empire d’Assuérus, rien ne laissa entrevoir la moindre intervention miraculeuse de la Providence divine ! Au contraire, le dénouement de cette intrigue semble répondre à la plus implacable des logiques : malgré la menace qui pèse sur le peuple juif à cause du refus de Mordékhaï de se plier aux obligations du premier ministre Haman, deux évènements majeurs vont lui permettre d’éviter le pire. Le premier tient au fait qu’Esther se trouve propulsée au coeur du palais royal ; et le second, c’est que Mordékhaï a pu déjouer un complot contre le souverain qui le réhabilite subitement aux plus hautes fonctions… en lieu et place de celui qui lui voulait tant de mal ! Inversement, Haman ayant voulu, semble-t-il, trop abuser de sa proximité avec le roi, est condamné à mort…

La précipitation des faits qui permirent le sauvetage inattendu d’Israël est révélatrice d’une rupture constituant la marque de l’intervention divine au coeur même de l’enchaînement logique des évènements qui font l’Histoire !

C’est pourquoi le Maharal écrit à la suite du texte précité que les Sages du Midrach ont comparé cette délivrance du peuple juif à un « bond » effectué par le Tout puissant. Car le caractère soudain et imprévu de la délivrance nous révèle précisément sa dimension miraculeuse ! La temporalité propre au miracle venant, pour ainsi dire, briser le rythme naturel du monde, cette précipitation des faits fut ce qui permit le sauvetage inattendu d’Israël. Et c’est dans cette rupture que nous est donnée à lire la marque de l’intervention divine au coeur même de l’enchaînement logique des évènements qui font l’Histoire !

Si nous lisons la Méguila à la lueur de cet enseignement, nous verrons que nombreux sont les versets qui soulignent cette précipitation soudaine nous permettant de repérer le « deus ex machina » qui se trame derrière les évènements historiques. Le maître de Prague en rappelle au moins trois : « Le roi dit : ‘Allez vite chercher Haman pour que s’accomplisse le désir d’Esther’ , (Méguila Esther, 5, 5) ; ‘Dépêche-toi, dit le roi à Haman, prends le vêtement et le cheval dont tu as parlé, et fais comme tu l’as dit à l’égard du Juif Mordékhaï qui est assis à la porte du roi !’, (Ibid. 6, 10) ; et encore : ‘Ceux-ci firent diligence pour conduire Haman au festin qu’Esther avait préparé’, (Ibid. 6, 14)…

Cette délivrance précipitée est bien le signe pour toutes les générations à venir qu’alors que tout est à craindre, l’intervention de D.ieu dans l’Histoire est dans son essence même imprévisible !

Yehuda Rück
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