Rav Aryè Leib Ginzburg (1695-1785), dit le « Chaagath Aryè » :

Une des gloires de la communauté juive de Metz…

Rav Aryè Leib Ginzburg, également appelé par le titre de son ?uvre maîtresse, le Chaagath Aryè (« Le rugissement du lion »), a été le possèq ha-dor, l?autorité rabbinique indiscutée de son époque. Son titre s?est inspiré d?un verset du prophète Amos (3, 8) : « Le lion a rugi (aryè chaag) : qui n?aura peur ? Le Seigneur, Hachem, a parlé : qui ne prophétisera ? »

Tout comme l?animal qui lui a servi de modèle, il a témoigné d?un caractère farouche et entêté, et aussi d?un dédain profond pour les vanités terrestres et d?une quête obstinée de la vérité.

  

Ses années de jeunesse

 

Rav Aryè Leib Ginzburg est né à Pinsk (Biélorussie) en 1695. Son père, rav Achèr, était le av beith din de la ville, respecté de tous pour son dévouement et son érudition.

Dès son plus jeune âge, le jeune Aryè se distingua dans l?étude de la Tora.

Rav Achèr était très instruit, comme la plupart des Juifs de son temps, mais il n?avait pas les moyens de s?acheter un Chas.

Rav Aryè était encore très jeune lorsque sa famille déménagea de Pinsk à Minsk, cité située à quelque 300 kilomètres.

Il y avait dans cette ville une veuve qui possédait une collection complète du Chas, et qui en prêtait les volumes à tous les talmidei ?hakhamim qui lui en faisaient la demande.

Le jeune Aryè demanda à son père la permission d?user de cette faculté. A partir de ce moment, il acheva chaque jour l?étude d?un des traités de la Guemara et emprunta journellement de nouveaux volumes.

Sa prêteuse marqua quelque étonnement, et elle n?était pas éloignée de penser qu?il se contentait de feuilleter les ouvrages qu?elle lui confiait. C?est ainsi qu?elle lui demanda un jour : « Comment as-tu fait pour terminer en un seul jour l?étude de cette longue massekhta ? Je te rappelle que ces livres coûtent très cher, et je ne voudrais pas que tu les détériores. »

Quelque peu embarrassé, Aryè Leib lui répondit : « Prêtez-moi, s?il vous plaît, une nouvelle Guemara, et je vous promets de ne plus venir en échanger chaque jour. »

D?abord un peu contrarié de ne plus pouvoir, comme avant, emprunter sa Guemara quotidienne, il finit par accepter de bon c?ur la décision prise par cette femme en se disant : « Ce qu?elle m?a dit lui a certainement été inspiré par le Ciel. A partir de maintenant, au lieu de changer chaque jour de massekhta, j?étudierai la même plusieurs fois de suite. »

A partir de ce jour-là, il se mit à approfondir tout ce qu?il étudiait, et c?est ainsi qu?il s?acquit une compétence extraordinaire dans tout le Chas.

Plus tard, alors qu?il était devenu l?un des grands Maîtres de son époque, il confia à l?un de ses fidèles : « Si j?ai pu étudier la Tora en profondeur, je le dois à une veuve de la ville où j?ai habité dans ma jeunesse. »

On ne sait que peu d?autres choses sur son enfance.

En 1725, on proposa à rav Aryè Leib le poste de Roch yechiva de Minsk. Il y fut très apprécié par ses étudiants et par les talmidei ?hakhamim de la ville, mais beaucoup moins par ses ouailles, qui lui reprochaient ses sévères mercuriales.

Le conflit alla en s?aggravant, au point qu?on le démit de ses fonctions et qu?on le chassa de la ville en ne lui laissant que le strict nécessaire ainsi qu?une charrette tirée par des b?ufs.

Cela se passait un vendredi, et rav Aryè Leib supplia qu?on le laisse passer Chabbath dans son ancienne demeure, au lieu de l?obliger à le faire en pleine nature. Cela lui fut refusé, de même qu?on ne voulut pas lui fournir des ?haloth et des bougies.

Soudain, une femme nommée Blumka se mit à pousser des hurlements stridents. Profitant de ce que les voyous qui surveillaient le départ du rav s?appliquaient à connaître l?origine du vacarme, elle s?approcha discrètement de la charrette et tendit à celui-ci quatre ?haloth et quelques bougies.

Ce qui venait d?arriver était particulièrement humiliant pour le Chaagath Aryè et sa famille. Et pourtant, alors que sa charrette s?éloignait de Minsk, non seulement continua-t-il d?étudier, mais il fredonna une joyeuse chanson.

Sa femme ne comprenait ce qui avait pu le maintenir dans une telle allégresse dans des circonstances aussi dramatiques. Il lui répondit : « Je suis heureux de ce qui m?arrive, car celui qui accepte ses épreuves avec amour voit ses péchés pardonnés et se rapproche de Hachem. »

Au cours de leur pénible voyage, rav Aryè Leib et sa femme s?arrêtèrent dans une auberge. Impressionné par la sainteté qui s?émanait de son hôte, l?aubergiste l?invita avec son épouse pour Chabbath, et il mit à leur disposition, pendant aussi longtemps qu?ils le désireraient, une petite chambre située dans les combles.

Un jour, alors qu?il était encore dans cette auberge, rav Aryè Leib se mit soudain à pleurer. Inquiète de le voir dans cet état, sa femme lui demanda : « Je ne te comprends pas. Avant que nous arrivions dans cette auberge, et alors que nous voyagions dans une charrette particulièrement inconfortable, tu fredonnais une mélodie enjouée. Et maintenant que nous sommes confortablement installés et que tu peux étudier sans être accablé de soucis, tu te mets à pleurer ! »

?C?est bien cela qui me rend si triste. Je ne me souviens pas avoir jamais vécu dans un cadre aussi agréable, ni avoir jamais eu la possibilité de me consacrer exclusivement à l?étude de la Tora, sans être écrasé par des soucis financiers ou de préoccupations communautaires. Mais cela ne sera-t-il pas aux dépens de ma part dans le ?olam ha-ba ? »

Quelques jours après, un groupe de voyageurs entra dans l?auberge pour y prendre un repas. Enthousiasmés par l?érudition de rav Aryè Leib, ils lui exprimèrent leur peine pour les souffrances qu?il avait dû endurer et ils lui proposèrent un poste d?enseignant dans leur ville.

Peu de temps après, on lui offrit le poste de rav de Volozhin. Malgré la modicité du salaire qui lui était proposé, il accepta de remplir cette fonction. Il posa cependant une condition : Il faudrait que la ville crée et soutienne une yechiva où il pourrait enseigner la Tora et former des talmidei ?hakhamim.

C?est ainsi que des centaines d?étudiants vinrent assister quotidiennement à ses chiourim, et il consacra à chacun de ses disciples un maximum d?attention.

Cependant, la yechiva, accablée de charges financières insurmontables, dut bientôt fermer ses portes. Rav Aryè Leib menait une existence très frugale, tandis que sa femme était employée dans diverses boulangeries pour un maigre salaire. Il sentit bientôt qu?il lui faudrait quitter Volozhin.

Malgré les multiples difficultés qu?il avait rencontrées dans cette ville, c?est là qu?il mena à bonne fin la rédaction de son Chaagath Aryè et qu?il forma de multiples disciples particulièrement brillants.

Un providentiel retour des choses

La communauté de Minsk, qui s?était si mal conduite envers rav Aryè Leib, ne tarda pas à subir sa juste punition. Le jour même de son départ, un incendie se déclara dans le quartier juif, là même où habitaient les plus opulents de ses ba?alei batim.

On décréta des jeûnes et l?on récita de nombreuses prières de seli?hoth, mais les calamités continuèrent d?accabler la ville. Les gens ne tardèrent pas à se rendre compte qu?ils subissaient là une punition pour avoir banni et humilié rav Aryè Leib.

Accablée de remords, la kehila de Minsk envoya une délégation à Volozhin pour supplier le Chaagath Aryè, au nom de tous les Juifs de la ville, de lui pardonner. Celui-ci déclara à ses émissaires : « Les malheurs qui vous frappent n?ont rien à voir avec mon bannissement, puisque je vous ai pardonnés dès l?instant où vous l?avez décrété. »

On comprit alors que le Ciel ne pardonne jamais les affronts faits à un talmid ?hakham, même si celui-ci ferme les yeux sur eux.

Tandis que les membres de la communauté qui l?avaient chassé s?en trouvèrent sévèrement punis, Blumka, cette femme qui l?avait pris en pitié, devint très riche et eut le mérite de fonder une yechiva, dans laquelle étudièrent beaucoup de ceux qui avaient soutenu rav Aryè Leib. Elle fut également digne, plus tard, de pouvoir financer la publication du Chaagath Aryè.

Sa rencontre avec rav Nathan Adler

Après avoir quitté Volozhin, rav Aryè Leib entreprit une vie d?errance, comme le faisaient alors de nombreux guedolim. Sa femme, dont le dévouement ne s?est jamais démenti, l?aidait dans son existence quotidienne.

Chaque fois qu?il entrait dans une ville, il commençait par se diriger vers le beith ha-midrach, et il s?y plongeait dans l?étude. Pendant ce temps, sa femme lui préparait un repas. Le soir, ils résidaient dans un heqdech, un établissement d?accueil pour Juifs indigents.

C?est alors qu?à Francfort-sur-le-Main, rav Nathan Adler, mieux connu sous le titre de Ha-néchèr ha-gadol (« le grand aigle »), apprit que rav Aryè Leib errait de ville en ville. Supposant qu?il viendrait un jour dans sa ville, rav Nathan avertit son chamach qu?il devrait l?avertir immédiatement s?il voyait arriver dans le beith ha-midrach un couple de pauvres dont le comportement serait différent de celui des autres nécessiteux.

Plusieurs mois passèrent sans que rien ne se produise de tel, et le chamach de rav Nathan finit par oublier la consigne. Mais un jour, un couple arriva au heqdech et, au lieu d?aller dormir comme les autres occupants, le mari prit un Rambam et s?enfonça dans son étude. Le lendemain matin, on le vit danser de joie dans la cour.

« Que se passe-t-il, demanda le chamach ?

? J?ai fini par comprendre ce Rambam, répondit l?homme, qui n?était autre que le Chaagath Aryè. »

Se souvenant alors de la consigne qu?il avait reçue, le chamach pria l?homme de l?accompagner jusqu?à la synagogue. Après une courte conversation, rav Nathan comprit qu?il s?agissait bien de rav Aryè Leib.

Il invita celui-ci, ainsi que sa femme, à venir résider chez lui, et il les hébergea pendant plusieurs semaines.

Au cours d?une conversation à c?ur ouvert, rav Aryè Leib confia à son hôte : « Toutes les souffrances physiques que j?ai endurées et toutes ces errances auxquelles j?ai été contraint ont été pour moi les sources d?immenses satisfactions. Jamais je n?aurais atteint, sans elles, de tels sommets spirituels. »

Séjour à Koenigsberg

Poursuivant ses voyages, rav Aryè Leib arriva un jour à Koenigsberg. Après la prière de ma?ariv dans la grande synagogue de la ville, il aborda son rav, Aryè Leib Epstein, et lui posa une question sur un sujet de Guemara. La conversation entre les deux hommes prit rapidement un tour animé, au point que rav Epstein finit par défendre son point de vue en disant : « Pourtant, le Chaagath Aryè partage mon opinion ! »

? Je vous prie de m?excuser, lui rétorqua le Chaagath Aryè, mais j?ai bien peur que vous n?ayez pas bien compris cet ouvrage !

? Peut-être est-ce vous qui ne l?avez pas compris, répondit rav Epstein. »

? Je vous assure que je le connais très bien, et que je suis familiarisé avec sa façon de raisonner. »

Soudain, rav Epstein fut pris de tremblements : « Ne se pourrait-il pas, se dit-il, que cet homme soit le Chaagath Aryè lui-même ? On raconte partout qu?il voyage de ville en ville? »

Il se souvint alors qu?on disait de lui qu?il inspirait une imposante apparence de sainteté, pas moins puissante que celle ce l?homme qu?il avait en face de lui.

« C?est donc vous le Chaagath Aryè ! Pardonnez-moi de ne pas vous avoir traité avec le respect qui vous est dû.

? Pourquoi devrais-je vous pardonner ? Nous n?avons fait que discuter d?un point dans la Guemara ! »

? Dans ce cas, conclut rav Epstein, acceptez au moins de demeurer chez moi aussi longtemps que vous vous trouverez dans cette ville. »

 

Rav de Metz

Quelque temps plus tard, alors que rav Aryè Leib était toujours son hôte, rav Epstein apprit que la communauté de Metz était à la recherche d?un rabbin.

Celle-ci était alors l?un des centres les plus illustres de Tora, et elle accueillait de nombreux talmidei ?hakhamim. C?est dans cette cité qu?était né, vers 960, Rabbeinou Guerchom, dit Meor ha-gola (« Lumière de l?exil »), auteur de plusieurs taqanoth qui ont encore force de loi aujourd?hui.

Après mûre réflexion, rav Epstein décida que le Chaagath Aryè était l?homme dont cette communauté avait besoin, et il lui suggéra le même jour de faire acte de candidature.

Rav Aryè Leib était alors âgé de soixante-dix ans, et il sentait que le moment était venu pour lui de faire une pause dans ses errances. Il décida d?accepter cette offre.

La communauté de Metz répondit positivement, et c?est ainsi que le Chaagath Aryè entreprit le long voyage depuis la Prusse jusqu?en Lorraine.

Il était d?usage, comme souvent aujourd?hui, qu?un candidat au poste de rav de communauté, avant d?être officiellement nommé, y passe un Chabbath et prononce une deracha dans sa synagogue la plus importante.

Rav Aryè Leib parla trois heures durant, pendant lesquelles il fascina son auditoire par la profondeur de ses ?hiddouchim. Son discours était si pénétrant et si savant que même les plus grands érudits de la communauté avaient du mal à suivre le courant de sa pensée.

Cependant, certains des administrateurs de la communauté hésitaient encore à le nommer à sa tête, craignant que son grand âge ne réduise à peu de chose la durée de ses fonctions.

« Lorsque, dans la parachath Wayigach, Pharaon a demandé à Jacob quel était son âge, celui-ci lui a non seulement indiqué le nombre de ses années, mais il a aussi insisté sur les épreuves qu?il avait dû traverser dans sa vie (Berèchith 47, 9).

Pourquoi a-t-il ainsi ajouté à sa première réponse ? Ce qu?il a voulu, c?est manifester que son apparence d?homme âgé était due à ses souffrances, et non à son âge biologique.

Moi aussi, conclut le Chaagath Aryè, si j?ai l?air d?un homme âgé, c?est à cause de toutes les souffrances que j?ai endurées.

Mais dites-moi vous-mêmes, continua-t-il, pendant combien de temps voudriez-vous que je vive encore ? Pendant combien de temps voudriez-vous de moi comme rav ? »

Pris de court par cette question inattendue, personne ne répondit. Finalement, l?un des administrateurs se leva et dit :

« Au moins vingt ans !

? Très bien, répondit le Chaagath Aryè. Avec l?aide de Hachem, je serai des vôtres pendant vingt ans. »

Et il tint parole.

Comme rav de Metz, rav Aryè Leib s?acquit une très vaste notoriété. Du monde entier lui parvenaient des questions d?ordre halakhique, ce qui ne l?empêcha pas de mener une existence humble et ascétique.

Il était de tradition à Metz que l?on demande au rav nouvellement nommé d?ajouter une taqana (« amendement ») au Séfèr ha-taqanoth de la ville.

Lorsqu?on lui demanda de se plier à cet usage, rav Aryè Leib y recopia l?ensemble des Dix commandements.

Etonnés, les chefs de la communauté l?interrogèrent sur les raisons de ce choix. Pourquoi avait-il opté pour les Dix commandements, qui n?étaient pas de nouvelles taqanoth, mais des mitswoth proclamées au Sinaï ?

« J?ai pu constater, répondit-il, que tous les Juifs de Metz observent chacune de leurs taqanoth avec plus de ferveur qu?ils n?obéissent aux Dix commandements. J?ai pensé, en inscrivant ceux-ci dans le livre, que ce serait le meilleur moyen de les faire respecter scrupuleusement dans notre ville. »

Ses dernières années

Lorsqu?il eut atteint l?âge de quatre-vingt-dix ans, rav Aryè Leib était resté aussi actif que du temps de sa jeunesse. Mais un jour qu?il voulait retirer un séfèr de sa bibliothèque, le rayonnage tomba sur lui.

Effrayés par le bruit de la chute, sa famille se précipita dans la chambre où il étudiait et le dégagea du poids des livres sous lesquels il était enseveli. Comme on le déposait sur son lit, rav Aryè Leib, commotionné, murmura : « Les sefarim de tous ceux avec lesquels j?ai engagé des controverses sont malheureusement tombés sur moi. Profitant de ce qu?ils étaient amoncelés sur moi, je leur ai demandé pardon, et ils ont accepté mes excuses. »

Peu de temps avant sa mort, il fit un siyoum du Chas, ce qu?il avait déjà fait un nombre incalculable de fois.

Rav Aryè Leib est décédé quelques jours après, le 28 tamouz 5545 (1785).

Plus grand mort que vivant

On a dit des tsaddiqim qu?ils sont plus grands morts que vivants, voulant signifier par là qu?ils sont mieux à même d?intercéder en faveur du peuple juif une fois dans le monde à venir.

L?anecdote suivante en est l?illustration :

Un pauvre homme de la communauté de Metz, admiratif du dévouement et du désintéressement de rav Aryè Leib, lui dit un jour : « Je vous demande, quand je ne serai plus là, d?élever mon fils dans l?observance de la Tora et des mitswoth. »

A la mort de cet homme, rav Aryè Leib recueillit son fils chez lui. Peu de temps après, l?enfant fut enlevé par des convertisseurs, et l?on apprit qu?il avait été emmené dans un monastère de la région.

Quelques jours plus tard, rav Aryè Leib annonça qu?il avait rêvé que le garçon se tenait chaque nuit à une fenêtre du couvent et qu?il y révisait par c?ur la Tora qu?il avait apprise auprès de lui.

Puis il appela le tailleur de la communauté, dont il savait qu?il cousait des vêtements pour les religieuses du monastère, et il lui demanda :

« Tu vas et viens librement dans le couvent. Acceptes-tu d?essayer de sauver cet enfant ?

? J?accepte, répondit le tailleur.

? Dans ce cas, voici ce que tu vas faire : Présentes-toi discrètement sous sa fenêtre, et dis-lui de ma part de sauter au dehors et de te suivre. Tu l?emmèneras ensuite chez reb Yudel, dans le village de N***. Si l?enfant n?a pas confiance en toi, dis-lui simplement : ?Bitoul le?olam ?hozèr?. C?était notre dernier sujet d?étude, et il comprendra que tu viens de ma part.

Et pour te récompenser d?avoir risqué ta vie pour cet enfant, je te promets d?être enterré, après cent vingt ans, à côté de moi. Je te demande simplement de ne révéler à personne ce que je te viens de te dire, si ce n?est sur ton lit de mort. »

La même nuit, le tailleur réussit à faire sortir l?enfant du monastère. Le lendemain, des moines se dispersèrent en grand nombre à sa recherche dans les rues de Metz, mais sans le découvrir.

Obéissant aux instructions que lui avait données rav Aryè Leib, le tailleur avait confié l?enfant à reb Yudel. Celui-ci d?occupa de son éducation et l?envoya dans une yechiva. Par la suite, le garçon devint rabbin d?une communauté.

Des années plus tard, alors qu?il se trouvait sur son lit de mort, le tailleur révéla l?affaire aux chefs de la communauté de Metz, mais ceux-ci restèrent sceptiques, persuadés qu?il hallucinait.

Au moment de rendre l?âme, il leur cria : « Le Ciel certifiera que je dis la vérité ! », puis il expira.

L?enterrement devait avoir lieu un vendredi après-midi, peu avant l?heure de l?allumage des lumières de Chabbath. Soudain, il se mit à pleuvoir abondamment, et le brouillard devint si épais que les membres de la ?hévra qadicha n?arrivèrent plus à se diriger dans le cimetière.

Etant donné l?heure tardive, on décida de creuser une tombe au premier emplacement qui se présenterait.

Le dimanche matin, lorsqu?on retourna au cimetière, on s?aperçut avec étonnement que le tailleur avait été inhumé juste à côté du Chaagath Aryè.

C?est ainsi que le Ciel avait aidé celui-ci à tenir sa promesse?

 

 Jacques Kohn

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POSTFACES

On peut voir, dans l?ancien cimetière juif de Metz, une pierre tombale portant l?inscription, en hébreu et en français :

A la mémoire de nos illustres rabbins

dont :

Rav Moshé HACOHEN NAROL, auteur de EL MALE RA?HAMIM (Décédé à Lag ba?omèr 5419 – 1659)

Rav Yona TEOMIM FRAENKEL, auteur de HA-QIQAYON DE-YONA (Décédé le premier jour de Pessa?h 5429 – 1669)

Rav Gershon ASHKENAZI OULIF, auteur notamment de ?AVODATH HA-GERCHOUNI (Décédé le 11 adar II 5453 – 1693)

Rav Yaakov REICHER, auteur notamment de CHEVOUTH YAAKOV (Décédé le 9 chevat 5473 – 1713)

Rav Schmouel HEILMANN, décédé le 8 tévet 5525 ? 1765)

Rav Asser LION, AUTEUR DU SCHAAGATH ARIE ET AUTRES (Décédé le 15 tamouz 5545 – 1785)

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La communauté juive de Metz a accueilli, au cours de son histoire, de nombreux autres rabbins célèbres :

? Dans le haut Moyen-âge, Rabbeinou Guerchom et Rachi.

Rabbeinou David de Metz, tossafiste cité sous Berakhoth 37b (s.v. touritha denahama)

? Au dix-septième et dix-huitième siècles :

Rav Yehouda Loew Eskeles (1694?1703)

Rav Ya?aqov Yehochou?a Falk Katz, auteur du Penei Yehochou?a (1680-1755).

Rav Dov Ber de Lokatch, mieux connu sous le titre de Maguid de Mezeritch, successeur de rav Ya?aqov Reicher.

Rav Yonathan Eibeschuetz (1690-1767).

Rav Ya?aqov Emden (1697-1776).