Généralement peu respectueux des traditions juives et autres préceptes alimentaires dictés par la Torah, les Russes d’Israël ne rechignent pas à s’alimenter non casher. Depuis leur arrivée en Terre promise, par exemple, les boucheries qui vendent du porc se sont multipliées.

Mais halte aux clichés ! Les consommateurs de ce non-ruminant n’appartiennent pas uniquement à la population russe. Certains Juifs non pratiquants ou Arabes chrétiens ne s’en privent pas.
En Israël, plus de 65 % de la population juive observent les prescriptions rituelles de cashrout, dans une certaine mesure. Et près d’un million de Musulmans se procurent des aliments casher pour répondre aux exigences du régime alimentaire halal. Ainsi, si l’importation de produits non casher, autres que la viande et la volaille, n’est pas illégale, elle se cantonne finalement à une modeste part de marché : moins de 5 % du secteur alimentaire total.


Israël autorise la production et la mise en vente intérieures de viande non casher. En revanche, toute viande ou volaille importée doit être certifiée casher par le Conseil rabbinique du Grand rabbinat ou un organisme autorisé par celui-ci. La viande importée doit être homologuée par les Services vétérinaires israéliens (IVS) et provenir d’une usine de transformation approuvée par ceux-ci.

Une loi de 1962 interdit l’élevage de porc en Israël, leur détention et leur abattage. Mais le texte comporte des failles que ses opposants se sont empressés d’exploiter.

Ainsi, si les textes stipulent qu’il est interdit d’élever des porcs en Terre sainte, il l’autorise dans les instituts de recherche scientifique, les jardins zoologiques et les villages arabes du nord du pays, tels que Nazareth, Kfar-Yassin ou Aablin en Galilée, en raison de leur forte densité chrétienne. De par la mauvaise réputation de l’élevage et ses conséquences pour l’environnement, la restriction contente finalement le plus grand nombre.

L’industrie porcine, un secteur compétitif

« Excepté l’importation illégale, difficile à évaluer en termes de chiffres, l’ensemble de la viande de porc est produite en Israël », assure Jeffrey Yoskowitz, spécialiste de la production porcine en Israël.

Par ailleurs, une loi votée en 1994 autorise la vente de porc dans les supermarchés et les restaurants, annulant de fait la loi de 1962.
« La majorité des partis politiques, à l’exception des partis religieux, ne se soucient plus guère de l’application de la loi de 1962. L’industrie porcine est en quelque sorte admise, au regard des lacunes de la loi. »

Un seul parti résiste encore et toujours à l’envahisseur porcin : Shas. « La faction ultra-orthodoxe s’est battue contre la loi pendant des années. Mais, dorénavant, ce sont les municipalités qui ont le pouvoir, par arrêté municipal, d’interdire la vente de porcs sur leur territoire », précise Jeffrey Yoskowitz.

Une compétition sévit dans le secteur de la production porcine. Elle occupe diverses usines, telles que celle de Mizra, située dans le kibboutz du même nom. La chaîne de produits alimentaires non casher qui la détient, Tiv Taam, possède une trentaine de magasins et affiche un chiffre d’affaires de 238 millions dollars.
En 2007, le millionnaire russo-israélien Arcadi Gaydamak a voulu racheter la chaîne pour distribuer des produits casher. « Je pense que dans un Etat juif, dans lequel vivent, en outre, beaucoup de Musulmans, vendre du porc est une provocation », avait-il confié à l’époque sur les ondes de Galei Tsahal, la radio militaire. La transaction n’a finalement pas abouti car Tiv Taam était lié par contrat avec le kibboutz Mizra.

Son concurrent direct, le kibboutz Lahav, à une trentaine de minutes de Beersheva, élève dans son Institut de recherche animale près de 3 000 porcs à des fins scientifiques, profitant de la souplesse de la loi de 1962.

Le premier atout de ce commerce, avancé par ses défenseurs, repose sur les emplois qu’il génère. « L’industrie porcine fait travailler près de 100 000 personnes en Israël : éleveurs, vendeurs et ouvriers. Et si vous tenez compte des membres de leur famille, alors le porc nourrit de 300 à 500 000 personnes », souligne l’ex-député Igal Yasinov de l’ancien parti laïc Shinouï.

Autre atout du quadrupède non ruminant : la répulsion qu’il inspire aux Musulmans. Et pour cause : selon la tradition de l’islam, un fidèle au contact d’un porc n’a plus droit aux soixante-dix vierges promises au paradis. Une croyance qu’a tôt fait d’exploiter l’armée de Tsahal dans sa lutte contre le terrorisme. Par Stéphanie Bitan [soruce :Jpost.fr]