Le mois d’eloul nous prépare aux jours redoutables et à Soukoth, mais sa particularité est plus intense. A chaque date marquante de notre calendrier, nous « éprouvons » un événement vécu par nos ancêtres.

A Pessa’h, nous ne célébrons pas simplement la sortie d’Egypte : nous devons nous sentir comme si nous-mêmes étions libérés. A Chavou‘oth, nous ne commémorons pas seulement le don de la Tora : nous la recevons comme si c’était la première fois. Durant les trois semaines comprises entre le 17 tamouz – où Moché brisa les premières Tables de la Loi – et le 9av, où fut détruit le temple – nous portons le deuil. Viennent ensuite les sept semaines de la reconstruction : à nous de nous renforcer en vue de Roch ha-Chana, où Hachem nous jugera pour nous inscrire, nous l’espérons, dans le Livre de la vie. Quant à la lecture de la Tora, que nous achevons et recommençons à Sim’hath Tora, elle atteste notre application à « reconstituer » les Tables brisées.

Moché monta la deuxième fois au mont Sinaï le 1er eloul. Quarante jours durant, il supplia Hachem de nous accorder une nouvelle « chance ». Selon Rabbi Eliézèr, Dieu a commencé d’accéder à cette demande à Roch ha-Chana, et Il nous a finalement donné les deuxièmes Tables à Yom Kippour. Sur le verset (Cant.3, 11) : « Sortez et voyez […] le roi Chelomo […] au jour de son mariage, le jour de la joie de son cœur », la Guemara (Ta‘anith 26b) explique : « le jour de son mariage » est celui du don de la Tora, et celui « de la joie de son cœur » est le jour où le temple sera reconstruit. Pour Rachi, le jour du don de la Tora désigne Yom Kippour, où furent données les deuxièmes Tables. Tout ce mois d’eloul, Moché s’est donc évertué à ce que la Tora « redescende » vers nous. Alors que les premières Tables nous avaient été « imposées » par Hachem, les secondes nous ont été données après que Moché eut suscité la nécessité de les recevoir. A Chavou’oth, nous recueillons la Tora donnée par Dieu, et en eloul, nous devons provoquer son don. Mais comment ?
Les enfants d’Israël avaient accepté la Tora en s’exclamant : « Nous ferons et nous comprendrons ! » Par ces mots, ils s’étaient engagés à l’observer même sans la comprendre. Ils avaient ainsi relié l’action à l’esprit, tout comme nous attachons les tefilines du bras – représentant l’action – avant celles de la tête – figurant la réflexion – sans nous interrompre.
Afin d’être jugés à Roch ha-Chana « pour la vie », nous devons placer nos actions sous la maîtrise de notre réflexion. Or, c’est précisément là que nos ancêtres ont ensuite failli : ayant reçu les premières Tables, ils ont érigé le veau d’or… et Moché a donc dû les briser.
En eloul, nous sonnons chaque matin du chofar,non pas pour rappeler que Roch ha-Chana approche, mais pour nous « maîtriser » afin de ne pas perpétrer l’idolâtrie, explique Rabbi Eliézer, et de progresser vers le deuxième don de la Tora spécifique à Yom Kippour. Puis nous en sonnons à Roch ha-Chana, jour de la création de l’homme, extériorisant ainsi ce qui est au plus profond de nous : la nechama qu’Il nous a insufflée, et plaçant nos actes sous les ordres de notre discernement. Nous réparons ainsi la faute pour laquelle a été brisée la « première Tora ». Et nous attestons que Hachem a donné à l’homme le libre arbitre lui permettant d’accéder à la vie et d’arriver au « jour de son mariage » – du don de la Tora, à Yom Kippour, « de la joie de son cœur » – où il se réjouira avec Lui.