Chaque personne sensée comprend que toute décision doit être mue par l’intellect. Mais si l’on agit sous l’effet de l’impulsion, les conséquences de nos choix s’avèrent généralement désastreuses…

Ce n’est pas en vain que le plus sage d’entre les hommes déclara : « Qui marche selon les conseils sera sauvé » (Proverbes 28, 18). Verset que Rabbénou Yona interprète comme ceci : « Il est adéquat pour l’homme de réfléchir avant d’agir, et de prendre conseil auprès d’autres personnes. Alors seulement ses desseins pourront se concrétiser et susciter la réussite. »

Le fait que bon nombre de nos projets échouent n’est pas l’effet d’une fatalité. Au contraire, il s’agit d’une volonté préméditée que les choses ne se passent que comme le Créateur l’entend, exclusivement. Les Proverbes disent encore à ce sujet : « Nombreux sont les desseins dans le cœur de l’homme, mais c’est le conseil de D.ieu qui prévaut » (19, 21).
Le Méïri ajoute à ce sujet les explications suivantes : « Cette remarque incite l’homme à ne placer sa confiance que dans l’Eternel dans toutes ses entreprises, et jamais dans ses efforts seuls, au point de dire : ‘C’est ma force, c’est le pouvoir de mon bras qui m’a valu cette réussite.’ Car aussi nombreux que soient les projets de l’homme, c’est finalement seulement ceux que D.ieu approuvent qui réussiront.
Or, ceci ne nous dissuade pas de fournir des efforts personnels, car en toute situation, la célérité est applaudie et la paresse proscrite. Toutefois, il convient de lier les efforts avec la confiance en D.ieu, en ayant conscience que la réussite ne dépend que de Lui. Comme il est dit : ‘Tu te souviendras de l’Eternel ton D.ieu, car c’est de Lui que vient ta force pour combattre’ (Dévarim 8, 18). »

 Le conseil de D.ieu

Rav Bounam de Pchis’ha nous invite à comprendre les différentes manières par lesquelles « le conseil de D.ieu prévaut ». Dans certaines circonstances, la Providence divine décide de contrecarrer tous nos projets, pour produire l’effet inverse. Et d’autres fois, on constate que nos desseins arrivent effectivement à terme, mais par des moyens totalement différents de ceux programmés.
L’un des exemples les plus probants, dans lesquels les hommes réalisèrent combien leurs intentions étaient futiles face à la Volonté divine, fut l’épisode de la vente de Yossef. Comme on s’en souvient, Yossef eut différents songes dans lesquels se reflétait une apparente volonté de dominer ses frères. Pour faire définitivement taire les affabulations, les frères de Yossef le jetèrent dans un puits et le vendirent en esclave, « et nous verrons alors bien ce qui adviendra de ses rêves »… Nous connaissons bien l’épilogue de cette histoire : c’est précisément la vente de Yossef qui le propulsa vers les plus hautes dignités. Nous voyons là comment des projets fomentés par les hommes, peuvent se retourner contre eux et atteindre des objectifs à l’exact opposé de ceux escomptés.
Un phénomène similaire se reproduisit quelques décennies plus tard, lorsque Pharaon décréta que tout enfant hébreu mâle soit jeté au fleuve. Pourquoi ce choix ? Car les astrologues avaient prédit que le sauveur du peuple juif finirait par « être frappé par l’eau ». Or, c’est précisément ce cruel décret qui permit à Moché d’être sauvé, et de grandir de surcroît dans la propre maison de son tortionnaire.

 La conquête de la Terre sainte

En clair, nous avons, pour notre part, le devoir de nous investir avec dynamisme dans toutes nos entreprises, tout en gardant à l’esprit que le résultat final ne sera que celui que D.ieu aura décidé.
Toutefois, dans certaines circonstances, il s’avère que ce sont les projets eux-mêmes qui deviennent la cause de nos échecs. Nos Sages expriment ainsi des propos extrêmement sévères à l’encontre de Yéhochoua, précisément à cause d’un dessein mal à propos. Le verset relate que « pendant de longs jours, Yéhochoua guerroya contre ces rois » (11, 18). Ces mots laissent entendre que la longue durée de la conquête d’Erets Israël était en partie due à Yéhochoua. Et de fait, le Midrach écrit à ce sujet : « Ce verset adresse un blâme à Yéhochoua, car il fit prolonger les combats volontairement pour s’assurer la longévité. Il avait en effet pour lui la promesse du verset : ‘C’est toi qui leur en fera le partage’ » (Midrach Tan’houma cité par Rachi sur place).
Pour notre part, nous sommes trop insignifiants pour nous permettre de juger un homme d’une telle envergure, semblable à un ange. Mais nos Sages, animés d’un esprit divin, surent déceler entre les lignes des versets une faute subtile dans le cœur de ce Juste.
La Sfat Emet (Matot 5635) écrit d’ailleurs à ce sujet que les desseins de Yéhochoua étaient en réalité « pour la gloire du Ciel » – c’est-à-dire que ses intentions étaient pures. Il savait en effet que pendant la période de la conquête, le peuple juif bénéficiait d’une aide divine particulière. Le verset dit en ce sens : « L’Eternel les a abandonnés, ils seront notre pâture » (Bamidbar 14, 9) – comme pour dire que ces guerres leur offraient comme un pain spirituel, capable d’entretenir une certaine proximité à D.ieu. En outre, les nombreux miracles auxquels assistèrent les Hébreux lors de ces guerres de conquête constituaient assurément une source de foi et de confiance en D.ieu.
C’est donc pour ne pas perdre ces formidables dimensions que Yéhochoua s’efforça de faire prolonger les combats. Mais nos Sages comprirent qu’aussi pures que fussent ses intentions, il n’y avait néanmoins pas la place pour de tels projets importuns. Sans spéculer dans de tels calculs, Yéhochoua aurait dû s’efforcer d’écourter la guerre le plus possible, sans tenir compte des contingences.   Par Yonathan Bendennnoune, hamoida.fr
Adapté à partir d’un article du rav Moché Reiss, pour Hamodia en hébreu.