Le mercredi 7 juin 1967, 28 Iyar 5727, Jérusalem retrouve son unité. Yom Yeroushalayim célèbre la reconquête par Tsahal de la partie orientale de la capitale avec Har Habayit et le Kotel.

Le Rav Menahem Hacohen fait partie de ceux qui ont participé à la libération de la vieille ville. Assistant du Rav de Tsahal, le Rav Shlomo Goren, et proche de Motta Gour, commandant des parachutistes, il est un témoin direct de ce grand jour pour le peuple d’Israël.

L’attente (tkoufat haamtana)

La guerre des 6 jours n’a duré que 6 jours de combat mais elle a éclaté à l’issue d’une période d’attente et de tensions dont tous les témoins de l’époque se souviennent.

« Pendant cette période, nous savions que d’un jour à l’autre la guerre pouvait éclater », nous raconte le Rav Menahem Hacohen, »le Rav Goren se trouvait alors à l’étranger et j’étais en contact téléphonique avec lui. Il me disait: »Ne commencez pas la guerre sans moi! ». Il est rentré in extremis: deux jours après son retour, les combats ont commencé ».

Le Rav Menahem Hacohen a débuté son service militaire comme soldat combattant, mais repéré par le Rav Goren, il a poursuivi dans la rabbanout de l’armée et il accompagnait le Rav Goren partout, à la demande de ce dernier. »Le Rav Goren ne partait sur aucune opération, sans passer me prendre. Il a même insisté pour que je reste à ses côtés après la fin de mon service ».

Ainsi, lorsque le Rav Goren se rend sur le terrain au début de la guerre des 6 jours, c’est donc, une fois encore le Rav Menahem Hacohen, soldat réserviste, qui l’accompagne.

Du Sud vers Jérusalem

Les opérations militaires débutent dans le sud, sur le front que l’on pensait être alors le plus chaud. Motta Gour et ses hommes sont sur place puis rapidement appelés à se déplacer vers Jérusalem. Le Rav Goren et le Rav Hacohen sont à Jérusalem, et retrouvent là-bas, à Rockfeller, les troupes qui arrivent.

»Le Rav Goren se déplaçait toujours avec un petit Sefer Torah et un Chofar », nous décrit le Rav Menahem Hacohen, »Ce jour-là, les bombardements étaient permanents et nous avons essuyé plusieurs tirs. Le Chofar du Rav Goren a été brûlé. Il m’a alors envoyé en chercher un autre, celui que l’on voit sur les photos de la libération du Kotel ».

A ce moment-là, l’idée de pénétrer dans la vieille ville de Jérusalem et de libérer Har Habayit et le Kotel n’est présente chez aucun de ces soldats. »Le mardi soir, nous étions réunis sur la Colline des Munitions, à Jérusalem. Nous ne savions pas encore que le lendemain nous irions marcher sur l’esplanade du Temple et du Kotel. Le Rav Goren disait toujours qu’il fallait aller libérer la vieille ville, mais on lui rétorquait que l’ordre n’en avait pas été donné. La décision n’a été prise que le mercredi matin ».

« Har Habayit Beyadenou! » (Le Mont du Temple est entre nos mains)

Ce dont se souvient d’abord le Rav Menahem Hacohen ce sont des images difficiles auxquelles ils sont confrontés en approchant de la porte des Lions: »Quand nous sommes arrivés, sous le commandement de Motta Gour, nous avons dû passer par-dessus des tanks et des bus calcinés qui bloquaient l’accès ».

Mais rapidement, à la surprise générale des soldats, ils progressent au sein de la vieille ville: »On ne s’attendait pas à cela. Bien entendu, il a fallu se battre mais nous avons vu des Arabes lever les mains au ciel quand nous approchions! ».

« A 10h du matin, le mercredi, Motta Gour est entré sur l’esplanade du Temple et s’est écrié: »Har Habayit Beyadenou! ». Le Rav Goren a lui aussi crié, il a commencé à sonner du Chofar avec son Sefer Torah dans l’autre main. Il a sonné sans cesse jusqu’à ce que nous arrivions au Kotel! ».

L’émotion, comme on peut se l’imaginer était à son comble! »Même si tout le monde ne savait pas pourquoi, une émotion immense s’est emparée de nous tous. Quand nous sommes arrivés sur Har Habayit, nous avons spontanément entonné un chant, encore récent: Yeroushalayim Chel Zahav ».

Les soldats de Motta Gour, accompagnés du Rav Goren et de son acolyte, le Rav Menahem Hacohen, arrivent au Kotel dans l’après-midi: »Le Rav Goren a dirigé, tout de suite, la prière de Min’ha, puis il a récité la bénédiction Chee’hiyanou. Trois parachutistes ont accroché un drapeau d’Israël. Très vite, l’esplanade, qui était loin d’être celle que l’on connait aujourd’hui, s’est remplie: des soldats, mais aussi des civils, des membres de la municipalité de Jérusalem ou de la Knesset sont venus fouler ce sol saint ».

Le Rav Menahem Hacohen est né et a grandi dans la vieille ville de Jérusalem. Pour lui, ce jour revêt donc une signification personnelle encore plus forte: »La première chose à laquelle j’ai pensé quand nous sommes arrivés au Kotel c’est que j’aurais aimé que mon père soit avec moi. Nous vivions près de là, tous les shabbat, nous nous approchions le plus possible du Kotel pour prier. Ce fut pour moi une sensation unique, impossible à décrire par des mots, un mérite », nous dévoile-t-il non sans émotion.

Yom Yeroushalayim est-il célébré à sa juste valeur?

Yom Yeroushalayim semble être un peu le parent pauvre des fêtes nationales: ce n’est pas un jour férié et en dehors de la capitale, il existe peu de manifestations célébrant cette journée. Le Rav Menahem Hacohen rejoint ce constat: »Nous n’avons pas fait de Yom Yeroushalayim le jour qu’il devrait être. Aujourd’hui cela se résume à des défilés de drapeaux et à une fête religieuse. C’est dommage, cela devrait être une fête pour tout le peuple, pas seulement réservée au public sioniste religieux. Nous n’avons pas su faire en sorte que le peuple d’Israël, dans son ensemble, se l’approprie ».

La guerre des 6 jours dure-t-elle jusqu’à aujourd’hui?

»Nous vivons depuis la guerre des 6 jours dans une atmosphère ambiguë: aucun gouvernement n’a jamais décidé d’annexer la Judée-Samarie. Je ne sais pas si nous sommes encore dans la guerre des 6 jours, mais ce qui est certain c’est que nous constatons une situation loin d’être idéale et surtout très floue. Mais personnellement, ce qui m’inquiète le plus aujourd’hui, ce n’est pas de savoir si nous n’avons toujours pas gagné la guerre des 6 jours, mais l’extrémisme qui grandit des deux côtés de l’échiquier politique. Notre pays manque d’équilibre, c’est le réalisme et l’activisme équilibré de nos dirigeants qui nous a toujours fait avancer, nous n’obtiendrons rien par le durcissement de nos positions de part et d’autre ».

Le Rav Menahem Hacohen conclut notre entretien par ce regret, lui qui a vécu les heures les plus importantes de notre histoire moderne: »C’est pour moi dur d’être optimiste quand je vois la haine que le peuple se voue envers lui-même, les querelles internes. Mais il est interdit d’être pessimiste, nous pouvons compter sur Hachem et nous irons de l’avant ».

Guitel Ben-Ishay pour le lph