Devora, nourrice de Rébecca, n’a eu droit qu’à un seul verset dans la Tora (Berèchith 35, 8), et c’est celui qui a annoncé sa mort : « Devora, nourrice de Rébecca, mourut, et elle fut enterrée au-dessous de Beith-El, au-dessous du chêne, auquel on donna le nom de allon bakhouth (« Chêne des Pleurs »). Les commentateurs identifient de diverses manières cette Devora, dont le nom sera porté également, plus tard, par la prophétesse du chapitre 4 du livre de Choftim.

Selon Rachi, qui rapporte un enseignement de rabbi Moché ha-darchan, Rébecca avait dit à Jacob : « … j’enverrai te prendre de là-bas » (Berèchith 27, 45). Elle a envoyé Devora auprès de lui à Padan Aram pour qu’il quitte cet endroit, mais elle est morte en cours de route. Dans un autre de ses commentaires (ad Tehilim 109, 14), Rachi rappelle un enseignement du Midrach (Berèchith rabba 81, 5) selon lequel le mot allon dans l’expression allon bakhouth renvoie au mot grec allon (« autre ») : En même temps que Devora est décédé quelqu’un « d’autre », à savoir Rébecca elle-même. Cependant, le deuil de Rébecca a été porté dans l’intimité, d’où la discrétion de la Tora à son sujet. Etant donné qu’Abraham était mort, qu’Isaac était aveugle, et donc considéré comme également décédé (Nedarim 64b), et que Jacob se trouvait chez Laban, c’est-à-dire à des milliers de kilomètres, il ne restait qu’Esaü. Mais on redoutait que sa présence aux funérailles de sa mère donnât lieu à des manifestations d’hostilité (Pessiqta de-rav Kahana 23; Pessiqta rabbathi 12, 48). Pour beaucoup d’autres commentateurs, et pour la même raison, l’expression « nourrice de Rébecca » est une pure métaphore, et le verset qui signale le décès de Devora doit être compris comme annonçant celui de Rébecca elle-même. Peut-être aussi, comme le suggère Ramban (Nahmanide), ne s’agissait-il pas de la nourrice de Rébecca dont il est question dans Berèchith 24, 59 et qui a accompagné celle-ci aux côtés d’Eliézèr au retour de sa mission chez Bethouel et Laban. Il pourrait s’être agi d’une autre nourrice qui était restée chez ceux-ci et que Jacob, lorsqu’il a entrepris avec sa famille son voyage de retour en Erets Yisrael, aurait emmenée avec lui pour honorer Rébecca sa mère. Dans son Ha‘èmeq davar (ad Berèchith 35, 8), rav Naftali Tsevi Yehouda Berlin (le Netsiv) fait observer qu’il existe la mitswa de pleurer la mort de ses proches, mais qu’on a le devoir de faire de même lors du décès d’une personne distinguée (adam cachère). Seul Jacob avait par conséquent l’obligation de pleurer sa mère Rébecca, tandis que pour une personne distinguée comme Devora ses enfants étaient également tenus de se lamenter. Or, il est écrit que « celui qui verse des larmes pour une personne distinguée, le Saint béni soit-Il l’introduit dans la maison de Ses trésors » (Chabbath 105b). C’est en pleurant Devora que Siméon et Lévi ont obtenu que leur soit pardonnées leurs fautes commises à Chekhem à la suite du viol de leur sœur Dina.

Jacques KOHN zal