Ce chant porte un titre qui rappelle un verset du Cantique des cantiques (7, 7) : « Que tu es belle, et que tu es agréable… ! »

Il évoque, dans des formulations poétiques parfois obscures, et souvent difficiles à traduire, divers Midrachim et diverses halakhoth applicables au Chabbath.

On attribue ce chant à Mordekhaï bar Yits‘haq, un poète du treizième siècle, que certains identifient à l’auteur de Maoz tsour.

Cette identification est cependant fortement contestée par d’autres interprètes, qui mettent en avant les différences de style entre Ma yafith et Maoz tsour, ce dernier étant tout aussi transparent que celui-là est obscur.

Sauf indication contraire, les explications qui accompagnent la traduction de ce chant ont été empruntées au commentaire Ets Yossef, de rabbi ‘Hanokh Zundel (dix-neuvième siècle), publié dans le siddour Otsar ha-tefiloth.

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Strophe N° 1 :

Que tu es belle, et que tu es agréable dans tes délices ! Toi, Chabbath, qui réjouit ceux qui sont tristes, à toi la viande et aussi les poissons, préparés quand il fait encore jour [le vendredi].

Du [vendredi] soir au [samedi] soir les cœurs sont joyeux. Quand vient ton moment, c’est le temps des bien-aimés, la joie et l’allégresse pour les Juifs, [pour ceux qui attendent] que vienne la libération, [selon la tradition qui annonce que le prophète Elie se manifestera un samedi après la tombée de la nuit].

Et tu es celui qui prend plaisir aux douceurs, aux plaisirs des hommes, et au vin lorsqu’il est rouge et aux autres boissons.

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Strophe N° 2 :

Veille à réciter le qiddouch en ce jour de sainteté, souviens-t’en sur du vin, et s’il n’y en a pas rompt le pain, et sanctifie-le d’un bon œil.

Observe-le selon ses lois, [en te gardant] des travaux, que ce soit les avoth (« lois fondamentales ») ou les toldoth (« lois dérivées »), chante à Dieu [le cantique du Chabbath] qui Lui rend hommage (Psaume 92). Souviens-toi de le sanctifier.

Quiconque observe le jour de Chabbath [en se gardant de] le profaner, son Créateur pardonnera son infidélité, et viendra son sauveur dont le nom est Chilo (voir Berèchith 49, 10). Youval lui sera un cadeau.

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Strophe N° 3 :

[Le Chabbath] est pour toi un bon signe, [et ce pour trois raisons] : La manne [qui tombait chaque jour sauf le Chabbath], le drapeau (Voir commentaire ci-après) et le Sambatyon qui roule [des pierres à grand fracas] et qui, [le Chabbath], se repose comme le peuple [Son] trésor : Ils se reposeront et seront sereins.

Il en est qui se donnent de la peine et qui ne se détendent pas jusqu’au sixième jour. Et toi, [le Chabbath] leur rends la liberté. [Ils revêtent] des vêtements de lin fin et aussi de soie. [C’est en] ton honneur qu’ils s’en enveloppent.

Et ils disent : « Viens, fiancée ! Qu’as-tu à tarder ? Voici que sont préparées la table et aussi tes lumières ! Car ta lumière est venue ! Lève-toi, resplendis ! »

Commentaire :

Le Yalqout Reouvèni, ouvrage midrachique du dix-septième siècle, rapporte que chacun des drapeaux brandis par les quatre tribus de Juda, de Ruben, d’Efrayim et de Dan (Bamidbar 2, 3 et suivants) portait trois lettres (Alef, yod et yod pour Juda ; beith, tsadè et ‘ayin pour Ruben ; rèch, ‘het et qof pour Efrayim ; mèm, qof et beith pour Dan).

L’ensemble de ces douze lettres correspondait aux noms des trois patriarches, sauf qu’il manquait le hè d’Avraham.

Le Saint béni soit-Il les a complétées et a dressé une colonne de nuée autour de laquelle voletaient les lettres yod et hè. Pendant toute la semaine elles allaient d’un drapeau à un autre, mais elles s’immobilisaient pendant Chabbath.

C’est à ce Midrach que fait allusion l’auteur de notre chant en parlant du « drapeau » comme l’un des trois signes qui définissaient le Chabbath.

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Strophe N° 4 :

La gloire de Hachem luit sur toi comme une lumière. En son temps Il a créé [le monde] sans effort, du fin fond de l’ouest, et aussi [de celui] de l’est, au nord et à droite.

Les sphères supérieures et inférieures [obéissent] à Sa parole ; ce qui culmine sur l’univers, là est Sa lumière. Et lorsqu’a péché [Adam], créature de son Créateur, Il a voulu cacher [cette lumière infinie].

Et toi tu as demandé à ton Maître de ne pas [la] cacher [avant] le premier jour à ceux qui l’avaient trouvée, [c’est-à-dire avant le premier jour qui a suivi l’œuvre de création], et qu’elle soit alors cachée à ceux qui Le craignent, [allusion au Midrach (Berèchith rabba 12) qui nous apprend que cette lumière a été alors cachée afin qu’elle illumine les tsaddiqim dans le monde à venir], [comme] le vin [conservé dans ses raisins depuis les six jours de la création (voir Sanhédrin 99a)], et la manne.

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Strophe N° 5 :

Que [le Chabbath] reste dans Ta mémoire et qu’il nous sauve de tout mal, (allusion à l’enseignement talmudique [Chabbath 118a] selon lequel celui qui fait trois repas le Chabbath sera épargné par les douleurs du Messie). Et qu’il réside à l’ombre des arbres [du jardin] d’Eden, et que là il soit placé à côté des « hommes droits », [appellation donnée aux patriarches Abraham, Isaac et Jacob (‘Avoda zara 25a)].

Qu’il triple ses repas et ses Chabbathoth, comme l’homme humble, [titre donné à Moïse (Bamidbar 12, 3)] qui interprétait la loi [c’est-à-dire la Tora] : Dans un seul verset trois fois le mot hayom (« aujourd’hui ») : [« Moïse dit : Mangez-la aujourd’hui car c’est Chabbath aujourd’hui pour Hachem ! Aujourd’hui vous ne la trouverez pas dans le champ » (Chemoth 16, 25).], allusion aux trois repas (voir Chabbath 117b).

Il s’élèvera [dans la grandeur] s’il lui consacre ces trois choses-là, des douleurs [du Messie] et aussi des souffrances [de la guerre de Gog et Magog] il sera épargné, il recueillera un héritage sans restrictions (allusion à un enseignement de la Guemara : « Quiconque prend du plaisir le Chabbath, on lui donne un héritage sans restrictions… » [Chabbath 118a].)

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Strophe N° 6 :

Le Maître [c’est-à-dire Hachem] s’enveloppe de bénédictions au début [de l’entrée du Chabbath]. Et il y a espoir pour ta fin, et tes fils reviendront [de l’exil] à ta sortie [celle de Chabbath, selon la tradition qui annonce que le prophète Elie se manifestera un samedi après la tombée de la nuit]. Ils lèveront [un verre de vin] pour havdala.

Un verre plein à ras bords pour louer Dieu par des chants et de l’exultation, d’une voix agréable venue de la gorge, pour accompagner le descendant d’Aaron [c’est-à-dire le prophète Elie, dont une tradition affirme qu’il s’identifie à Pin‘has, petit-fils d’Aaron (Zohar Chemoth 190a et le Yalqout Chim‘oni Bamidbar 25)]. Par un chant on l’appelle.

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Strophe N° 7 :

Veuille Sa bonté ordonner [la reconstruction du Temple] qui est le Saint de Jacob, [et qu’il subsiste] nuit et jour [sans être jamais plus détruit]. Et alors les Lewiim, à leur place, entonneront un cantique qu’ils auront jugé [approprié], de toutes les sortes de chant.

Que monte l’holocauste qui est double le jour de Chabbath, dans l’amour de ce jour, dans l’abondance de l’amour, le peuple [d’Israël sera] préservé comme la prunelle des yeux.

Qui glorifiera la grandeur de la magnificence de la reine [Chabbath ] ? Sa part est double [sous la forme de deux ‘haloth], sa marche [ne lui permet pas de franchir plus de] deux mille coudées de longueur.

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Strophe N° 8 :

Que le Vivant (c’est-à-dire Hachem) redresse le malheureux [Israël] lorsqu’ils invoqueront Ton Nom, que le Suprême écoute ! Ne te tais pas devant le pauvre et l’indigent, et accueille la parole et aussi la pensée de celui dont le cœur est humilié.

[Si] une nourriture ou un plat [sont destinés] au jour de repos, destinons-le pour ce moment, [le jour de Chabbath]. Il est gratifié [par le Saint béni soit-Il sous forme de] pain, poisson et viande. On s’assiéra prêt sans restriction, son pain sera double.

Au septième jour ils ont prêté attention comme [à la parole] du Berger [Moïse] lorsqu’il a fait descendre la céréale du Ciel (c’est-à-dire la manne), lorsqu’il [nous] a donné du pain pour deux jours. Que chaque homme s’asseye sous lui (c’est-à-dire le ciel).

Jacques KOHN zal’

Voici les paroles :

מה יפית / סימן: מרדכי בר יצחק חזק

מַה יָּפִית וּמַה נָּעַמְתְּ אַהֲבָה בְּתַעֲנוּגִים
אַתְּ שַׁבָּת מְשׂוֹשׂ נוּגִים
לָךְ בָּשָׂר וְגַם דָּגִים נְכוֹנִים מִבְּעוֹד יוֹם

מֵעֶרֶב עַד עֶרֶב לֵב חָדִים
בְּבֹא עִתֵּךְ עֵת דּוֹדִים
גִּיל וְשָׂשׂוֹן לַיְהוּדִים לִמְצוֹא פִדְיוֹם

וְאַתְּ עוֹנֶג לְהִתְעַנֵּג בְּמַמְתַּקִּים
בְּתַעֲנוּגוֹת בְּנֵי אָדָם
וְיַיִן כִּי יִתְאַדָּם וּשְׁאָר מַשְׁקִים

רְאֵה וְקַדֵּשׁ בְּיוֹם קֹדֶשׁ
עֲלֵי יַיִן זָכְרֵהוּ, וְאִם אַיִן
עֲלֵי לֶחֶם בְּצַע בְּעַיִן יָפָה לְקַדְּשׁוֹ

שָׁמְרֵהוּ כְּהִלְכוֹתָיו מֵעֲבוֹדוֹת
מֵאָבוֹת וְתוֹלָדוֹת
שִׁיר לָאֵל תֵּן לְהוֹדוֹת זָכוֹר זֵכֶר לְקַדְּשׁוֹ

כָּל שׁוֹמֵר יוֹם שַׁבָּת מֵחַלְּלוֹ
מְחוֹלְלוֹ יִמְחַל מַעֲלוֹ
וּבָא גּוֹאֲלוֹ שְׁמוֹ שִׁילֹה יוּבַל שַׁי לוֹ

דְּבַר סִימָּן טוֹב לָךְ, בְּמָן וְאוֹת דֶּגֶל
סַמְבַּטְיוֹן הַמִּתְגַּלְגֵּל
בְּכָל יוֹם נָח כְּעַם סֶגֶל יִשְׁבְּתוּ וְיִשְׁקֹטוּ

הַטּוֹרְחִים וְלֹא נָחִים עֲדֵי שִׁשִּׁי
וַתְּשַׁלְּחֵם לַחָפְשִׁי
בִּגְדֵי שֵׁשׁ וְגַם מֶשִׁי לְכַבְּדֵךְ יַעֲטוּ

וְיֹאמְרוּ בֹּאִי כַלָּה מַה תְּאַחֲרִי
הֵן שֻׁלְחָן וְגַם נֵרֵךְ
עֲרוּכִים, כִּי בָא אוֹרֵךְ קוּמִי אוֹרִי

כְּבוֹד ה’ עָלַיִךְ כְּאוֹר זָרַח
בְּעֵת יָצַר בְּלִי טֹרַח
קְצוֹת מַעֲרָב וְגַם מִזְרָח צָפוֹן וְיָמִין

עֶלְיוֹנִים וְתַחְתּוֹנִים בְּמַאֲמָרוֹ
עֲלֵי תֵבֵל שָׂם אוֹרוֹ
וְכַחֲטוֹא יְצִיר לְיוֹצְרוֹ בִּקְּשׁוֹ לְהַטְמִין

וְאַתְּ חִלִּית פְּנֵי קוֹנֵךְ וְלֹא נִטְמַן
יוֹם אֶחָד לְמוֹצָאָיו
וְאָז נִגְנַז לִירֵאָיו יֵין עָסִיס וּמָן

יְהִי לְזָכְרֵךְ וּלְשָׁמְרֵךְ וְיִנָּצֵל
מִכָּל רָע וְיִשְׁכּוֹן בְּצֵל
עֲצֵי עֵדֶן וְשָׁם אֵצֶל יְשָׁרִים יֻתָּן

סְעוּדוֹתָיו בְּשַׁבְּתוֹתָיו אֲשֶׁר שִׁלֵּשׁ
כְּאִישׁ עָנָו בְּדַת פִּלֵשׁ
בְּמִקְרָא חַד הַיּוֹם שִׁלֵּשׁ רָמַז רֶמֶז שְׁלָשְׁתָּן

יַעֲלֶה אִם שְׁלָשׁ אֵלֶה יַעֲשֶׂה לָהּ
מֵחֲבָלִים וְגַם צִירִים
יֻצָלוּ, וּבְלִי מְצָרִים יִירָשׁ נַחֲלָה

בְּרָכוֹת יַעֲטֶה מוֹרֶה בְרֵאשִׁיתֵךְ
וְיֵשׁ תִּקְוָה לְאַחֲרִיתֵךְ
וְשָׁבוּ בָנִים בְּצֵאתֵךְ לְהַבְדִּיל יִשְּׂאוּ

כּוֹס רְוָיָה לְהַלֵּל יָהּ בְּשִׁיר וָרוֹן
בְּקוֹל נָעִים קְרָא קְרֹא בְגָרוֹן
לְלַוֹּתֵךְ בְּנִין אַהֲרֹן בְּשִׁיר יִקְרָאוּ

כְּבוֹד מְלָכִים וְכָל פְּלָכִים לְלַוּוֹתָם
הַפַּחוֹת וְהַסְּגָנִים
בִּשְׁבָחוֹת וּבִרְנָנִים בְּכָל עֵת צֵאתָם

יְצַו חַסְדוֹ קְדוֹשׁ יַעֲקֹב לֵיל וְיוֹמָם
וְאָז לְוִיִּם עַל מְקוֹמָם
יְנַצְּחוּ שִׁיר אֲשֶׁר זָמָם בְּכָל מִינֵי זְמָר

עֲלֵי עוֹלָה אֲשֶׁר כְּפוּלָה בְּיוֹם שַׁבָּת
בְּאַהֲבַת יוֹם בְּרוֹב חִבַּת
עַם נְצוֹר כְּאִישׁוֹן בַּת עַיִן נִשְׁמָר

מִי יְפָאֵר גוֹדֶל פְּאֵר הַמַּלְכָּה
מָנָתָהּ אַפַּיִם
הֲלִיכָתָהּ אַלְפַּיִם אַמָה אָרְכָּהּ

חַי זְקֹף מָךְ בְּקוֹרְאֵי שְׁמָךְ, שְׁמַע עֶלְיוֹן
וְאַל תֶּחֱרָשׁ לְרָשׁ וְאֶבְיוֹן
וְקַבֵּל נִיב וְגַם הֶגְיוֹן הִגָּיוֹן לְבָבוֹ נִשְׁפָּל

מָזוֹן אֲרוּחָה לְיוֹם מְנוּחָה בְּעֵת יֶחֱסַר
יֻחַן בְּפַת דַג וּבָשָׂר
יֵשֵׁב כְּשַׂר בְּלִי מַחֲסָר לַחְמוֹ נִכְפָּל

יוֹם שְׁבִיעִי כְּמֵרוֹעִי אֲזַי קָשְׁבוּ
בְּרֶדֶת דְּגַן שָׁמַיִם
בְּתֵת לֶחֶם יוֹמָיִם אִישׁ תַּחְתָּיו שְׁבוּ

Instrumental