La lutte qui opposa Yaacov à Essav se joua sur deux fronts : le premier, physique, se déroula lorsqu’Essav voulut détruire la mémoire de son frère par l’anéantissement. Mais il y eut aussi un combat spirituel, lorsqu’il dut affronter l’ange d’Essav.

Voici ce qu’écrit le Ramban au sujet de ce second combat : « Tout ce récit est une allusion pour les temps futurs, car viendra une génération où Essav dominera Israël à un point proche de l’anéantissement. Ceci se passa du temps de la Michna, comme à l’époque de Rabbi Yéhouda ben Baba et ses compagnons. Nos Sages disent à ce propos : ‘Rabbi ‘Hiya bar Aba dit : si un homme menace de m’ôter la vie pour la sanctification du Nom de D.ieu, je l’accepterai, pourvu seulement qu’il me tue sur-le-champ. Mais vivre dans une époque de persécutions religieuses, j’en suis incapable !’ »
Nous voyons donc que parallèlement aux menaces physiques, Essav constitue également un danger spirituel pour la descendance d’Israël.
Survivre aux persécutions
A nous, qui vivons des millénaires après les patriarches et plusieurs siècles après l’époque du Ramban, il n’est nullement besoin de prouver combien cette vision s’avéra exacte. Voici ce qu’écrivit également à ce sujet Maïmonide, dans son Épître au Yémen : « Le Saint béni soit-Il jura à Yaacov notre ancêtre, que bien que les nations assujettissent Israël, qu’elles l’oppressent et le dominent, ce dernier continuera cependant d’exister, alors que leurs persécuteurs tomberont et plieront l’échine. Il est écrit en effet : ‘Ta descendance sera comme la poussière de la terre’ (Béréchit 28, 14) – c’est-à-dire qu’elle sera écrasée et dominée à l’image de la poussière que tous piétinent, mais finalement, c’est elle qui reprendra le dessus et qui vaincra tous ses ennemis ; et comme la poussière, c’est elle qui survivra à tous ceux qui l’ont trépignée, alors qu’eux finiront par trépasser. »
Faisant écho à ces annonces, le Talmud enseigne : « Au temps du Machia’h, l’insolence grandira, les prix grimperont, la vigne sera fertile mais le vin sera cher, les gouvernements seront dominés par l’hérésie et la réprimande sera muette (…) la sagesse des maîtres sera méprisée, les hommes craignant la fautes seront dédaignés, la vérité sera absente, les jeunes humilieront les vieux (…) la face de la génération sera comme celle d’un chien (…) et sur qui pourrons nous nous en remettre ? Sur notre Père Qui réside dans le Ciel… »
Ces quelques lignes comportent une consolation certaine : si les oppressions et les persécutions contre le peuple juif ne cessent de s’accroître au fil des temps, nos Sages nous assurent néanmoins que celles-ci annoncent la venue prochaine de la rédemption et la fin de notre long exil. Certes, les temps sont durs, mais ces paroles du prophète sont comme un baume sur nos tourments : « C’est une heure de souffrances pour Israël, et c’est par elle qu’il sera délivré » (Jérémie 30, 7). Les commentateurs notent que c’est précisément grâce et au travers de l’heure de souffrances, que viendra la rédemption.
Les temps qui précèdent la venue du Machia’h sont donc appelés à juste titre les « cordes » du Machia’h ; à l’image des cordes auxquelles une femme en couche s’agrippe pour surmonter les douleurs qui précèdent l’heureux événement, les difficultés de nos temps sont l’annonce de la venue imminente de la délivrance.
Les enfants dont l’Eternel m’a gracié
Le Midrach enseigne : « Le prophète Isaïe annonce : ‘J’attends D.ieu, Qui voile Sa Face de la maison de Yaacov…’ (8, 17) – il n’est aucune heure qui soit plus douloureuse, que celle dont il est dit : ‘Et Moi, Je voilerai Ma Face en ce jour’ (Dévarim 31, 18). Et depuis cette heure, [poursuit Isaïe dans sa prophétie] : ‘… je ne cesse d’espérer en Lui’ – comme il est écrit : ‘Cette alliance ne sera jamais rompue avec sa descendance.’ Et grâce à quoi cette alliance se maintiendra-t-elle ? [Le prophète conclut] : ‘Me voici avec les enfants que l’Eternel m’a donnés en signe et en témoins’ Ces enfants, n’étaient-ils pas en fait ses élèves ? C’est qu’il les chérissait comme s’ils étaient ses enfants. »
Ce Midrach décrit les tristes périodes désignées par la Torah comme le « voilement de la Face », période où le peuple juif ressent doublement sa situation d’exil. L’unique perche à laquelle il puisse se rattacher en ces heures cruelles est incarnée par les enfants et les élèves, garants de la pérennité de la Torah et dont il est dit : « Car jamais elle ne sera oubliée de sa descendance. » Ils sont l’unique espoir du peuple juif en ces périodes de troubles, ce sont eux qui pourront vaincre les forces de l’impureté personnifiées par Essav et c’est par leur mérite que D.ieu fera cesser l’état de « voilement » qui nous oppresse.
Par le mérite des efforts
C’est la raison pour laquelle il incombe aux parents d’investir toutes leurs forces et énergie dans l’éducation des jeunes générations. Les commentateurs trouvent l’allusion à ce principe dans une réponse qu’opposa Yaacov à Essav, lors de leur rencontre.
Comme on l’apprend de Rachi, Yaacov s’efforça de consoler son frère de lui avoir pris la bénédiction d’Its’hak, en lui démontrant que celle-ci était restée sans effet : « J’ai séjourné chez Lavan » – c’est-à-dire que je ne suis devenu ni prince, ni dignitaire, seulement un étranger qui séjourne chez autrui ; il affirma également n’avoir amassé que des taureaux et des ânes – qui ne proviennent ni du ciel, ni de la terre, et ne représentent donc nullement la bénédiction de leur père. En bref, « cela ne vaut pas la peine que tu me haïsses à cause de la bénédiction de ton père, car elle ne s’est pas réalisée chez moi. »
Mais en voyant les femmes et les enfants de son frère, Essav s’exclama : « Qui sont ceux-là ? » – cette belle famille n’est-elle pas le fruit de la bénédiction ? Mais Yaacov rétorqua : « Ce sont les enfants dont l’Eternel a fait grâce à ton serviteur » – autrement dit, j’ai beaucoup peiné pour ces enfants, et ils ne sont que le résultat de mes efforts que le Ciel a bien voulu couronner de succès. Yaacov nous enseigne par ces mots que pour mériter une famille aussi prestigieuse, seul l’investissement des parents et leur abnégation seront en mesure de susciter la bénédiction divine, et de voir leurs efforts aboutir.

Par Yonathan Bendennnoun,en partenariat avec Hamodia.fr