La relation formidable qui se créé par la prière entre l’homme et son Créateur est souvent évoquée dans les écrits de nos Sages.

Tant et si bien qu’ils purent même déclarer : « Pourquoi nos Pères étaient-ils stériles ?
Parce que le Saint Béni soit-Il souhaite ardemment entendre leurs prières »

En réalité, ce n’est pas seulement la prière des Justes que
D.ieu aspire tant entendre.
Le Midrach témoigne ainsi qu’au sortir d’Egypte, debout sur les rives de la mer Rouge, « les Enfants d’Israël étaient encerclés de tous les flancs : la mer leur fermait la route, l’ennemi les poursuivait et les bêtes sauvages les guettaientdans le désert… Ils levèrent leurs yeux vers leur Père Qui est au Ciel et ils invoquèrent le Saint Béni soit-Il, comme il est dit :

‘Les Enfants d’Israël implorèrent D.ieu’, (Chémot, 14, 10). Et pour quelle raison le Saint Béni soit-Il les livra à une telle situation ? Parce qu’Il désirait entendre leurs prières ! », (Chémot Rabba 21, 5).

De surcroît, les Sages ajoutent ici que la prière est un héritage offert par Its’hak à son fils Yaacov au moment où il annonça, avant de lui accorder ses bénédictions : « La voix est celle de Yaacov (…) », (Béréchit 27, 22). Voilà pourquoi nos maîtres, qui
conçoivent la prière avec la plus haute estime, déclarèrent sans ambages : « La prière est supérieure aux bonnes actions : personne ne surpassa Moché dans les bonnes
actions et pourtant, lui-même ne fut exaucé qu’au moyen de la prière ».

Or de nos jours, en l’absence du Beth Hamikdach à Jérusalem, notre prière revêt encore davantage de valeur ! Faisant référence au verset « Il Se tourne vers la prière du pauvre dénudé, Il ne dédaigne pas ses invocations » (Psaumes 104, 18), le Midrach écrit les lignes suivantes : « Rabbi Its’hak interprétait ce verset ainsi : dans nos générations où nous n’avons plus de rois, de prophètes, de Cohen ni les Ourim et Toumim, nous n’avons plus que la prière seulement ! C’est pourquoi David dit : ‘Ne dédaigne
pas ses invocations !’ », (Vayikra Rabba 30, 4).

Les préparatifs de la prière

En règle générale, la Torah préconise de faire précéder tout acte vertueux d’une préparation adéquate qui permettra de l’aborder à sa juste valeur. Si cela est juste pour l’ensemble des mitsvot, à plus forte raison cette règle s’applique-t-elle à la prière où la préparation occupe une
place prépondérante.
Ainsi, hormis les lois relatives à la prière proprement dite – établissant par exemple son ordre et les formulations adéquates –, la hala’ha s’intéresse abondamment aux préparatifs requis pour une prière digne de ce nom, lors de laquelle l’homme répand ses suppliques devant le Roi des rois. L’une des plus significatives de ces lois établit ainsi :
« L’homme doit fixer une place pour sa prière, et il ne devra la changer que si nécessaire. Pour ce faire, on ne peut se suffire de déterminer une synagogue spécifique où l’on prie toujours, mais même à l’intérieur de cette synagogue, il faut avoir une place fixe » (Choul’han Arou’h, Ora’h ‘Haïm 90, 19). La source de cette loi se trouve dans le Talmud où nos Sages font l’apologie
de cette règle de conduite : « Rabbi ‘Helbo dit au nom de rav Houna : Celui qui fixe une place à sa prière, le D.ieu d’Avraham lui vient en aide, et lorsqu’il décède, on annonce à son propos : ‘Quel homme humble ! Quel homme pieux ! Un disciple d’Avraham notre père !’ »,
(Traité Béra’hot, page 6/b).
Plus loin, la Guémara déduit cette relation entre le Patriarche et la place de la prière à partir du verset
« Avraham se leva le matin et alla à l’endroit où il s’était tenu » (Béréchit 19, 27) – où l’expression « se tenir » suggère, aux yeux de nos Sages, une idée de prière, comme
le laisse entendre le Psalmiste : « Pin’has se tint et il pria », (Téhilim 106, 30).
Dans son « Bet Elokim » (Chaar Hatéfila, chapitre 5), le Mabit développe la même idée en ces termes : « Si le verset a dû nous indiquer qu’à l’endroit même où il avait déjà prié, Avraham convint de prier une autre fois, c’est qu’il comprit que cette attitude était opportune et efficace pour l’exaucement des prières. De ce fait, celui qui suit
les traces du Patriarche et fixe un lieu pour sa prière est appelé son disciple’ ».

« Il arriva à l’endroit »…

Il convient cependant de noter que si Avraham fut le premier à instaurer un lieu fixe à sa prière, ses enfants se montrèrent fidèles à son exemple. Le rav Dessler (voir ses
« Mik’tav méÉliyahou », Tome III, page 129) cite à ce propos le verset suivant : « Or, Its’hak revenait de la source de La’hay Roï » (Béréchit 24, 62) qui constitue selon le Ramban une allusion au fait que « Its’hak priait visiblement toujours à cet endroit : il l’avait établi en lieu de
prière parce que c’est à cet endroit que l’ange lui était apparu ».

Dans cet ordre d’idée, nos Sages racontent que lorsque Yaacov prit la route de ‘Haran, il passa près du mont Moria, mais il ne s’y arrêta pas pour prier. En arrivant à destination, il réalisa tout à coup cet impair, et le patriarche se dit : « Se pourrait-il que je sois passé par l’endroit où mes pères ont prié sans que je n’y prie moi-même ? », (Traité talmudique ‘Houlin, page 91/b).
Il prit donc la décision de rebrousser chemin, et c’est lorsque la route se raccourcit miraculeusement sous ses pas que Yaacov « arriva à l’endroit ». Ce qui nous enseigne combien notre ancêtre aspirait à prier là où ses pères l’avaient fait avant lui – et ce, plus encore qu’à
l’endroit qu’il s’était lui-même fixé pour sa prière.

Une flèche après l’autre,
toujours au même point !

Le Sfat Emet explique l’importance du lieu de prière par une idée remarquable : nous savons qu’il existe une notion de « prières récitées en public » grâce à laquelle le mérite des prières de toute une assemblée s’associe pour avoir bien plus de puissance. Pour le lieu, il en va un peu de même : lorsque l’on prie tous les jours au même endroit, une lumière de sainteté illumine cet endroit, qui devient
ainsi plus propice à l’exaucement des prières (voir Sfat Emet sur le Talmud Bérakhot ibid.).

Le Bessamim Roch renchérissait sur cette idée par une parabole rapportée au nom du Ari zal. Nos prières, disait-il, peuvent être comparées à un roi qui voudrait conquérir une ville enfermée par de hautes murailles.

Tant que les projectiles sont lancés de manière disparate, il y a peu d’espoir qu’il parvienne un jour à ses fins. Mais si au contraire, le roi ordonne de concentrer les tirs sur un point

donné, on peut espérer qu’une brèche soit opérée avec le temps, à cet endroit précis, par laquelle les portes de la ville pourront alors enfin s’ouvrir.

Ainsi en est-il de la prière : plus les prières s’additionnent en un point géographique précis, plus leur effet pourra s’avérer efficace. Voilà pourquoi nos Sages accordent
tant d’importance à des prières constantes et prononcées invariablement au même endroit. Adapté par Y. Bendennoune
à partir d’un article du rav M. Reiss paru dans Hamodia en hébreu