Hachem lui apparut dans les plaines de Mamré, et il était assis à l’entrée de la tente, par la chaleur du jour. (18, 1)

Bien que le texte suggère assez clairement à qui Hachem est apparu, ce n’est qu’au sixième verset de ce chapitre que cette personne est explicitement désignée comme étant Avraham. Pourquoi en est-il ainsi ? N’aurait-il pas été plus approprié de commencer le récit par les mots : « Hachem apparut à Avraham » ?
La personnalité de notre patriarche présentait une dualité paradoxale, explique le Keli Yaqar. Pour les gens, il était un grand et puissant prince, comme suggéré par son nom même, qui signifie : « père d’une multitude de nations » (17, 5). Mais sous cette apparence princière se dissimulait le véritable Avraham, un homme humble et modeste, qui ne se considérait que comme « poussière et cendres » (18, 27). Le vrai Avraham était donc à l’opposé de son nom !
Il ne fait aucun doute que c’est son humilité authentique qui lui a valu l’honneur d’une rencontre directe avec Dieu. Le Talmud (Nedarim 38a) nous enseigne en effet que Sa Présence divine réside uniquement aux côtés des humbles. Si la Tora avait dit que « Hachem est apparu à Avraham », nous aurions pu penser que c’était dû à sa stature princière, à l’aspect représenté par le nom « Avraham ». C’est pourquoi le verset emploie délibérément le pronom seul, en nous disant que Hachem « lui » est apparu, à l?homme qui était une incarnation même de l’humilité.

Hachem lui apparut dans les plaines de Mamré, et il était assis à l’entrée de la tente, par la chaleur du jour. (18, 1)

Mamré bénéficie dans cette paracha d?une mention élogieuse, indique Rachi, parce qu?Avraham l?a consulté avant de se circoncire. D’où la question : Pourquoi Avraham, le serviteur d?une fidélité absolue à Hachem, a-t-il estimé nécessaire de s’entretenir avec un de ses adeptes avant d’obéir à Son injonction ?
L’idée de passer outre au commandement n’a certainement jamais effleuré l’esprit de notre Patriarche, explique le Maharal. Ce qui l’inquiétait, en revanche, c’était que les cyniques et les moqueurs puissent l’accuser d?avoir agi dans la précipitation et sans réflexion. S’il avait consacré ne fût-ce que quelques instants à y méditer ou à en discuter avec des personnes plus raisonnables, pourraient-ils dire, il ne se serait jamais lancé dans une opération aussi téméraire ! L?acte de circoncision aurait alors risqué d?être une source de dérision et non une sanctification du Nom divin.
Pour prévenir de telles réactions, Avraham a donné une large publicité aux consultations qu’il a organisées avec les membres de son entourage. Ainsi, nul ne pourrait plus prétendre qu?il s?était lancé tête baissée dans une entreprise qu?il regretterait ensuite. Aussi n?a-t-il pas recueilli l?avis de Mamré pour dissiper les doutes qui auraient pu le retenir, mais pour veiller à ce que son geste fasse seulement honneur au Nom divin.
De même peut-on se demander, explique le Maharal, pourquoi Hachem, au moment de la ?aqèda, a fait voyager Avraham et Yits?haq pendant trois jours (22, 4). Là encore, c?était pour faire taire ceux qui auraient pu prétendre que Son ordre avait tellement déconcerté Avraham qu?il avait consenti à sacrifier son fils sans être totalement maître de ses facultés. Un aussi long trajet lui aurait certainement permis de retrouver ses esprits. Pourtant, il n?a pas rebroussé chemin. Il apparaît donc clairement que son empressement à immoler son fils unique a été un acte de foi suprême attentivement pesé.

Hachem lui apparut dans les plaines de Mamré, et il était assis à l’entrée de la tente, par la chaleur du jour. (18, 1)

Comme Avraham était encore convalescent suite à sa circoncision, explique Rachi, Hachem a suscité une très forte canicule afin de décourager les voyageurs susceptibles de rechercher son hospitalité. Plus tard cependant, constatant la détresse de notre Patriarche à l?idée de ne pouvoir accueillir aucun invité, Il a fait apparaître des anges déguisés en hommes. Dès qu?il a aperçu ces « voyageurs », Avraham a demandé à Hachem de l?excuser, et il a couru vers eux pour les prier d?entrer chez lui. Nos Sages (Chabbath 127a) en déduisent que l?hospitalité est plus grande qu?une rencontre avec la Présence divine. Or, comment Avraham lui-même le savait-il ?
En constatant que le soleil rayonnait si intensément que les routes étaient vides de tout voyageur, suggère Rav Ya?aqov Chimchon de Chepitivke, Avraham comprit aussitôt que Hachem avait fait cela pour le libérer du devoir d?accueil. Mais voyant qu?il se trouvait en Sa Présence, n?aurait-il pas été dispensé de toute façon de la mitswa de l?hospitalité ? C?est donc, raisonna notre Patriarche, que celle-ci a priorité sur l?accueil de Sa Présence divine, ce qui le mettait dans l?obligation de prendre congé de Lui pour aller s?occuper de ses invités.
Rav Nathan Adler propose une autre explication : Avraham s?était tellement sanctifié que son corps était instinctivement attiré vers le bien et repoussé par le mal. Par conséquent, quand les voyageurs ont fait leur apparition, il n?a même pas eu à se demander s?il devait ou non prendre congé de Hachem pour pourvoir à leurs besoins. Ses jambes, comme si elles étaient habitées par une personnalité propre, ont couru vers eux. Avraham avait ainsi sa réponse.

Il leva ses yeux, il vit, et voici trois hommes debout au-dessus de lui. Il vit, il courut à leur rencontre depuis la porte de la tente, et il se prosterna à terre. (18, 2)

Après nous avoir dit qu?Avraham a levé les yeux et « a vu » les trois anges déguisés en hommes, pourquoi répéter qu?il « a vu et couru » ?
Le ?Hafets ?Hayim répond à cette question en rappelant, conformément à l?enseignement de nos Sages (Baba Metsi?a 86b), qu?un des anges était venu guérir notre Patriarche, encore convalescent suite à sa circoncision. Un ange de guérison, explique le ?Hafets ?Hayim, peut apporter des soins sans exécuter des interventions ou faire appel à des thérapies d?aucune sorte. Son apparition suffit à guérir instantanément. C?est ce que nous dit ici la Tora. Dès qu?Avraham « a vu » l?ange, il « a couru », totalement guéri et parfaitement capable de s?empresser vers ses invités.