Lorsque Yaacov apprend que Yossef est encore en vie et qu’il règne sur l’Egypte, il décide de l’y rejoindre. Lors d’une halte faite à Béer Chéva, D.ieu lui apparut et le rasséréna : « Ne crains rien Yaacov ». Quelles craintes éprouvait Yaacov ? Rachi explique : « Yaacov était tourmenté d’avoir à sortir d’Erets Israël » (Béréchit 46, 3). De fait, les craintes de Yaacov étaient hautement justifiées, puisque la Halakha fixe qu’il n’est permis de quitter Erets Israël que sous certaines conditions très récises. Résider en Erets Israël Avant de savoir s’il est permis de quitter la terre de nos ancêtres, il convient de déterminer si, de nos jours encore, nous avons l’obligation d’y résider.

Dans le Sifri (sur Réé), il est relatéque deux Sages entreprirent un voyage jusqu’à Nétsivim, à l’extérieur des frontières d’Erets Israël,pour apprendre la Torah auprès de Rabbi Yéhouda ben Bétéra. Mais en arrivant à la ville de Tsaydan,à la frontière du pays, ils se souvinrent de la terre de leurs ancêtres: ils levèrent les yeux au ciel,fondirent en larmes et déchirèrent leurs vêtements en clamant le verset : « Tu demeureras sur cette terre ! » (Dévarim 11, 31). Sur ces mots, ils rebroussèrent chemin etretournèrent à leur ville d’origine en disant : « La mitsva de résider en Erets Israël a la même valeur que toutes les autres mitsvot de la Torah ! »

Or, ces Sages vécurent après la destruction du Temple, et ils maintinrent pourtant qu’il s’agit là d’une mitsva équivalente à l’ensemble des mitsvot de la Torah. Preuve en est qu’à leurs yeux, le devoir de vivre en Erets Israël perdure même en période d’exil, après que le peuple juif a été chassé de sa terre.

Et de fait, le Ramban (sur Bamidbar 33, 53) ainsi que le ‘Harédim (mitsvot hatlouyot baarets 1,15) dénombrent, au compte des 613 mitsvot de la Torah, le devoir de résider en Erets Israël.

Pour eux, il s’agit d’un devoir permanent, indépendant de la situation dans laquelle vit le peuple juif.

Mais certains avis s’opposent à cette vue. Le Ramban cite lui même l’avis de Rachi, selon qui « ‘Vous hériterez de cette terre’
nous enjoint simplement à réaliser la conquête du pays et d’en chasser les Cananéens. Et c’est alors seulement que l’ordre : ‘vous y résiderez’ entre en vigueur. Mais sinon, ce devoir n’existe pas. »
Le Rambam se range également à l’avis de Rachi, puisqu’il ne cite pas cette mitsva parmi les 613 commandements de la Torah. Pour beaucoup de commentateurs, c’est la preuve que selon Maïmonide, l’obligation de résider en Erets Israël a cessé avec le début de l’exil, à l’instar des nombreuses mitsvot qui sont liées à cette terre (la chemita, les teroumot, etc.).
De façon similaire, les Tossefot considèrent que même si le devoir de résider en Erets Israël existe encore de nos jours, il n’est cependant plus applicable pour différentes raisons : « Cette mitsva ne s’applique plus de nos jours, à cause des dangers que comporte le voyage.

Par ailleurs, Rabbénou ‘Haïm disait qu’il n’y a plus de nos jours de mitsva de résider en Erets Israël, car de nombreuses mitsvot et de nombreux interdits dépendant de cette terre ne peuvent plus être respectés de nos jours convenablement » (Kétouvot 110/b).

A la manière dont les Tossefot formulent leur opinion, ils laissent entendre que cette mitsva n’est effectivement plus en vigueur de nos jours.

Quitter Erets Israël Le Ramban écrit : « Si nos Sages accordèrent tant d’importance à la mitsva de résider en Erets Israël et à l’interdiction d’en sortir, au point qu’un mari peut contraindre sa femme de s’y installer avec lui et vice-versa, c’est à l’égard de ce même verset [« Vous conquerrez le pays et vous vous y établirez » – Bamidbar 33,53], car il constitue un commandement positif ». Comme il le souligne, l’interdiction de quitter Erets Israël est intimement liée au devoir d’y résider. Notons toutefois que, même si l’on soutient que la Torah n’impose plus qu’on s’établisse en Erets Israël aujourd’hui – comme Rachi ou le Rambam –, un devoir d’ordre rabbinique
persiste néanmoins. Et par conséquent, tous les avis s’accordent
à dire qu’il est, d’une manière ou d’une autre, interdit de sortir
des frontières d’Erets Israël, et ce, jusqu’à ce jour !

Le Rambam formule cette décision de la manière suivante : « Il est de tout temps interdit de sortir d’Erets Israël pour rejoindre une terre étrangère, sauf si c’est pour étudier la Torah, trouver une épouse ou sauver un bien de mains étrangères.
Après quoi on rejoindra aussitôt son pays » (Mélakhim 5, 9).

En clair, seules trois exceptions peuvent justifier qu’on franchisse
les frontières du pays de nos ancêtres : l’étude de la Torah, la recherche d’une épouse et le fait d’éviter une perte financière. Certains avis ajoutent qu’il est également permis de sortir d’Erets Israël si les affaires l’exigent (de la même manière
qu’il est permis de retourner en Egypte à cette fin).
Les commentateurs notent cependant une contradiction apparente dans les propos de Maïmonide. Dans ce même chapitre (alinéa 7), il écrit en effet : « Il est permis de
s’établir dans tout pays du monde, hormis en Egypte ». Or, comment peut-on s’établir dans un autre pays, autrement qu’en franchissant les frontières d’Erets Israël ?… Pour résoudre cette contradiction, les décisionnaires expliquent que l’interdiction de sortir du pays de nos ancêtres ne s’applique qu’aux personnes qui y résident déjà. A leur égard, il est dit qu’il est interdit de quitter la terre de leurs ancêtres, car cela reviendrait à renoncer à une mitsva qu’ils sont concrètement en train d’accomplir.

Par contre, une personne déjà établie à l’étranger n’a pas d’obligation formelle de quitter sa terre d’accueil, pour rejoindre celle de ses ancêtres.

Cette dernière pourra donc résider dans tout pays de son choix, et même si elle est de passage en Erets Israël, il ne lui est pas pour autant interdit d’en sortir, puisqu’elle n’y est pas établie (Iguerot Moché Even Haézer I, 102). (Sources recueillies notamment dans Encyclopédie talmudique).

Par Yonathan Bendennnoune