Nous apprenons dans la Michna ( Roch hachana  1, 1) qu’il existe quatre « débuts d’années », et parmi eux le Roch Hachana « pour l’arbre », le 1 er chevat selon Beith Chammaï , le 15 du même mois selon Beith Hillel .

Une première remarque s’impose à l’esprit à propos de cette Michna : Elle définit le 1er (ou le 15) chevat comme le roch hachana « pour l’arbre » (la-ilane), alors que l’usage s’est établi, dans notre façon de parler de cette journée, de dire d’elle qu’elle est le roch hachana la-ilanoth (« pour les arbres »).

La raison de cette différence réside dans le fait, explique le Benei Yissakhar, que la Michna a en vue un fruit bien particulier.

Nous devons, à Tou bi-chevat, prier de pouvoir être à même, quand viendra Soukoth, de nous offrir un bel ethrog, le fruit par excellence en quelque sorte, puisque la Tora le définit comme « un fruit de l’arbre » que nous devons prendre au premier jour de cette fête-là (Vayiqra 23, 40).
Or, la mitsva de l’ethrog représente essentiellement l’exécution d’un commandement divin, exécution dans laquelle nous sommes censés ne retirer aucun plaisir particulier.

Bien au contraire, la fête de Soukoth marque la fin des travaux agricoles, c’est-à-dire le moment où nous sommes étreints d’un sentiment de sécurité que procurent les richesses que nous venons d’accumuler.

La fonction de Soukoth est d’ancrer dans nos esprits que nous ne devons pas nous bercer de l’illusion que notre sécurité dans ce monde-ci est générée par notre réussite matérielle. Cette fête est donc celle de la spiritualité.

Comme l’explique le Gaon de Vilna (commentaire de Chir ha-chirim 1, 4), il nous a été ordonné de résider dans la souka en Tichri parce c’est à ce moment-là que sont revenues les nuées de gloire après Yom Kippour.

De la même manière, cette fête exprime le retour du peuple d’Israël à sa spiritualité après le pardon que lui a octroyé Yom Kippour.

Quant à la journée de Tou bi-chevat, elle est bien autre chose : Elle est devenue, d’une certaine manière, la journée du « plaisir » et de la matérialité élevée au rang de la mitswa.

L’usage s’est institué de consommer ce jour-là le plus de fruits possible, et notamment de ceux qui caractérisent Erets Israël, « pays de froment et d’orge, et de vigne et de figue et de grenade, pays d’olivier à huile et de miel [de dattes] » (Devarim 8, 8).

Les deux premiers de ces fruits, c’est-à-dire le froment et l’orge, servent à fabriquer le pain, nourriture de base de l’homme, celle au sujet de laquelle il nous est recommandé : « Mange du pain avec du sel, bois de l’eau avec mesure, couche sur le sol, accepte une vie de privations et consacre-toi à la Tora » (Avoth 6, 4).

Les cinq autres « denrées d’Erets Israël », en revanche, représentent ce qui constitue le complément de la halakha, comme étant consacré par l’usage et la coutume, et comme représentant, en même temps, la possibilité pour le Juif de prendre pleinement plaisir dans les produits de la Création.

Jacques KOHN.zal