La paracha de cette semaine, Bo nous relate l’extraordinaire épisode de la sortie d’Égypte, qui va rester ancré à jamais dans l’histoire de notre peuple comme un événement d’une ampleur exceptionnelle. Mais au cœur de ce récit passionnant, la Torah nous annonce (chapitre 6, verset 13) que « l’Éternel demanda à Moché et Aaron d’ordonner aux Enfants d’Israël »… Mais elle ne nous dit pas ce qu’Il a ordonné. 

Le Talmud de Jérusalem (Roch Hachana, chapitre3, hala’ha 5) répond à cette interrogation. Rabbi Shmouël Bar Its’hak dit : « Ils nous ont ordonné la nécessité de libérer les esclaves ». Cette thèse est d’ailleurs confirmée par le prophète Jérémie (chapitre 34 verset 13) : « C’est ainsi que l’Éternel a parlé : j’ai scellé avec vos pères une alliance au jour de la sortie d’Égypte en leur demandant de libérer les esclaves »
Une question s’impose à la lecture de cette interprétation : pourquoi était-il indispensable d’ordonner aux Enfants d’Israël la mitsva de libération des esclaves précisément au moment de la Sortie d’Égypte. En effet, rien ne pressait puisque le peuple d’Israël allait encore passer 40 années dans le désert avant d’entrer sur la Terre d’Israël où pour la première fois cette mitsva de « libération des esclaves » serait mise en application. Pourquoi donc ne pas avoir patienté jusqu’à l’arrivée en Eretz Israël ?
Et à ce questionnement se rajoute un étonnement lorsque l’on découvrira ensuite que la décision d’exiler le peuple juif de sa Terre sera provoquée par le non-respect de cette mitsva de « libération des esclaves » ordonné au moment même de la sortie d’Égypte.
Nous pouvons apporter une réponse à ces interrogations : dans la vie l’homme a beaucoup de mal à renoncer aux avantages acquis. On le constate dans notre vie moderne lors des conflits sociaux qui opposent les syndicats au pouvoir. Ainsi lorsqu’un Juif confortablement installé sur sa terre dispose d’un serviteur à son entière disposition, il lui est particulièrement difficile de renoncer à lui et de le libérer. Ce sera pour lui un sacrifice évident et une atteinte à sa qualité de vie.
À l’aide de cette explication, on comprend déjà bien mieux pourquoi la mitsva de libérer les esclaves a été mentionnée au moment précis de la sortie d’Égypte. En effet, la Torah nous rappelle à maintes reprises que, nous Juifs, comprenons la mentalité d’un étranger, car nous avons été étrangers en Égypte. Nous comprenons la mentalité des esclaves, car nous avons été esclaves en terre égyptienne.
Alors avec beaucoup de pédagogie, la Torah vient nous dire : « Au moment où toi tu goûtes à tes premiers instants de liberté, nous te demandons de penser à celui qui bien plus tard sera à ton service. À cet instant précis où tu deviens libre, tu ne dois jamais oublier que lorsque tu disposeras d’un serviteur, celui-ci aspirera aussi à devenir un homme libre et à mener sa vie de manière autonome.
La Torah a donc voulu ici saisir l’instant le plus propice pour faire comprendre à chaque Juif la véritable dimension de la mitsva. Car elle considère que tout être humain ressent lors de ces instants particuliers une telle émotion qu’il sera capable alors de prendre des résolutions d’une importance capitale.
Dans sa vie, l’homme a besoin d’indices qui le guideront. Hachem lui-même a procédé de la même manière avec l’arc-en-ciel : « Lorsque je couvrirai le ciel de nuages qui après se dissiperont, je ferai sortir l’arc-en-ciel pour me souvenir moi l’Éternel que j’ai failli détruire le monde et que j’y ai finalement renoncé ».
Et si l’Éternel a pris un tel engagement de ne plus détruire le monde qu’il a créé, alors à plus forte raison qu’il est de notre devoir de nous souvenir des engagements pris aux instants clés de notre existence et de celle de notre peuple.
Dans deux semaines nous lirons la paracha d’Ytro. Si les Dix Paroles sont incluses dans la paracha qui porte le nom de ce prêtre de Midian, c’est parce que contrairement aux leaders d’autres nations qui ont assisté passivement et avec effroi à la Sortie d’Égypte, Ytro lui s’est levé pour rejoindre le peuple d’Israël et pour se lier à son destin.
Nous avons également vécu dans notre existence de grands instants. Avons-nous su prendre alors les résolutions qui s’imposent pour qu’ils restent gravés à jamais dans notre mémoire ?
Lorsque nous lirons ce Chabbat ces versets exaltants de la Sortie d’Égypte, il sera de notre devoir de ne jamais oublier que notre comportement aux grands carrefours de notre existence et de l’existence de notre peuple, fera de nous ce que nous sommes vraiment.
Par le grand rabbin Sitruk