Une partie des bénédictions que l’on prononce lors de la prière du Chemona Essré est consacrée aux besoins collectifs et au salut de la nation juive toute entière. Dans l’une d’elles, nous implorons D.ieu de rétablir le système judiciaire comme jadis, lorsqu’il était fondé sur les règles de la Torah.


De fait, comme nous le voyons au début de notre paracha, un système judiciaire établi suivant les principes de la Torah paraît essentiel. Le verset laisse entendre que notre pérennité sur la terre de nos ancêtres est directement dépendante de ce système : «Tu institueras des juges et des magistrats dans toutes les villes que l’Eternel ton D.ieu te donnera (…) Ils jugeront le peuple selon la justice (…) afin que tu te maintiennes en possession du pays que l’Eternel ton D.ieu te destine » (Dévarim 16, 18-20).
En conséquence, nous comprenons pourquoi les prophètes firent preuve de la plus grande sévérité envers les juges inefficaces ou corrompus : « Ils ne font pas justice à l’orphelin, et le procès de la veuve n’arrive pas devant eux » (Ichaya 1, 23) ; ou comme le prophète Amos, lorsqu’il déplore ces juges qui « changent le droit en plante vénéneuse et foulent aux pieds la justice » (5, 7).
C’est la raison pour laquelle, dans nos prières, nous évoquons avec tant de ferveur le souhait que D.ieu rétablisse la justice telle qu’elle était observée à l’époque du Temple et qui annoncera la venue de la rédemption finale, comme on le voit dans la suite de la prophétie d’Ichaya : « Je restaurerai tes juges comme autrefois, tes conseillers comme à l'origine. Ensuite, on t'appellera ville de Justice, cité fidèle. Tsion sera sauvée par la justice et ses pénitents par la vertu » (versets 26-27).
D.ieu Se tient dans l’assemblée divine
Aux yeux de la Torah, un système judiciaire est bien plus qu’un consensus de mœurs destiné à faire régner la paix au sein des hommes. Elle déclare en effet : « Le jugement est à l’Eternel ». Selon le Ramban, cette annonce fait écho au verset des Chroniques : « Ce n’est pas au nom d’un homme que vous faites justice, mais au nom de l’Eternel : Il est présent quand vous prononcez un jugement » (II 19, 6). Cela signifie que « c’est à D.ieu qu’il incombe de faire la justice au sein des hommes, car Il les a créés précisément dans le but que règnent parmi eux la droiture et la justice, pour délivrer l’homme évincé des mains de son agresseur. D.ieu vous a donc nommés, vous les juges, pour siéger à Sa place, et si vous craignez l’homme puissant dans le jugement ou que vous lésez l’un au profit de l’autre, c’est envers D.ieu que vous fautez, car vous corrompez Sa mission… » (sur Dévarim 1, 17).
Il en résulte qu’une expression de justice constitue, en substance, une manifestation de la Présence divine au sein des hommes. Le dayan – le juge rabbinique – qui siège dans son tribunal est, en quelque sorte, le délégué de D.ieu, Qui chérit la justice et la droiture. C’est pourquoi le juge doit bannir avec la plus grande fermeté toute partialité dans ses jugements et haïr l’iniquité, en restant conscient que D.ieu Se tient à ses côtés, tout au long du procès.
Le cœur de toute l’assemblée d’Israël
Des grands ouvrages de notre tradition, nous apprenons que les maîtres et dirigeants du peuple juif reçoivent une inspiration divine dans chacune de leurs démarches, qui influe également sur l’ensemble du peuple.
Voici ce que nous pouvons lire à ce propos, dans les écrits de Maïmonide, concernant le roi d’Israël : « Son cœur est le cœur de toute la nation juive, c’est pourquoi le verset insiste pour qu’il reste tout le temps attaché à la Torah » (Hilkhot Mélakhim 3, 6). De la même manière que le cœur irrigue tout le corps humain de sang, ainsi le roi est censé répandre une aura spirituelle sur l’ensemble du peuple.
Par conséquent, notre demande quotidienne de rétablir la justice comme jadis ne se résume pas au seul système judiciaire, mais aussi à l’ensemble des dignitaires et responsables communautaires, qui inspiraient positivement le peuple juif dans son ensemble.
C’est en effet ce que rapporte le Sfat Emet sur notre paracha (Choftim 5640) : « ‘Des juges (…) qui jugeront le peuple’ – car les enfants d’Israël sont directement influencés par leurs juges, qui sont appelés ‘les yeux de l’assemblée’. Ils sont en outre l’esprit et le cerveau du peuple, et c’est en ce sens que nous disons dans nos prières : ‘Ramène nos juges comme jadis’, car c’est en fonction des chefs et des maîtres qui dirigeaient le peuple que les pensées et les volontés de tout Israël étaient orientées ».
Le Sfat Emet ajoute dans un autre texte (année 5641) : « Il me semble en vérité que le Sanhédrin et les Sages d’Israël qui vivaient du temps du Temple éclairaient les yeux d’Israël et en ce sens, chaque individu possédait lui-même l’essence d’un ‘juge’ (…) Et l’on peut dire que lorsque le verset déclare : ‘Ils jugeront le peuple selon la justice’, il ne fait pas seulement référence à l’audience tenue lors des réclamations, mais aussi que les juges doivent influer le peuple selon l’esprit de la justice ».
L’homme, juge de lui-même
Les commentateurs soulignent que l’injonction de juger autrui ne concerne pas seulement le dayan, qui siège au tribunal. En vérité, tout un chacun est, d’une certaine manière, le juge de lui-même.
Le Sfat Emet écrit en ce sens : « Etre juge signifie juger chaque acte selon la sagesse et l’esprit commandés par la Torah ». A cet égard, précise-t-il dans un autre texte, « cet ordre s’adresse à chaque individu, car être juge nous engage à avoir la sagesse de découvrir la Vérité, grâce à la logique de la Torah écrite et orale ».
Alors que débute la période qui nous conduit vers le jour du Jugement divin, nous tournons nos yeux vers le Juge suprême, pour qu’Il nous agrée et scelle notre verdict pour la paix et la bénédiction.Par Yonathan Bendennnoune, en partenariat avec Hamodia.fr