QUESTIONS SUR LE CONFINEMENT

Les réponses données par le Rav Brand ne concernent que la France et donc des solutions halakhiques à des problèmes de confinement EN FRANCE. En Israël, il est bien évident que, malgré certaines similitudes, les situations sont par nature différentes.

 

Question: Je suis responsable communautaire. Il semble que le gouvernement veuille maintenir l’interdiction de rassemblements dans les lieux de culte jusqu’à la mi-juin. C’est certainement une mesure pour éviter les grands rassemblements du ramadan dans les mosquées. Pour nos petits minyanim parisiens, la plupart des fidèles ont déjà été malades, donc certainement immunisés (même s’il reste un doute) et surtout dans lesquels il est tout à fait possible de maintenir les règles de prudence telles qu’elles seront appliquées dans toutes les autres activités. Les mesures générales du gouvernement qui ne tient évidemment pas compte de nos considérations religieuses, suffisent-elles à continuer de nous dispenser de tefila beminyan ? Nous arriverions à une situation dans laquelle tout le monde ferait tout normalement, l’école, le bureau etc… mais… pas tefila beminyan! Qu’en pensez-vous ?

Réponse de Rav Brand:

1) Il y a en effet une grande mitzva de prier avec Minyan : « Le tefila avec minyan est toujours entendue, bien qu’il y a parmi eux des pécheurs, D-ieu ne refuse pas la prière avec minjan ; il ne faut pas prier seul tant qu’on peut prier avec minjan », (Rambam, Tefila, 8, 1). Autrefois, la communauté payait dix personnes pour assurer le minyan chaque jour (Baba Kama, 82a). Les rentiers ou ceux qui exerçaient une profession libérale pouvaient prier avec minjan. Mais pour qu’ils ne perdent pas trop de temps de travail, les Sages interdirent qu’on fasse monter le lundi et le jeudi plus de trois personnes et qu’on lise une haftara (Meguila, 21a).

En revanche les ouvriers, eux, travaillaient dès le lever du soleil jusqu’à son coucher (Baba Métzia 83), sans prier avec Minyan. Ils lisaient le chema « sur l’arbre où ils cueillaient les fruits, où sur le mur qu’ils construisaient », et « ils ne descendaient que pour l’Amida » (Bérakhot, 16a) sans chercher un minyan. Selon Rabban Gamliel, ils se sont rendus quittes avec la Tefila du Chliah Tzibour (fin Roch Hachanah). Les Sages n’ont pas obligé que le monde du travail s’organise en respectant le droit de prier avec minyan. Cela suggère qu’ils considéraient le fait que les gens doivent gagner leur vie comme plus important que de prier avec minyan. Pour ne pas perdre du temps de travail de leur patron, les Sages ont encore instauré que les ouvriers qui gagnent un salaire chez leur patron, fassent le Birkat Hamazon en le résumant à deux bénédictions au lieu de quatre, (Bérakhot, 16a ; Choulhan Aroukh, 191, 1).
Quant à votre conviction qu’il soit tout à fait possible dans les petits minyanim parisiens de maintenir les règles de prudence, telles qu’elles seront appliquées dans toutes les autres activités, je ne suis pas convaincu … Je vous rappelle qu’il est connu dans le monde, que chez les juifs, le coronavirus s’est propagé en partie par la fréquentation des synagogues… Par conséquent, le fait que certains aillent travailler et seront des cobayes, malgré le risque d’un retour de pic de maladie comme nous avons connu dans la région parisienne autour du 30 mars ne doit pas forcement entrainer à ce qu’on ajoute d’autres risques.
2) Il faut encore considérer le point que vous soulevez à juste titre, à savoir le risque de rassemblements dans les mosquées dû au ramadan. Il n’est pas nécessaire d’être prophète pour savoir que l’organisation des minyanim sera immédiatement connue. De deux choses l’une : soit la police les stoppera immédiatement et on n’aura rien gagné, soit – et c’est même une « psik réché » – certains  s’en inspireront et organiseront leurs prières. Si l’épidémie reprend le dessus, nous serons peut-être partiellement responsables, et au moins accusés, ce qui serait un Hilloul Hachem. Il ne faut pas oublier la remarque du Ramhal (Messilat Yécharim, chapitre 20), de ne pas juger un acte de piété selon son apparence sans vérifier les conséquences, et que si elles sont néfastes, il faut s’en abstenir. Il évoque entres autre cette fameuse opposition de rabbi Zeharia ben Avkoulas envers les autres Sages, qui, dans l’histoire de Kamtza et bar Kamtza, proposèrent de sacrifier le Korban blessé. En fait, ils craignaient que leur refus de l’apporter agace les Romains. L’histoire leur donna malheureusement raison, jusqu’à ce que rabbi Yohanan s’écrie : « la piété de rabbi Zeharia ben Avkoulas provoqua la destruction du Temple et nous jeta dans l’exil », (Guitin 56a). Ce n’est pas que notre situation ressemble à celle citée où une étincelle a pu enflammer la colère des Romains. Mais aujourd’hui personne ne nous oblige à faire une quelconque avéra, il s’agit uniquement de ne pas prier avec minyan. Ceci n’est pas une mesure d’une quelconque mauvaise intention, comme pouvaient être les initiatives de certains pour entraver la chéhita ou la mila, il s’agit uniquement d’une mesure de bon sens et de santé publique.

Question:

J’habite en Israël et depuis quelques jours le ministère de la santé a autorisé de faire les prières avec minian à condition de sortir avec un masque, maintenir 2 mètres de distance et permettre jusqu’à 19 participants pour cette tefila. Jusqu’à présent je priais tantôt depuis mon balcon avec mes voisins, tantôt seul. Je voulais savoir quelle formule vous recommanderiez.

 

Réponse de Rav Brand:

Rachi rapporte dans Berechit (11, 5) qu’on ne doit pas juger quand on se trouve loin, comment voulez-vous donc que je vous conseille?
Mais il est connu en Eretz que Rav Guerchon Edelstein, un homme connu comme sage, a publié oralement et par écrit son avis qui semble dire qu’il déconseille les minyanim, et qu’il préfère de nos jours de loin le confinement…

 

 

Question:

Bonjour Rav. Je me suis engagé verbalement avec un entrepreneur non-juif pour des travaux avant le confinement et l’on n’a pas pu débuter les travaux à cause de la situation. Nous avons reporté à plus tard. Ai-je le droit d’annuler pour les faire avec un entrepreneur juif, ou cela pose-t-il un problème halakhique ? 

 

Réponse de Rav Brand:

« Celui qui s’engage, bien qu’il ne s’agisse uniquement de paroles, se doit de les honorer, bien qu’il n’ait pas encore pris l’argent (de l’acheteur) et n’ait rien marqué comme contrat et n’ait pas reçu de gage. Ceci s’applique à chacun qui revient sur ses paroles, que ce soit le vendeur ou l’acheteur. Bien qu’il ne soit pas obligé de recevoir (la malédiction) de « mi chepara » (que prononce le tribunal contre un vendeur qui annule la vente après avoir reçu l’argent avant qu’il n’ait fait acquérir l’objet au client), il est considéré comme quelqu’un qui « manque à sa parole », et les Sages ne sont pas « contents de lui »  » (Hochén Michpat, 204, 7).

La Thora attend ce comportement de chacun qui s’engage dans une affaire, comme dit le verset : « Vous ne commettrez point d’iniquité ni dans les jugements, ni dans les mesures de dimension, ni dans les poids, ni dans les volumes. Vous aurez des balances justes, des poids justes, des « épha » justes et des « HIN TZEDEK ». Je suis votre D-ieu qui vous ai fait sortir du pays d’Égypte » (Vayikra 19, 36). « HIN veut dire « oui » ; tu dois honorer ton « oui » et ton « non », (Baba Metzia, 49a).

 


 

Question:

A t on le droit de prier Arvit en semaine avant la tombée de la nuit ? Puis faire le Kriat Chema au moment de la nuit ?

Réponse de Rav Brand: Oui


Question:

Peut on cette année écouter de la musique pendant la période du Omer, dans cette situation de confinement ? Pour les enfants ? Uniquement pour des adultes ?

Réponse de Rav Brand: 

J’ai entendu que des rabbanim en Israël affirment que quelqu’un qui en a vraiment besoin pourra écouter.
[j’aurais précisé « quelqu’un susceptible de déprimer »… ]

Question:

Je n’ai pas compris pourquoi c’était autorisé dans des cas précis de téléphoner à l’hôpital pour les raisons évoquées (pour le malade, pour motiver le personnel du service etc.) pendant Chabbat ou Yom Tov parce que ça va dans le sens de la vie. Et pourquoi quelqu’un qui va faire bikour holim ou Kiboud Av VaEm ne peut-il pas mettre le masque le Chabbat qui protège la personne et son entourage, dans cette période exceptionnelle, pour ne pas enfreindre de porter ? Le masque pour le moment n’est-il pas une partie du vêtement, qui va dans le sens de la vie et de la santé et de l’amour du prochain ? Ici en Eretz le masque est obligatoire et cette sage décision n’est pas encore en France.

Réponse de Rav Brand:

D’abord une petite introduction.

1) Il y a trois façons de porter quelque chose, et elles diffèrent au niveau de la Halakha. Ces différences sont fines et pas tout de suite compréhensibles si on n’est pas initié.

A) Porter un vêtement, un bijou, un pansement ou une protection à titre de vêtement, de bijou etc. : je veux dire qu’ils servent tels quels comme un vêtement etc. Cela est permis selon la Torah.

B) Porter quelque chose de manière bizarre, d’une manière que personne ne porte à titre de vêtement etc, ni pour les transporter ailleurs. Cela est interdit par les Sages.

C) Porter quelque chose d’une façon qui maintenant ne sert pas comme vêtement, bijou etc., mais d’une manière qui est normale pour quelqu’un qui le transporte pour l’utiliser plus tard comme vêtement, bijou etc., est interdit selon la Torah (Chabbat 62a et Rambam, Chabbat 19, 3 ; Choulhan Aroukh 301, 29).

2) Venons-en au masque de protection. Le porter pendant Chabbat convenablement, devant sa bouche et son nez, est permis selon la Thora, car ainsi on le porte quand il sert comme protection. C’est aussi l’habitude des chirurgiens qui opèrent. Après avoir terminé leur travail, ils les enlèvent. Cependant, tant qu’ils n’ont pas terminé leur travail mais qu’ils font une halte parce qu’ils veulent parler, manger, éternuer, souffler, cracher ou autre chose, ils baissent le masque ou le montent très en haut pour libérer la bouche et le nez. De cette manière il ne sert plus à rien pendant ce temps-ci. Ils le laissent dans cette position afin qu’il soit prêt pour le moment où ils continueront leur travail. Cette manière de le porter est considérée comme un transport. Marcher de cette manière dans la rue pendant Chabbat est interdit selon la Torah. 

3) Bien que la Torah permette de sortir pendant Chabbat avec des vêtements, des pansements etc. comme indiqué, les Sages ont interdit de sortir avec certaines choses, notamment avec des accessoires, s’ils sont sujets à être enlevés dans la rue pour une raison quelconque. Et ceci de peur que les gens, après de les avoir enlevés, les portent quatre coudées dans la rue de manière interdite selon la Torah. La Guemara Chabbat (chapitre 6) et le Choulhan Aroukh (303) en donnent de nombreux exemples.

Concernant le masque, beaucoup le posent de temps en temps en dessous de la bouche ou en haut. Le porter de cette manière est interdit par la Torah, et par conséquence, il est interdit MideRabanan de marcher avec le masque même en position de protection, de peur qu’on en vienne à les mettre dans une position qui serait interdit Min HaTorah. Je pense que c’est clair.

Tout ce développement concerne une visite chez les parents âgés, quand il ne s’agit pas d’un danger. Quant au fait que la famille téléphone à l’hôpital pour prendre des nouvelles dans les conditions des hôpitaux aujourd’hui, est un autre sujet. Il s’agit de malades qui sont en danger, et pour lesquels on a le droit, et même le devoir, de faire ce qu’on peut pour diminuer le danger. Les médecins et les infirmiers luttent pour la survie du patient parfois dans des conditions extrêmement difficiles. Le fait que la famille prenne chaque jour des nouvelles pourrait les encourager, et cela donne plus de chance au malade de s’en sortir. Pour cette raison je pense qu’il est permis de téléphoner. Ceci est dit en Avril 2020 à Paris, dans ces conditions très spéciales que nous connaissons. Mais il ne faut pas extrapoler qu’il sera permis de téléphoner à l’hôpital chaque fois qu’il y aura un malade.