La coutume des Kaparot, pourquoi jeuner , qui est l’Accusateur, comment effacer nos fautes ? voilà quelques uns des thèmes abordés dans cet article consacré au grand jour de Yom Kippour

La coutume des kaparot

Il y a plus d’un siècle, deux grands de la génération se rencontrèrent pour débattre de sujets liés aux besoins du peuple juif : il s’agissait de rav ‘Haïm Soloveitchik (gendre du Nétsiv ?) de Brisk, et de Rabbi Avraham de Sokhatchov, auteur du Eglé Tal. Cette rencontre se déroula dans la ville d’Otvotsk, quelques jours avant Yom Kippour. Après avoir abordé toutes sortes de thèmes, les deux grands hommes en vinrent à évoquer la coutume des kaparot – qui consiste à reporter, la veille de Yom Kippour, l’expiation de ses péchés sur un poulet, qui est ensuite abattu et offert aux pauvres. En ces temps, les éleveurs non-juifs profitaient de la demande subite de poulets en cette période de l’année, pour faire grimper les prix dans des mesures disproportionnées.
A cette occasion, rav ‘Haïm de Brisk proposa au rav de Sokhatchov qu’ils profitent de leur réunion pour édicter une décision officielle, stipulant que la coutume des kaparot était momentanément abrogée. Et comme, à n’en pas douter, les communautés juives respecteraient cette décision à l’unisson, elles cesseraient dès lors de se ruiner pour cette coutume…
L’Admour de Sokhatchov adhéra aussitôt à cette décision, mais il émit une réserve : « Aussi bien vous que moi-même avons à ce jour un âge déjà bien avancé. Et si, par malheur, l’un de nous venait à décéder pendant l’année prochaine, le peuple ne manquera pas de dire que c’est par faute de notre décision d’annuler les kaparot, que la mort a ainsi frappé. Et dans ce cas, cette coutume risquerait de s’affermir encore davantage… »
Cette réflexion parut juste aux yeux de rav ‘Haïm Soloveitchik, et la coutume des kaparot fut finalement maintenue…

Manger le neuf et jeûner le dix
Le Talmud enseigne : « Il est écrit : ‘Vous vous mortifierez le neuf du mois, au soir…’ (Vayikra 23, 32) – Est-ce donc le neuf que l’on jeûne ? On ne jeûne pourtant que le dix du mois ! Ceci vient en fait t’enseigner que tout celui qui mange et boit le neuf du mois, la Torah le considère comme s’il avait jeûné le neuf et le dix » (Bérakhot 8).
Ce texte est la source à partir de laquelle on apprend qu’il y a une mitsva de manger la veille de Yom Kippour. Ceci étant, s’interroge le Nétsiv de Volozhin, pour quelle raison on ne prononce pas de bénédiction particulière sur les repas de veille de Yom Kippour ? A partir du moment où il s’agit d’une mitsva, ils devraient nécessiter une bénédiction…
La réponse, selon lui, apparaît dans le commentaire de Rachi sur ce texte : « Voici donc comment il convient de comprendre le verset : Préparez-vous le neuf du mois au jeûne du lendemain, et à Mes yeux, c’est aussi important que le jeûne lui-même. » En clair, manger le neuf n’est pas une mitsva indépendante, il s’agit d’une préparation à une autre mitsva – celle de jeûner à Yom Kippour. Or, nous savons que tout acte ne visant qu’à permettre à une mitsva d’être accompli ne justifie pas de bénédiction. Ainsi, bien que la Torah stipule explicitement : « Ils se confectionneront des franges aux coins de leurs vêtements » (Bamidbar 15, 38), on ne prononce pourtant pas de bénédiction sur la fabrication des tsitsiyot. Et ce, parce que celle-ci n’est qu’une « entrée en matière » de la mitsva proprement dite.

A l’endroit où se tiennent les Baalé Téchouva
Nos Sages enseignent : « A l’endroit où les Baalé Téchouva se tiennent, les Justes accomplis ne se tiennent pas » (Bérakhot 34). Selon l’interprétation généralement admise, cette sentence signifie que les hommes repentis atteignent un niveau spirituel si haut, que même les Justes achevés n’y ont pas accès. Mais le rav Yossef Patsnovski (cité dans Itouré Torah) lui proposa une lecture différente.
Il est connu que d’après Maïmonide, il convient toujours de suivre le chemin médian : dans toutes nos dispositions morales, il convient de ne pas tendre vers les extrêmes. Cependant, ceci n’est vrai que pour une personne ayant toujours suivi le droit chemin. Mais ceux qui s’en sont écartés doivent, pour s’amender, adopter la conduite à l’extrême opposé de leur faute.
Ils sont à l’image d’un bâton qui se serait tordu dans un sens, et sur lequel il faudrait exercer une forte pression dans le sens opposé pour qu’il retrouve sa forme initiale. Nos Sages disent en ce sens qu’en temps de paix, il convient de marcher « au milieu des chemins ». Mais pendant les périodes où le danger guette, il faut au contraire « avancer dans les bas côtés » (Baba Kama 60).
C’est la raison pour laquelle « à l’endroit où se tiennent les Baalé Téchouva » – c’est-à-dire dans ces voies extrêmes visant à redresser leurs torts – « les Justes accomplis n’ont pas à se tenir » – car ils doivent au contraire se maintenir sur la voie médiane.

LE Satan
Il est dit dans le Talmud : « Rami bar ‘Hama dit : ‘Le Satan’ a une valeur numérique de trois cent soixante quatre. C’est-à-dire que pendant trois cent soixante quatre jours par an, le Satan peut accabler les hommes. Mais à Yom Kippour, il n’en a pas le droit » (Yoma 20).
Il est à noter que la guématria de trois cent soixante quatre correspond au mot Satan seulement s’il est précédé de la lettre « hé » – pour désigner l’article défini « le ». Qu’est-ce à dire ?
Rav Yossef Engel, dans son Otsarot Yossef, y répond par l’idée suivante. Il existe deux types de « mauvais penchants » : le premier est celui qui affiche ouvertement ses intentions délétères. Sans se cacher derrière des faux-semblants, il laisse l’homme distinguer clairement qu’il l’incite à mal agir. Et s’il y parvient parfois, c’est par la force de la tentation, dont la puissance entraîne sa victime à fauter.
Mais il existe un second type de mauvais penchant, qui est quant à lui fourbe et dissimulé. Pour inciter l’homme à la faute, il lui cache la véritable nature de ce qu’il le pousse à faire, l’enduisant en erreur en laissant croire qu’il s’agit d’un acte anodin – voire même d’une mitsva ! A cet égard, nos Sages disent dans le Talmud (Souka 52) que le Satan a sept noms. L’un d’eux est Tsfoni – qui correspond à cette aptitude à dissimuler (tsafoun) la teneur véritable de la faute. Derrière des déguisements de « valeurs sacrées » et de « justice divine », il entraîne les hommes à commettre les pires atrocités.
Voilà pourquoi le Talmud affirme qu’à Yom Kippour, « LE » Satan n’a pas droit à la parole – car il s’agit bien du Satan dont l’action est connue de tous. Mais l’autre Satan, qui use de duplicité, agit sur les hommes même à Yom Kippour…

Le Chabbat des Chabbatot
Yom Kippour est appelé par la Torah : « Chabbat Chabbaton – un chômage absolu » (Vayikra 23, 32). Selon le Gaon de Vilna, cette expression signifie que le Jour du Pardon est le Chabbat de tous les Chabbatot – c’est-à-dire de toutes les autres fêtes du calendrier. Selon l’ordre formel de la Torah, il existe en effet six jours de fête dans l’année : deux jours à Pessa’h, un jour à Chavouot, un jour à Roch Hachana et deux jours à Soukot. Yom Kippour est donc le septième jour de chômage imposé par la Torah, et vis-à-vis des six autres « Chabbatot », il apparaît comme le Chabbat par excellence.

La pureté de Yom Kippour
Selon les règles traditionnelles du calendrier hébraïque, Yom Kippour ne peut tomber ni un dimanche, ni un mardi, ni un vendredi. Selon rav Its’hak Eizik de Kouritz, cette particularité peut s’expliquer à l’aide de la michna suivante : « Certaines créations ayant vu le jour le dimanche peuvent être atteintes d’impureté [si l’on en fait des ustensiles], mais aucune de celles nées le lundi. Certaines créations du mardi sont sujettes à l’impureté, mais aucune de celles du mercredi et du jeudi (…) Et tout ce qui fut créé le vendredi est sujet à l’impureté » (Kélim 17, 14).
En effet, le premier jour de la Création, la terre et les eaux furent créées. Or nous savons que les ustensiles en terre peuvent être frappés d’impureté. Le lundi, ce sont les cieux qui virent le jour – lesquels ne sont pas concernés par l’impureté. Le mardi vit la création des arbres, avec lesquels on confectionne des ustensiles en bois, sujets à l’impureté. Le mercredi, les luminaires furent suspendus dans le firmament – création ne pouvant être frappée d’impureté. Le jeudi, ce fut le tour des poissons et des volatiles, qui ne donnent pas lieu à l’impureté si l’on en fait des ustensiles. Et enfin, le vendredi, survint la création des bêtes et de l’homme – dont les os peuvent former des ustensiles susceptibles d’être rendus impurs.
Il en résulte que Yom Kippour, symbole de la pureté par excellence, ne peut tomber que les jours exempts d’impureté.

L’expiation
Selon Rabbi Yéhouda HaNassi, le jour de Yom Kippour expie les fautes de tous les hommes, autant ceux qui se repentent que ceux qui ne le font pas (Yoma 85). A cet égard, Rabbi Baroukh de Medzibouz expliquait que le mot « kippour » signifie « nettoyer » ou encore « décrasser ». C’est-à-dire que seule la partie superficielle des fautes est effacée à cette date, mais leurs empreintes persistent. Le verset dit en ce sens : « Car en ce jour vous serez pardonnés [yékhaper]… » – c’est-à-dire nettoyés de vos fautes. Mais pour « … vos purifier de tous vos péchés… » et que l’effet des fautes soient totalement effacé, il faut encore « … vous purifier devant D.ieu » – c’est-à-dire opérer un repentir sincère et achevé.  Par Yonathan Bendennnoune, en partenariat avec Hamodia.fr
(D’après Itouré Torah)