Progresser vers la délivrance en affinant nos sens
Le 17 tamouz et le 9 av sont les dates les plus tragiques de notre histoire, et les trois semaines
qui les séparent forment la période la plus douloureuse de notre calendrier. Le 17 tamouz,
Moché brisa les tables de la Loi suite au péché du veau d’or, les sacrifices quotidiens
cessèrent d’être offerts dans le premier temple, une brèche fut faite dans la muraille de
Yerouchalayim lors du siège romain, un rouleau de la Tora fut brûlé par le chef militaire
romain Apostamos (en avant-goût des nombreux autodafés que nous aurons encore à subir…),
et une idole fut introduite dans le temple. Et le 9 av, date marquée par la faute des
explorateurs et par l’interdiction qui s’ensuivit pour les ressortissants d’Egypte d’entrer en
Erets Yisrael, nos deux temples furent détruits.
Ces trois semaines sont appelées bén ha-metsarim: « entre les étaux », expression tirée du
verset (Eikha 1, 3) : « Yehouda a été exilé […] tous ses poursuivants l’ont atteint entre les
étaux » – où nous continuons d’être « comprimés » et retenus.
Selon nos Sages, une grande fête aurait dû avoir lieu le 9 av et se terminer le 15.
Malheureusement, ces jours se sont transformés en deuil, depuis que les tables de la loi ont été
brisées, suite à la médisance proférée par les explorateurs, au découragement qu’ils semèrent
dans le peuple, et à l’interdiction d’entrer en Erets Yisrael.
Le Séfèr ha-Yetsira relie chaque mois de l’année à une fonction devant être sublimée. Nissan,
par exemple, correspond au dibour, à la « parole », alors que av se rattache à la chemi‘a,
l’« ouïe ». Pour le Gaon de Vilna, ce dernier s’est transformé en un mois de désolation, lui
dont la fonction – l’écoute – devait s’appliquer à des paroles élogieuses sur la terre promise, et
qui, au lieu de cela, a servi à capter la médisance des explorateurs suite à laquelle l’accès au
pays nous fut barré.
Selon le Maharal, l’exil se définit par trois points. Il est d’abord ovdan maqom, « perte de
lieu » et des repères dont chacun a besoin. Il est aussi pizour, « dispersion », car qui dit exil
dit « dissémination » de notre peuple dans le monde. Enfin, il est chi‘aboud,
« asservissement » et soumission aux nations.
Tels sont également les trois points sur lesquels les effets de l’exils se font intensément
ressentir, et où la « perte de repères » est la plus violente : Israël est dispersé dans le monde
entier. Quant à la Tora, depuis qu’elle a été « brisée », le 17 tamouz, notre rôle est de recueillir
ses « étincelles », de les rallumer par l’étude, et de les raviver pour « recoller » les débris et
leur rendre leur forme originelle. Mais le pire exil est celui de soi-même : quand l’être humain
ne se concentre pas sur ses objectifs spécifiques, auxquels lui seul peut accéder. Il est alors en
perte de repères, sujet au changement et à l’instabilité, asservi comme il l’est au joug de
valeurs opposées aux siennes.
Pour donner à cette période le sens qui doit être le sien, et rendre à l’« ouïe » sa vraie
dimension, il nous incombe d’écouter les paroles de Tora partout où elles résonnent, de les
recueillir en tendant l’oreille de notre mieux et autant qu’elles le méritent, avec toute
l’attention qui leur est due, tout comme nous associons les mots pour former des phrases
intelligibles.
C’est en restituant ainsi à l’écoute sa vraie valeur qu’il nous sera possible de quitter l’exil
pour la délivrance, et de voir enfin notre temple reconstruit, bientôt et de nos jours – Amen!