Il est vrai que la fête de Pourim commémore notre libération miraculeuse d’un de nos pires ennemis, Haman . Il n’empêche, cependant, que nous avons été presque totalement exterminés par celui-ci et que nous sommes restés en exil malgré le miracle dont nous avons bénéficié.

On peut se demander, par conséquent, si Pourim ne comporte pas une connotation de tristesse. Lorsque nous nous réjouissons de ce qui est alors arrivé en Perse, est-ce que nous ne sous-entendons pas que notre exil actuel a du bon, et que Hachem nous sauvera comme il a sauvé nos ancêtres ? Est-ce que la Meguila  ne met pas l’accent, par conséquent, sur l’horreur que devrait nous inspirer notre exil et sur la nécessité pour nous de décider nous-mêmes de notre destin ? Faut-il vraiment, en résumé, que nous célébrions Pourim  ?

En vérité, cette connotation de tristesse est suggérée par un certain nombre de nos lois et de nos coutumes. L’existence d’un jour de jeûne avant la fête nous incite à prendre au sérieux la menace d’annihilation qui a pesé alors sur nous, et par extension toutes les menaces de destruction que nous avons connues à travers l’histoire.

Nous apprenons dans la Guemara ( Meguila  14a) qu’il existe deux raisons pour lesquelles nous ne récitons pas Hallel le jour de Pourim  : D’abord parce que le miracle a eu lieu hors d’ Erets Yisrael , et aussi parce qu’il n’a pas marqué la fin de notre exil puisque nous sommes restés les « serviteurs d’Assuérus ». L’usage qui consiste à réciter certains versets de la Meguila  sur le même air que celui que nous entonnons le 9 av renvoie lui aussi à cette connotation de tristesse propre à Pourim .

D’autre part, la pérennité de l’existence du peuple juif en exil constitue un miracle en soi, et nous atteindrions le comble de l’ingratitude si nous ne nous en réjouissions pas.

Il est encore un autre aspect de Pourim qu’il convient de mettre en valeur : Cet épisode a marqué dans notre histoire la fin de la tradition prophétique, et son remplacement par la direction spirituelle exercée par les ?hakhamim , ces Sages en Tora dont Mardochée, en tant que l’un des fondateurs de la « Grande Assemblée », a été l’un des premiers représentants.

Notons encore que l’épisode de Pourim a marqué le début d’un développement historique qui a conduit à la construction du deuxième Temple et au retour des exilés en Erets Yisrael .

S’il est vrai, en conclusion, que Pourim n’est pas sans nous inspirer quelque mélancolie, il comporte de nombreuses raisons de nous réjouir et d’exprimer à Hachem notre gratitude pour Ses bontés.

Jacques KOHN Zal