Lorsque, le premier soir de Pessah, nous nous installons à la table du SEDER, nous nous apprêtons à accomplir plusieurs commandements.

1) KIDOUCH . Nous proclamons solennellement notre gratitude envers Hachem, à l’occasion de l’anniversaire de notre Sortie d’Egypte en l’an 2448 de la Création.

2) Nous consommons de la MATZA .

3) Nous consommons du MAROR , des herbes amères.

4) Nous consommons la matza du AFIKOMEN , réminiscence de la viande du Korban Pessah, du sacrifice de l’agneau pascal. En effet, tant que le Beth Hamikdach n’est pas reconstruit, nous ne pouvons pas offrir de sacrifices.

5) Nous consommons quatre coupes de vin, ARBA KOSSOTH , expression de notre bonheur pour la délivrance à laquelle notre peuple a accédé il y a trois mille trois cent quinze ans.

6) Dans la HAGGADA , nous lisons et commentons le récit de la Sortie d’Egypte. C’est cette mitsva qui occupe le plus de place dans toute la soirée du SEDER. Il est vrai que dès l’instant de la Sortie d’Egypte, Moché Rabénou a fait part au peuple de ce que Hachem ordonnait de transmettre de génération en génération, de père en fils, de maître à élève, le message que comporte l’événement majeur de notre histoire. Dans Chemot (chapitre 13 ? verset 8), nous lisons :  « Tu raconteras à ton fils en ce jour en disant : C’est pour cela que Hachem a fait pour moi (les miracles) lorsque je suis sorti d’Egypte ».

Ce verset impose au père juif une mission d’éducateur et de pédagogue très originale.

D’abord, par le contenu, la substance de cette éducation. Elle ne vient pas d’une idée jaillie de l’imagination du père ; elle n’est pas ce qui flatte certaines ambitions que le père nourrit pour que son enfant se distingue de ses camarades. Elle est le message dont Hachem charge chaque père juif, à toutes les époques, dans tous les pays, aux époques difficiles comme aux jours heureux. La substance de ce message est que Hachem a choisi Israël pour être Son peuple, Son enfant. Par la Sortie d’Egypte, Hachem en a fait Son peuple. Par tous les cheminements et toutes les vicissitudes à travers les siècles, Hachem a montré qu’Israël est et reste toujours Son enfant protégé, privilégié, bien-aimé. Tel est le contenu du message paternel.

Ensuite, le père dirige la soirée du SEDER, avec l’étude qu’est la récitation de la HAGGADA, en étant radieux du bonheur de faire partie du peuple juif. Sur son visage, se lisent continuellement les sentiments de crainte et d’amour dont il est animé envers Hachem. Les enfants sont témoins que le message divin véhiculé par le père ne leur parvient pas comme une corvée, mais il procure à toute la famille, à toute l’assistance, le bonheur culminant de toute l’année juive. Ce bonheur lui-même fait pleinement partie du message divin. C’est le bonheur d’avoir accès à tout ce qui a trait au but dans lequel Hachem a créé le monde, et aux conditions auxquelles le juif peut participer à ce qu’il y a de véritablement constructif dans l’histoire du monde.

De plus, les enfants voient leur père être à la fois leur maître, et un élève de son père et de ses maîtres. Il cite les enseignements qu’il a reçus oralement et dans les textes sacrés de toutes les époques. Le père assume la fonction de chaînon dans la suite des générations. Les enfants réalisent qu’un jour se dessinera devant eux la perspective de devenir à leur tour, un chaînon supplémentaire dans les générations qui se succèdent depuis la Sortie d’Egypte, et en vue de déboucher sur l’arrivée du Machiyah.

En vérité, de manière générale, dans toute étude de la Tora, même aux niveaux les plus élevés, le maître intervient toujours en tant qu’élève, et transmet le message et l’enseignement qu’il a reçus. En même temps que le père enseigne, il apprend et approfondit ce qu’il enseigne. Il s’adresse à ses enfants, mais aussi à lui-même. L’éducation juive est une tâche qui continue aussi longtemps que dure la vie sur terre. Jamais ne cesse l’écoute des Anciens ; jamais ne cesse l’effort de se parfaire. C’est ainsi que lorsque le père expliquera les Mitsvoth de PESSAH, de MATZA et de MAROR, il citera l’enseignement de Raban Gamliel de Yavné, qui commente le sens de la Mitsva du Korban Pessah, du sacrifice pascal que nos ancêtres consommaient à l’époque où existait encore le Beth Hamikdach, le Temple de Jérusalem. Et l’on perçoit facilement la pointe de nostalgie qui étreint Rabban Gamliel, car il avait connu dans son enfance le Beth Hamikdach. Raban Gamliel a vécu avant et après la destruction du Beth Hamikdach. Cet enseignement, il l’a rédigé après la destruction du Beth-Hamikdach. Il est évident que le Korban Pessah lui manquait douloureusement.

Enfin, la Haggada fait un devoir au père de s’adresser à toutes les sortes d’enfants qu’il peut avoir autour de sa table familiale. Il existe quatre types d’enfants : le sage, le pervers, le simple et celui qui ne sait même pas poser de questions. Au père d’adapter sa pédagogie aux besoins de chacun de ses enfants ; aux enfants qui l’écoutent tout au long de l’année, et qui lui procurent beaucoup de bonheur, évidemment ; mais aussi à celui qui ne veut jamais écouter, et qui s’est lancé dans d’autres directions, lui aussi retrouve sa place une fois par an, au SEDER. Quant à celui qui, dans son coin, reste silencieux, le père trouvera les mots auxquels l’enfant sera certainement sensible, au point de pouvoir vivre, à son niveau, le message de la soirée du SEDER.

A quoi est due la diversité des quatre enfants ? KEREM HATSEVI propose d’expliquer d’abord pourquoi le texte qui évoque les quatre enfants est introduit par la phrase : « Que soit loué Hachem, Qui a donné la Tora à Son peuple Israël, qu’Il soit loué » Il propose l’idée que d’abord Hachem a révélé la Tora à Israël, en montrant clairement au peuple les miracles par lesquels Il le dirigeait. Par la suite, Hachem a « caché Son jeu, » afin que nous Le découvrions par notre recherche, par notre étude, par notre effort. En effet, les grands miracles par lesquels nous avons connu Hachem lors de la Sortie d’Egypte, n’ont pas besoin d’être continuellement répétés. Leur leçon doit être transmise de père à enfant, de maître à élève. Que Hachem « cache Son jeu », ceci ouvre la voie au libre-arbitre de chacun et de chacune. Connaître Hachem est un choix moral et libre.

C’est ainsi que du fait qu’il y a eu d’abord l’époque des grands miracles, nous avons encore aujourd’hui les sages, ce sont ceux qui choisissent de s’éclairer pleinement des leçons transmises par leurs parents et maîtres. Et du fait qu’ensuite Hachem occulte Ses interventions, le pervers tire prétexte pour refuser l’enseignement transmis ; il ne croit ni en la Tora, ni en les mitsvoth, qu’il appelle une servitude inutile. A ses côtés, le simplet n’ose se décider ni pour le sage, ni pour le pervers ; alors que le dernier ne dit mot?..

Pour terminer, je tiens à souhaiter à tous les parents d’arriver au SEDER de PESSAH, non pas dans un épuisement résultant de la « chasse au Hametz » et des divers préparatifs à la fête, mais au contraire d’être capable d’en vivre ces moments importants en étant pleinement conscients de leur richesse, et bien décidés d’en tirer le plus grand profit, pour eux-mêmes et pour leurs enfants.

PESSAH CACHERE VESSAMEYAH.

Rav Hayim Yacov Schlammé