« Si tu vois l’âne de celui qui te hait succomber sous sa charge, garde toi de l’abandonner ; aide-lui au contraire à le décharger » ( Chemoth 23, 5).

Ce verset, qui constitue la source de la législation de la Tora sur nos rapports avec les animaux, fait intervenir le mot sonaakha (« celui qui te hait »). Il est évident que tu dois aider ton ami à décharger son âne qui succombe sous sa charge, mais tu en as également le devoir s’il s’agit de l’âne de celui qui ne t’aime pas.

En d’autres termes, peu doit t’importer le maître, seul compte l’animal.

Reste cependant à définir qui est cet « haïsseur ».
Cette nécessité s’impose d’autant plus que le verset précédent emploie un mot voisin : « Si tu rencontres le bœuf de ton ennemi ( oyvekha ) ou son âne, égaré, rapporte-le lui » (23, 4).

Qui est le oyèv , et qui est le soné ?

De nombreux commentateurs se sont penchés sur cette question, et nous rapporterons ici l’explication, quelque peu inattendue, de Rabbeinou Be‘hayé ( ad Devarim 30, 7).

Il est écrit dans le verset : « Hachem , ton Dieu, infligera toutes ces malédictions-là sur oyvekha et sur sonaakha , qui t’ont persécuté ». Nous savons que la Tora ne procède jamais par de vains pléonasmes. Or, figurent dans ce texte les deux notions, par conséquent nécessairement distinctes, de haine ( sina ) et d’hostilité ( oyevouth ).

L’exemple du oyèv pour Rabbeinou Be‘hayé , c’est Ismaël ; l’exemple du soné , c’est Esaü. Le oyèv , professe ce commentateur, est plus redoutable que le soné . Le premier est en effet accessible à la pitié, pas le second. L’hostilité est en effet passagère, et peut se muer en amitié ; la haine est, elle, inexpiable et sans rémission.

De même, poursuit-il, le verset : « Hachem […] rendant manifeste le crime des pères sur les fils, sur la troisième et sur la quatrième [générations], pour ceux qui me haïssent ( le-sonaï ) » ( Chemoth 20, 4) s’applique à Esaü, dont la punition n’est que temporaire. Ismaël sera puni, en revanche, beaucoup plus sévèrement puisque : « Et les ennemis ( oyevei ) de Hachem périront comme la graisse des agneaux ; comme la fumée ils s’en iront » (Psaumes 37, 20). Leur disparition sera définitive.