Le cantique qui forme l’essentiel de cette paracha, explique le rabbin Elie Munk (La voix de la Thora, vol. V p. 340), est articulé, à la fois dans sa composition et ses intentions profondes, selon Ramban/Nahmanide, conformément au schéma suivant :

Il apporte un témoignage véridique et fidèle sur toutes les péripéties de notre histoire. Il commence par nous rappeler les bienfaits dont Hachem nous a comblés depuis qu’Il nous a choisis. Il rappelle ensuite comment l’excès d’abondance a engendré la révolte contre Lui et l’idolâtrie, provoquant elles-mêmes la colère divine et ses conséquences : la peste, la famine et le glaive désolant le pays, enfin la dispersion à tous les coins de la terre. Et tout ceci, on le sait, s’est accompli et s’est révélé exact. Le cantique annonce également qu’à la fin Hachem se vengera de nos ennemis et punira ceux qui nous haïssent. C’est, en effet, par haine du Saint béni soit-Il, qu’ils nous ont fait tout ce mal. S’ils haïssent Israël, ce n’est pas parce qu’il a, comme eux, pratiqué l’idolâtrie, mais uniquement parce qu’il n’a pas agi comme eux, parce qu’il a servi Hachem, observé Ses préceptes, refusé de contracter avec eux des mariages et de manger de leurs sacrifices, parce qu’il n’a eu que mépris pour le culte des astres qu’ils pratiquaient et qu’il a fait disparaitre leurs hauts lieux, tout ceci étant résumé dans le verset : « C’est à cause de Toi, qu’on nous égorge tous les jours » (Psaumes 44, 23). Ainsi, c’est bien par haine de Lui qu’ils nous font subir tous ces maux : ils sont Ses ennemis, ils Le haïssent et Il tirera vengeance d’eux.

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Haftarath Chabbath Chouva – « Nous remplacerons les taureaux par nos lèvres »

Il n’est pas facile de comprendre ce que voulaient dire ces mots (Osée 14, 3) à l’époque du Temple. Ils sont cependant devenus, depuis qu’il a été détruit et que nous ne pouvons plus offrir de sacrifices, un élément fondamental de notre rapport à Hachem : Ce rapport ne se définit plus par des offrandes sur un autel, mais par la prière.

L’idée qui se trouvait à la base de l’ensemble du culte sacrificiel était que l’offrande d’un animal constituait une sorte de substitut de l’offrande à Hachem de sa propre vie. Le pénitent se disait ainsi prêt à sacrifier sa propre vie et à l’offrir à Hachem. Mais son offrande était impossible à réaliser, de sorte que celle d’un animal exprimait symboliquement la réalisation de ce sacrifice.

Aujourd’hui, comme l’explique Radaq, de la même façon qu’un sacrifice était inutile s’il n’était pas accompagné d’une confession, son remplacement par les paroles de nos lèvres n’a de sens et d’efficacité que si celles-ci expriment le désir d’un repentir et d’une confession de nos péchés.

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Réflexions sur le jeûne de Guedalia

« Ainsi a parlé Hachem des armées : Le jeûne du quatrième [mois], et le jeûne du cinquième, et le jeûne du septième, et le jeûne du dixième [mois] seront pour la maison de Juda allégresse et joie, et d’heureuses assemblées. Aimez donc la vérité et la paix » (Zacharie 8, 19).

Le « jeûne du quatrième », explique Rachi (ad loc.), c’est celui du 17 tamouz, le quatrième des mois ; le « jeûne du cinquième » est celui du 9 av, cinquième des mois ; celui « du septième », est celui du 3 tichri, date de l’assassinat de Guedalia ; et celui « du dixième » est celui du mois de téveth.

Etonnant, ce classement ! Pourquoi le prophète place-t-il sur le même plan les jeûnes de tamouz, d’av et de téveth, rappels de catastrophes nationales : la destruction de deux Temples, et celui de tichri, qui ne nous invite à nous souvenir que du meurtre d’un personnage très secondaire ?

Les assassinats politiques ont toujours été monnaie courante, y compris dans notre propre histoire et jusqu’à nos jours, mais ils n’y ont jamais occupé de place dans nos célébrations.

Un premier élément de réponse nous est fourni par la Guemara Roch hachana 18b qui nous apprend que la mort violente des Justes a, en termes de malheurs, le même poids que l’incendie du Temple de Jérusalem.

Cet enseignement est repris par Rambam/Maïmonide (Hilkhoth ta‘anith) ainsi que par Radaq.

Reste que ce jeûne est surtout à des fins pédagogiques, bien plus qu’à des fins historiques.

Jacques KOHN.