De manière générale, nos Maîtres fustigent la moquerie. Si la joie et la gaieté sont de bons outils pour servir Hashem pleinement, la moquerie a le pouvoir satanique de briser toute solennité et révérence. Comme l’écrit le Shevet Moussar, ‘une petite moquerie l’emporte contre 100 reproches fondés !’


Toutefois, Rav Nahman **[Meguila 25B] enseigne : ‘Toute moquerie est défendue, à une seule exception : se moquer de l’idolâtrie’ Si la moquerie est le venin qui attaque la crainte du ciel, elle devient antidote face une fausse révérence. Aussi, nos Maîtres de toutes générations utilisaient leur génie très acéré pour tourner en dérision des hérésies qui happaient de nombreux juifs intègres.

C’est la raison pour laquelle je me permet aujourd’hui de changer de ligne éditoriale, et de vous rapporter une belle sortie du Beit haLevy – Rav Yossef Ber Soloveitchik zatsal–, par laquelle il fustigea un Maskil – un juif happé par le tourbillon d’émancipation qui soufflait en Europe de l’Est il y a 200 ans. Mais auparavant, un minimum de contexte de notre Parasha !

Après 14 ans d’étude dans la Yeshiva de Shem véEver, puis 21 ans en exil à ‘Haran chez Lavan, Yaacov rentre au pays, chez ses parents, sur l’ordre d’Hashem. Son frère jumeau Essav, lui prépare un accueil mouvementé: il a enfin l’occasion de venger l’affligent ‘vol’ des Berakhot par Yaacov 35 ans plus tôt!

Yaacov se prépare au conflit, mais tente aussi de soudoyer Essav. Il lui envoie par à-coups une Min’ha – litt. des présents [qui ouvrira la porte au jeu de mot en l’interprétant par la prière de Min’ha de l’après-midi]. Il lui envoie ainsi 220 chèvres, 220 moutons, 30 chameaux, 50 vaches, 30 ânes. Et La stratégie s’avère fructueuse. Essav est flatté par les présents, et renonce à l’affrontement. Il va même jusqu’à l’inviter chez lui, à Séïr, avec toute sa famille, et lui propose de l’escorter. Mais Yaacov préfère garder ses distances, et parvient à esquiver son invitation en finesse.
Voilà pour la Parashat haShavoua. A présent, la blague du jour…

Le Beit haLevy eut l’occasion d’entreprendre un long voyage en train de l’époque, en Lituanie. Alors que le coucher du soleil approchait, il voulut prier la prière de Min’ha. Après un petit coup d’œil dans les wagons mitoyens, il décela un potentiel de 10 juifs, soit, la possibilité de prier Min’ha en Minyan – en regroupement de 10 personnes. Cependant, l’un de ces 10 juifs avait un petit faible pour le terrible mouvement émancipateur de la Haskala – les éclairés [ou ‘illuminés’]. Aussi, le Beit haLevy veilla à regrouper les autres juifs à proximité du siège de ce néo-juif.

Après plusieurs minutes de va et vient, peinant à réunir un à un ces 10 juifs, le rav compta une dernière fois les présents avant de prononcer le Kadish… et réalisa que ‘l’éclairé’ s’était éclipsé ! Déçu, les 9 juifs restants prièrent individuellement, manquant l’occasion de dire le Kadish.

A peine finit-il sa prière, que le rav aperçut de loin le Maskil installé à une autre place. Ni une ni deux, le rav vint s’asseoir face à lui, et lui dit : « J’ai enfin eu une réponse antique ! Voilà plus de 50 ans que je lis chaque année la Parasha de Vayishlah, et je m’étonne à chaque fois de la Min’ha [l’offrande] que Yaacov envoya à Essav. Il lui envoya tellement de troupeaux ! Une multitude de bovins, d’ovins, de chameaux et d’ânes ! Mais dis-moi, mon cher, ne devait-il pas lui envoyer aussi des chiens ? Est-il possible de surveiller tant de troupeaux sans chiens ?!
Pourquoi Yaacov n’offrit-il pas à son frère une Min’ha parfaite ? »
Le rav patienta quelques secondes, et reprit : «Parce qu’un chien qui entend Min’ha prend toujours la fuite !!!»

Rav Harry Dahan de 5minutes eternelles