Le mot tsaw, commente Rachi, implique toujours une idée de zèle. Cela signifie que Aharon a été exhorté à agir immédiatement.

Dans un autre contexte, observe le ‘Hanoukath ha-Bayith, le Talmud (Qiddouchin 31a) nous enseigne : « Celui qui accomplit une mitswa pour en avoir reçu l’ordre est plus digne que celui qui l’effectue sans y être astreint. » Cette affirmation est ainsi expliquée par les Tossafoth : « Celui qui a l’obligation de réaliser une mitswa est plus anxieux et tourmenté à l’idée de l’enfreindre ou de ne pas l’exécuter correctement. En revanche, celui qui n’a pas d’obligation a toujours la possibilité de ne pas l’accomplir s’il le décide. »

Sous cet éclairage, nous comprenons mieux le commentaire susmentionné de Rachi. Puisque Aharon était astreint à tous les commandements que Moché allait lui communiquer, il fallait l’exhorter au zèle et à la promptitude. Car, de son côté, le yétsèr ha-ra’ (« penchant au mal ») accomplit assidûment sa tâche consistant à dresser des obstacles devant l’homme pour l’empêcher d’assumer ses devoirs. Celui qui ne prend pas soin d’agir rapidement et sans délai ne pourra maîtriser son inclination.

Le Talmud (Sanhédrin 56b) interprète le verbe tsaw – « ordonne » – comme ayant une connotation d’idolâtrie, selon le verset (Hoché‘a 5, 11) : « Efrayim est oppressé, rompu, à juste titre, puisqu’il a suivi le tsaw [le commandement des prophètes de Ba‘al]. »
Pourquoi n’a-t-il pas été enjoint à Moché : « dis (émor) à Aharon et à ses fils », selon la formule habituelle ? s’étonne le Chakh. Et si ce terme – tsaw – évoque l’idolâtrie, ne valait-il pas mieux l’éviter ?
Dans ses « Lois sur l’entrée dans le Sanctuaire » (9, 13), le Rambam stipule : « Un kohen qui s’est livré à l’idolâtrie, délibérément ou involontairement, même s’il s’en est repenti par une techouva sincère et complète, ne pourra plus jamais accomplir le service dans le Temple, comme il est écrit (Ye‘hezqel 44, 13) : “Ils ne s’approcheront pas de moi pour exercer Mon sacerdoce.” »
Ayant prêté – involontairement – sa collaboration à la confection du veau d’or (cf. Chemoth 32), Aharon aurait pu penser qu’il avait le statut de « kohen ayant pratiqué l’idolâtrie ». Ainsi, la Tora emploie précisément le verbe : tsaw – « ordonne », pour faire allusion au culte des dieux étrangers, afin de bien souligner que Aharon, en réalité, n’a pris aucune part à cet acte. Il était totalement innocent. Il n’avait agi alors que pour sanctifier le Nom de Hachem, espérant faire traîner les choses en longueur afin que les enfants d’Israël ne sombrent pas dans l’idolâtrie.

Ordonne à Aharon et à ses fils lémor (littéralement : « de dire ») : « Celle-ci est la loi de l’holocauste… » (6, 2)

Commentaire de Rachi : « Le mot tsaw implique toujours une idée de zèle. […] Rabbi Chimon a enseigné : La Tora incite à d’autant plus de zèle qu’il y a risque de perte matérielle. »
De quel préjudice est-il question ici ?
Pour répondre à cette question, le Binyan Ariel cite l’enseignement talmudique (Mena‘hoth 110a) : « “Celle-ci est la loi de l’holocauste” – Quiconque s’investit dans l’étude des lois de l’holocauste est considéré comme s’il en avait présenté un en sacrifice. » Autrement dit, quelqu’un qui n’a pas les moyens d’acheter une bête pour une offrande peut en retirer le même bénéfice en étudiant consciencieusement les lois s’y appliquant.
Les prêtres recueillaient un profit matériel des sacrifices – à savoir les mathnoth kehouna (« portions données aux kohanim »). La ‘ola, qui était entièrement consumée et offerte à Hachem, leur procurait également un avantage puisque, même s’ils n’en recueillaient aucune part de viande, ils avaient droit à la peau de l’animal. On aurait donc pu les soupçonner de vouloir cacher aux enfants d’Israël que le but d’une offrande peut être atteint également par l’étude, craignant qu’ils préfèrent approfondir leurs lois plutôt que de les offrir effectivement.
Voilà pourquoi Hachem a enjoint à Moché : « Ordonne à Aharon et à ses fils lémor : Celle-ci est la loi de la ‘ola ». En d’autres termes, ordonne-leur de bien faire savoir à Israël que celui qui étudie les lois relatives au sacrifice est considéré comme s’il présentait réellement. Et telle est la raison pour laquelle Rabbi Chimon a affirmé : « L’Ecriture incite à d’autant plus de zèle qu’il y a risque de perte matérielle » – De perte pour qui ? Pour les kohanim.

Pour le Rabbi de Satmar, il existe un lien direct entre la perte financière impliquée ici et le commandement d’exhorter Aharon à l’accomplissement des lois sacrificielles. Selon l’enseignement de nos Sages (op. cit.), quiconque s’investit dans l’étude des lois d’un sacrifice est considéré comme s’il l’avait effectivement présenté. D’autre part, le Talmud (Nedarim 81a) nous dit : « Prenez garde à la manière dont vous traitez les enfants des pauvres, car la Tora émane d’eux ! » Précisément en raison de leur dénuement, les indigents détiennent des avantages qui les aideront à atteindre la grandeur dans la Tora, comme l’explique le Ran (ad loc.) : « Car ils n’ont pas d’autre centre d’intérêt ; et aussi, parce qu’ils sont humbles. » C’est à cela que Rabbi Chimon fait allusion, lorsqu’il affirme : « L’Ecriture incite à d’autant plus de zèle qu’il y a risque de perte matérielle ». Elle le fait à l’intention des enfants pauvres dont la Tora émanera, et que le manque de moyens incitera à étudier les lois relatives aux sacrifices, faute de pouvoir les offrir. »