La paracha de Térouma est entièrement consacrée à la construction du Tabernacle et des pièces qu’il renferme. Même de nos jours, le détail de leur fabrication a une conséquence concrète : il en est en effet interdit de les reproduire…

Le Talmud cite à ce sujet le verset suivant : « Ne fabriquez avec Moi aucune autre divinité » (Chémot 20, 20) et l’interprète ainsi : « Ne reproduisez aucun des serviteurs qui Me servent ». Selon les termes mêmes de la Guémara, cette prescription donne lieu aux lois suivantes : « Il est interdit de se construire une maison selon le modèle du Sanctuaire, une terrasse selon le modèle de la Salle du Temple, une cour selon le modèle du Parvis, de fabriquer une table semblable à la Table du Temple, un chandelier semblable au Candélabre. Mais il est permis de façonner un chandelier de cinq, six ou huit branches, mais pas de sept branches, même si on le fabrique à partir d’autres métaux [que l’or] » (Avoda Zara 43/a).
Le Choul’han Aroukh (Yoré Déa 141, 8) retient de ce texte qu’il est interdit de fabriquer un chandelier composé de sept de branches, dans quelque métal que ce soit, même s’il n’est pas orné de fleurs et de boutons, et même s’il n’est pas haut de dix-huit téfa’him comme l’était le Candélabre du Temple. Le Chakh explique que ces différents détails, à savoir la taille du chandelier ou la présence de fleurs et de boutons, n’étaient en effet pas absolument impératifs dans le Temple. C’est-à-dire qu’un Candélabre dépourvu de ces critères était tout de même valable pour le service sacerdotal. C’est pourquoi toute reproduction de ce type est également interdite.
Posséder un chandelier à sept branches
Si l’on s’en tient aux termes mentionnés dans le Talmud, il apparaît qu’il est interdit de « fabriquer » un chandelier similaire au Candélabre. Serait-ce à dire qu’il soit permis de posséder et d’utiliser un tel chandelier, par exemple si un non-Juif l’a fabriqué et nous l’a vendu ? Cette question fut l’objet d’une large discussion entre les décisionnaires. Le Pit’hé Téchouva rapporte au nom de plusieurs ouvrages que l’interdiction consiste uniquement à fabriquer ces pièces de ses propres mains. Mais le Maharam de Rottenbourg (cité dans le Bet Yossef) considère pour sa part que même si un tel chandelier a été fabriqué par autrui, il demeure interdit de l’utiliser. D’autres avis insistent sur le fait que ceci est d’autant plus interdit s’agissant d’un chandelier, car on l’allume fréquemment et l’on reproduit ainsi activement le service des Cohanim. Le Gaon de Vilna ajoute qu’il est interdit de posséder un tel chandelier tout au moins par ordre rabbinique, pour éviter qu’on en vienne à nous soupçonner de l’avoir fabriqué nous-mêmes. Enfin, le Chiouré Bérakha conclut qu’il convient assurément de se montrer strict à ce sujet, et s’il l’on possède un tel chandelier, il faudra soit lui ajouter une branche supplémentaire, soit lui en retirer une. Cet auteur rapporte d’ailleurs que de son temps, on avait fait construire un chandelier à sept branches pour une synagogue de Jérusalem. Les Rabbanim de la ville réagirent aussitôt, et prescrivirent de lui ajouter une branche.
Les verres et les couverts
Les Tossefot, dans le traité Yoma (54/b), considèrent pour leur part que l’interdiction de reproduire les ustensiles du Temple ne concerne que les copies ayant les mêmes dimensions que les pièces originales. S’il n’en était pas ainsi, ajoutent-ils, la vie deviendrait impossible : il serait interdit de fabriquer des verres, des couverts ou même des tables, car tous ces éléments étaient utilisés dans le Temple !
Bien que l’avis des Tossefot ne fasse pas l’unanimité, le ‘Hatam Sofer en retient cependant un point important : tout ustensile de la vie courante, et similaire à ceux du Temple, peut effectivement être reproduit, pour autant qu’on ne le fabrique pas très conformément aux pièces du Temple. Hormis le fait que la vie deviendrait impossible sans cela, l’utilisation de tels ustensiles ne constitue pas un affront porté au Roi des rois, puisque tous les hommes se servent d’ustensiles semblables. En revanche, pour ce qui est des ustensiles moins courants – comme un chandelier à sept branches par exemple –, l’interdiction reste en vigueur même si l’on ne se conforme pas aux dimensions du Candélabre, puisque rien ne nous oblige à utiliser précisément un tel chandelier. Dans ce cas, il convient effectivement de se montrer plus strict, comme l’indique le Choul’han Aroukh, et d’interdire tout chandelier peu ou prou semblable à l’original.
D’après cela, ajoute le ‘Hatam Sofer, pour déterminer quels ustensiles il est permis de fabriquer, il convient de savoir avant tout s’il est possible de s’en priver dans la vie courante. Ainsi, si l’on considère que la Table du Temple pouvait être fabriquée aussi bien à partir de bois que de métaux (comme le pense Rabbi Yossi Ben Yéhouda), il n’y aurait donc aucune restriction dans la construction des tables, car dans le cas contraire, il n’y aurait moyen d’en posséder et la vie deviendrait impossible. Mais si l’on estime que la Table du Temple devait obligatoirement être en métal (comme le pensent les Sages), nous conservons donc la possibilité de fabriquer des tables en bois, sans que cela nous gêne dans la vie courante. Et selon cet avis, il serait donc interdit de fabriquer toute table en métal, même si elle n’a pas les mêmes dimensions que celle du Temple…    Par Chlomo Messica, en partenariat avec Hamodia.fr