L’exil et la liberté de nos jours

Nous lirons, ces prochains Chabbath, les sections de la Tora relatant notre premier exil, les difficultés et souffrances endurées par notre peuple en Egypte, puis sa délivrance. Tentons de nous en inspirer en en tirant les enseignements qui s’imposent aujourd’hui.

L’exil n’a débuté qu’après la mort de Ya‘aqov, car il n’était aucunement ressenti aussi longtemps que notre patriarche vivait en Egypte, comme l’explique Rachi sur Beréchith 47, 28 : « Ya‘aqov vécut dans le pays d’Egypte dix-sept ans » : « Pourquoi ce récit est-il “fermé” [non séparé du précédent par un alinéa] ? Car avec la mort de Ya‘aqov, se sont “fermés” les yeux et les cœurs d’Israël, sous l’effet des souffrances de l’esclavage, parce qu’ils ont alors commencé d’être asservis. » 

L’exil s’est instauré dès lors que nous avons été asservis aux Egyptiens. Or, comme nous le déclarons le soir du sédèr : « Si le Saint béni soit-Il n’avait pas fait sortir nos ancêtres de là-bas, nous-mêmes, nos enfants et petits-enfants serions encore asservis à Pharaon. » Cela parce qu’un esclave « dans l’âme » n’est pas maître de sa personne, et que si, pour une raison ou une autre, il quitte l’homme auquel il est assujetti, il en cherchera un autre dont il assumera l’autorité.

La plupart d’ente nous sommes inaptes à penser par nos propres moyens et à fixer, à partir de nos seules ressources intellectuelles ou cognitives, les objectifs à atteindre. Le plus souvent, nous nous contentons de rester « passifs » et de chercher des « maîtres » qui nous montrent la voie à suivre et nous livrent, « toutes prêtes », les idées que, incapables de concevoir ni d’examiner, nous sommes réduits à adopter. Tel est l’exil dans lequel nous sommes plongés aujourd’hui : exilés de nous-mêmes, nous ne sommes plus capables de gérer notre vie, ce que notre entourage social fait souvent à notre place.

Adam, le premier homme, se déployait d’une extrémité à l’autre du monde (‘Haguiga 12a) : Il n’était pas physiquement « gigantesque », mais il détenait une emprise sur tous les éléments du monde. L’expansion de l’aptitude humaine à influencer et à laisser son empreinte, voilà la notion diamétralement opposée à celle de servitude. Car telle est la liberté : être maître de nous-mêmes.

Notre premier exil fut celui de Mitsrayim – d’Egypte – ce nom étant issu de métsèr : étroit, car nous nous y sommes retrouvés « coincés », privés du pouvoir de gérer et de diriger notre existence. L’exil, c’est la réduction, parfois totale, de nos capacités et de notre liberté de penser et d’atteindre nos objectifs. 

La délivrance du joug égyptien nous a permis de nous affranchir de cet esclavage puis, au terme de cinquante jours, de recevoir la Tora. 

A l’instar d’Adam, Ya‘aqov symbolise le contraire de l’exil, comme le souligne l’injonction divine qui lui fut adressée (Beréchith 28, 14) : « Tu t’étendras vers la mer et vers l’orient, et vers le nord et vers le sud », et comme le corrobore le fait que l’exil ne s’est pas fait ressentir tant qu’il était vivant. Sur nous qui sommes ses descendants, l’exil ne doit pas non plus exercer son emprise. Pour l’en empêcher, il nous incombe de dominer notre existence, sans nous laisser dominer par elle.

Efforçons-nous de prendre notre vie en main pour la mener à son objectif, sans devenir esclaves des influences extérieures ! Choisissons la voie qu’il nous appartient de suivre – celle de la Tora – et qui, elle seule, nous « délivrera » en nous permettant de recouvrer notre véritable liberté !

Rav Dov Roth-Lumbroso