C’est en souvenir de l’obligation qui incombe à chaque membre du peuple
d’Israël d’amener au Temple le demi-sicle (Ma’hatsit haChékel) afin de
prendre part aux sacrifices collectifs (Korbanot Tsibour) que nous lisons la
paracha « Chekalim ». Mais en quoi ces deux réalités – les Chekalim et le
Tsibour – sont-elles à ce point liées ?

Dénombrer sans compter

Dans le Midrach Tan’houma (paracha
Ki Tissa, siman 3), on peut
lire ceci : « Moché enseigna la
Torah à tous les membres d’Israël
et les éduqua aux mitsvot. Il leur
donna l’ordre des sections hebdomadaires de la Torah qu’ils liront
chaque Chabbat, chaque premiers
jours du mois et à chacune des fêtes. Eux mentionneront Moché à
l’occasion de chaque paracha. Au
sujet de la paracha Chekalim, Moché dit : ‘Maître du monde, quand
je décèderai, on ne me mentionnera
plus’. L’Eternel lui répondit : ‘Par
ta vie ! De même que tu es bien là
aujourd’hui, que tu leur donnes la
paracha Chekalim et que tu relèves (Zokef) leurs têtes, il en sera
ainsi chaque année quand les Enfants d’Israël liront devant Moi la
paracha Chekalim, comme si tu te
tenais toi-même à ce moment et
que tu relevais leurs têtes’. D’où
le savons-nous ? Du fait qu’il est
écrit : ‘Ki Tissa èt Roch Bné Israël
[Quand tu procèderas au dénombrement
des Enfants d’Israël]. Il
n’est pas dit ‘Tissa [Dénombre],
mais ‘Ki Tissa’ [sous-entendu au
futur-Ndlr] ».

Ce texte nécessite une explication :
pour quelle raison est-ce précissément
à l’occasion de la paracha
Chekalim que Moché craignit que
son décès puisse engendrer la fin
de la mention de son nom propre ?
Pour répondre à cette question, il
faut d’abord que nous rappelions
le verset : « Quand tu procèderas
au dénombrement des Enfants d’Israël, chacun d’eux paiera à l’Eternm
nel le rachat de sa personne afin
qu’il n’y ait point de mortalité parmi eux. (…) Cette contribution sera
d’un demi-sicle (Ma’hatsit haChékkel)
selon le poids du Temple. (…)
Tu recevras le produit de ce rachat,
et tu l’appliqueras au service de la
Tente d’assignation (…) », (Chémot,
30, 11-16).

Sur le passage « afin qu’il n’y ait
point de mortalité parmi eux »,
Rachi écrit : « Car le dénombrement ouvre la porte au mauvais
oeil et provoque même l’émergence
de la peste, comme ce fut le cas
avec [le dénombrement effectué
par] le roi David (Samuel 2 – 24,
10-15) ». Le décompte (minyan) se
trouve donc aux antipodes de la
bénédiction (brakha), comme cela
ressort de cet enseignement : « Ein
Brakha metsouya bédavar hamànouï [la bénédiction ne se trouve
pas dans les choses comptées] »,
(Traité talmudique Baba Métsia,
page 42/a).

C’est pourquoi, lors du dénombrement
effectué par Moché Rabbénou,
D.ieu ordonna que chaque
membre du peuple d’Israël donne
chacun la valeur d’un demi-sicle
(ma’hatsit haChékel) « afin que
vous ne soyez pas frappés par le
fait d’avoir été comptés », (Rachi,
ibid., 15). La paracha « Ki Tissa »
s’ouvre donc par ces mots : « Ki
Tissa èt roch Bné Israël ». Littérralement
: « Quand tu élèveras la
tête des Enfants d’Israël », le terme
« nasso » exprimant l’idée d’élévation,
comme nous le disons à proppos
du Tout-puissant dans la prière
du matin avant la Amida : « Ram
véNissa, Gadol véNora [Il est haut
et élevé, grand et redoutable] ».
Car, si ce dénombrement effectué à
l’occasion de la mitsva de ma’hatsit haChékel est si particulier, c’est
parce qu’il offrit la possibilité de
compter les membres du peuple
sous la forme d’un ensemble d’individus
(minyan), sans que pour
autant celui-ci soit nécessairement
synonyme d’adversité (pouranout).
Elevant au contraire les membres
singuliers d’Israël à la hauteur
d’une même réalité qui maintennant
les surdétermine, la mitsva de
ma’hatsit haChékel dénombre sans
compter ! Ce faisant, elle inscrit
l’élémentaire dans une unité (klal)
qui le dépasse, transportant la présence
de chaque « un » vers une
nouvelle forme de réalité : celle
d’appartenir désormais au tsibour,
à l’Assemblée d’Israël.

Or comme nous le savons, la présence
de dix personnes donne
la possibilité de laisser émerger
parmi eux la sainteté, dans la mesure
où cette réunion leur confère
un nouveau nom et une nouvelle
réalité. A ce titre, les dix premières
personnes qui arrivent à la synagogue
reçoivent la récompense de
celles qui ensuite les rejoignent en
s’ajoutant à elles ! Puisque après
avoir atteint le nombre de dix
hommes (le 1er nombre qui rompt
avec la série des neuf premières
unités pour s’ouvrir à une nouvelle
nomenclature), le tsibour (l’assemblée)
est totalement constitué, au
point où tout celui qui s’y associe
ensuite ne fait qu’ajouter à ce qui
fut déjà et absolument conquis
( Zohar ‘Hadach, 1, p. 63).

C’est bien cette idée du tsibour qui
est en jeu à propos de la mitsva des
Chekalim. Elevant la réalité de chaque
« un » – comme cette couronne
(kéter) que l’on place sur la tête d’un
homme afin d’en relever la stature
(koma) –, la mitsva des Chekalim
fait littéralement renaître sous une
nouvelle forme d’existence chaque
parties de l’ensemble jusqu’à lui
conférer la forme d’un « tout » !

Moché Rabbénou,
le « tout Israël » !

Dirigeant unique du peuple juif
dans l’exil, c’est à Moché Rabbénnou
et à lui seul qu’il fut donné
d’accomplir cette unification de
l’Assemblée d’Israël. Comme cela
ressort de ce passage du Zohar
(paracha Pin’has, p. 216/a) qui
évoque la raison pour laquelle on
a pu dire qu’il arriva en Égypte
qu’une femme mette au monde
600 000 nourrissons en un seul
accouchement !

Or cette femme n’est autre que Yokhéved,
la mère de Moché Rabbénnou
qui, parce qu’il reçut la Torah
présente désormais en chacun des
membres du peuple juif – c’est-à-dire
en vertu des 600 000 formes
de réception de la Torah –, équivaut,
en tant que chef spirituel
de la nation juive, aux 600 000
âmes d’Israël ! Incarnant le tout
Israël, Moché est donc celui qui,
selon les termes mêmes du verset,
élève « la tête des Enfants d’Israël ».

Voilà pourquoi le Or ha’Haïm haKadoch
(Béréchit, 49, 11) nous
livre l’enseignement suivant : « Tu
connais déjà, dit-il, les paroles du
Zohar affirmant que c’est Moché, le libérateur de nos ancêtres, qui
mettra fin à notre exil et qui ramènera
les Enfants dans leurs
frontières. Tel est en effet le sens
de ce verset de l’Ecclésiaste (Kohéllèt,
1, 9) ‘Ma ChéHaya Hou ChéHiyé
[Ce qui a été est ce qui sera]’,
dont les premières lettres forment
le nom de MoCHé. Et bien qu’il
soit dit par ailleurs que le Messie
sera un descendant de la tribu de
Yéhouda, donc de la descendance
du roi David – ainsi qu’il est écrit
par exemple dans le Traité Sanhédrine,
page 98/b, où l’on rapporte
que c’est David lui-même le roi
Messie, comme il est dit : ‘Mon
serviteur David règnera sur eux’,
(Ezéchiel, 37, 24), ne t’étonne pas !
Car si tu te demandais comment
Moché, descendant de la tribu de
Lévy, pourrait-il être le Messie,
ne perds pas de vue que l’âme de
Moché Rabbénou comprend en elle
toutes les âmes des douze tribus
d’Israël, les 600 000 âmes d’Israël
étant ses branches. Or, la branche
de la tribu de David se trouve elle-même
en Moché. C’est la raison
pour laquelle c’est lui qui, dans le
désert, fut non seulement promulgué
roi, mais aussi Cohen, Lévy,
prophète, sage et puissant. Et ce,
parce que Moché contient en lui
toutes les ramifications de la sainteté.
Or dans l’avenir, c’est la racine
royale qui se trouve en Moché
qui se dévoilera – lui qui est le roi
Messie lui-même – David, Inone, et
Chilo ». Nous voilà donc en mesure
de comprendre la réponse faite
à Moché dans le Midrach précité.
C’est à l’occasion de la paracha
Chekalim que Moché craignit de
voir son nom propre disparaître
après son décès… En effet, censée
opérer le rachat de la faute du
Veau d’or, la mitsva de Chekalim
semblait aussi signifier l’échec en
quelque sorte de la génération du
désert, au point où dans un autre
Midrach (Tan’houma, Ki Tissa,
6), il est dit que Moché Rabbénou
fut saisi d’effroi à l’idée qu’il
était impossible de racheter une
telle faute…Or, la réponse du Tout-puissant
ne laisse plus la place
au doute : la mitsva de ma’hatsit
haChékel constitue au contraire la
preuve que Moché existe sous la
forme même du klal Israël, c’est-à-
dire comme tsibour. Lequel, par
définition, ne périt jamais (« Ein
Tsibour Métim » – Traité Oraïot
p.6/a) ! Yehuda Rück
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