Au fil des lois sur les sacrifices, la Torah souligne à plusieurs reprises le devoir de chacun de ne pas priver autrui de ses biens, de quelque manière que ce soit.

Plus loin dans notre paracha, nous pouvons également lire : « Il ôtera le jabot avec les plumes », (1, 16), verset que Rachi commente en ces termes : « Concernant l’holocauste de la bête de menu et gros bétail – qui ne se nourrit qu’avec la nourriture procurée par son propriétaire –, il est dit : ‘On lavera dans l’eau les intestins et les jambes, (…) et on les brûlera sur l’autel’. Mais concernant l’oiseau, qui se nourrit du vol, il est dit : ‘On ôtera’ ses entrailles, parce qu’elles se sont nourries du produit du vol ».
Evidemment, il n’est nullement question de juger l’oiseau pour son geste : démuni de libre-arbitre, il n’agit qu’en fonction de la nature qui l’habite. Cependant, cette prescription est là pour bien indiquer à l’homme l’importance qu’accorde le Créateur au respect des biens d’autrui. Le Keli Yakar, qui s’attarde assez longuement sur ces enseignements, remarque ainsi avec pertinence : « Le sacrifice et le vol sont deux contraires : le sacrifice rapproche l’homme de la Ché’hina, tandis que le vol l’en éloigne ».

Par conséquent, de nos jours également, ces enseignements restent de totale actualité, bien que nous ne possédions plus le privilège des sacrifices.

« Qui montera sur la montagne de D.ieu ? »
L’importance de ce thème apparaît dans ce célèbre verset des Psaumes : « Qui montera sur la montagne de D.ieu ? Qui se tiendra à l’endroit de Son Sanctuaire ? Celui qui a les mains sans taches, le cœur pur (…) », (24, 3-4). Dans son commentaire sur ce verset, le Métsoudat David explique que l’homme ayant « les mains sans taches » est celui qui « a les mains propres, d’un argent acquis d’une manière parfaitement droite ». Ce critère est donc le premier abordé pour déterminer qui mérite de « s’élever sur la montagne de D.ieu » et donc de se rapprocher de la Présence divine.
En se basant sur ces versets, Rabbénou Bé’hayé écrit dans son ouvrage « Kad haKéma’h » : « Tout homme doit mener son commerce avec probité et avoir les mains exemptes de tout soupçon de vol, afin d’avoir le mérite de grimper sur la montagne de l’Eternel, comme l’a dit le roi David : ‘Qui montera sur la montagne de D.ieu ? (…) Celui qui a les mains sans taches’. Nous pouvons en déduire que quiconque détient entre ses mains un bien issu du vol sera mis à l’écart de la montagne de D.ieu et du lieu de Son Sanctuaire ».
Le Ram’hal consacra pour sa part un long chapitre aux nombreux risques de vol, dont tous ne sont pas forcément conscients : « Nous constatons pourtant que bien que la majorité des hommes ne soient pas des voleurs – c’est-à-dire qu’ils ne s’emparent pas délibérément des biens d’autrui -, malgré tout, la plupart d’entre eux ‘goûtent’ au moins la saveur du vol dans leur commerce, en s’accordant des dérogations et en se permettant de gagner leur argent grâce aux pertes d’autrui (…) ».
Or, nos Sages s’expriment clairement à ce sujet : « Les fautes qu’un homme commet envers autrui, même Yom Kippour ne peut les expier tant qu’il aura pas demandé pardon à son prochain ».

La crainte du vol
On raconte qu’un homme, cho’het [abatteur rituel] de profession, était venu trouver un jour le rav Israël Salanter pour lui demander conseil : il avait décidé de cesser d’exercer sa profession, dans la mesure où la responsabilité de la cacherout de la viande lui pesait. En effet, sa conscience le tenaillait à chaque fois qu’il avait un doute quant à la conformité d’une bête qu’il devait ou bien interdire ou bien permettre à la consommation.
Le rav lui demanda alors dans quelle branche il comptait s’orienter, ce à quoi il s’entendit répondre : « Le commerce ». Le rav Israël s’était alors exclamé : « Vous allez abandonner une profession dans laquelle vous risquez uniquement de donner à manger aux Juifs de la viande taref, contre un métier qui vous fera courir le risque d’enfreindre les interdictions de : ‘ne pas voler’, ‘ne pas mentir’, ‘ne pas convoiter’, ‘ne pas ajourner un salaire’, ‘ne pas léser autrui’, ‘ne pas jurer à faux’, etc. ! »…
A ce sujet, une autre histoire remarquable fut racontée le par rav Yoël Ashkénazi de Tibériade. Dans cette même ville, vivaient à l’époque l’Admour rav Sim’ha Bounem de Otwotsk ainsi que son assistant, qu’on appelait reb Feivel. Le 23 Adar 1887, reb Feivel décéda en plein Chabbat, et la nouvelle arriva aux bancs de la synagogue en pleine prière du Moussaf pendant la récitation de la Kédoucha. A cette annonce, Yaacov David, le fils de l’Admour alors âgé de neuf ans, retira aussitôt la ceinture [gartel] dont il s’était ceint, bien qu’il fût au beau milieu de la prière. Son précepteur, qui avait assisté à la scène, vint aussitôt après le gronder pour sa « désinvolture » qui le dissipait dans les moments les plus intenses de la prière. Mais, doué d’un esprit vif, l’enfant s’expliqua sur-le-champ : la ceinture en question lui avait été prêtée par reb Feivel. Par conséquent, au moment de son décès, elle revenait de droit à ses héritiers légitimes, à qui lui, Yaacov David, n’avait pas demandé la permission de l’utiliser…
Concluons sur ces mots du Kad haKéma’h : « Nous remarquons également que le verset associe les sacrifices à la vertu de la Justice, comme il est écrit : ‘Offrez des sacrifices justes’ (Psaumes 4, 6). Parce que de fait, grâce à la justice, l’homme se rapproche de la Présence divine comme il est dit : ‘Et moi, je verrai Ta Face par la justice’ »…
Par Yonathan Bendennnoune, (source :  Hamodia)