« Tu iras trouver les prêtres, descendants de Lévi, ou le juge qui siégera à cette époque. Tu les consulteras et ils t’éclaireront sur le jugement à prononcer » (Dévarim 17, 9). Rachi commente : « ‘Le juge qui siégera à cette époque’ – même s’il n’est pas aussi compétent que les juges qui l’ont précédé, tu dois lui obéir. Tu ne dois t’en remettre qu’au juge vivant à ton époque ! »


Le ‘Hafets ‘Haïm (‘Hafets ‘Haïm sur la Torah) nous invite à prendre conscience des implications concrètes du commentaire de Rachi. Moché était le maître de tous les prophètes, c’est par son intermédiaire que la Torah nous a été transmise et que nous sommes devenus un peuple consacré à D.ieu. Il était en outre le guide de la toute première génération du « peuple juif » en tant que tel. Eu égard à ces considérations, nous pourrions faire l’erreur de croire que, comme aucun dirigeant ne l’égalera jamais, nous n’avons à nous soumettre à l’autorité d’aucun autre maître…

Cependant, il faut comprendre que la fonction principale de Moché et de tous ses successeurs était de veiller au respect de la Torah et de s’assurer que le peuple juif reste fidèle à D.ieu. Or, l’obligation de respecter les mitsvot ne concernait pas seulement les contemporains de Moché : toutes les générations du peuple d’Israël sont tenues par le même engagement. À ce titre, tout comme le peuple hébreu avait jadis besoin d’un dirigeant, ainsi ses descendants doivent-ils à toute époque être guidés dans le respect des mitsvot. Voilà pourquoi la Torah nous ordonne ici : « Tu ne dois t’en remettre qu’au juge vivant à ton époque » – même s’il n’est pas l’égal de ses prédécesseurs, nous devons lui obéir.

Nos Sages enseignent à cet égard : « Les versets placent sur un même pied trois chefs peu importants et trois des plus grands maîtres, pour t’enseigner que Yéroubaal [Guidon] était à son époque l’égal de Moché à la sienne, que Badan [Chimchon] égalait Aharon en son temps et que Yifta’h était en son temps l’égal de Chmouel. Cela t’apprend que même un homme ordinaire, s’il a été nommé dirigeant de la communauté, est considéré comme le plus noble d’entre les nobles » (Roch Hachana 25/b).

Le Jugement céleste
Les dirigeants de chaque génération ne jugent pas leurs contemporains uniquement dans ce monde-ci. Le ‘Hafets ‘Haïm (Maassé LaMélekh sur Vayé’hi) rapporte au nom de rav Zéev, le Maguid de Vilna, que dans le Monde futur également, chaque individu est jugé par le maître de son époque. La raison tient au fait que l’importance des mitsvot accomplies et des transgressions perpétrées varie en fonction des époques, celles-ci étant jaugées à l’aune des conditions dans lesquelles elles ont été réalisées. La récompense des mitsvot et la punition qu’entraînent les fautes dépendent en grande partie du contexte historique. À cet égard, seuls les sages ayant vécu à chaque époque donnée sont en mesure d’estimer à leur juste valeur les actions effectuées par leurs contemporains.

Obéir aux maîtres de son époque

Pour le ‘Hafets ‘Haïm, l’obéissance aux maîtres de son époque était une valeur essentielle. Dans un appel publié en faveur du « Comité des yéchivot », il exhorta toutes les yéchivot à adhérer à cet organisme. En un premier temps, il y avait écrit que quiconque ne soutient pas l’étude de la Torah par cette voie ne mérite pas une part au Monde futur. En effet, expliqua-t-il, seule la Torah établit le lien entre les différentes fractions du peuple juif. Aussi, lorsqu’une personne n’entretient pas un rapport étroit avec l’étude de la Torah et avec ceux qui s’y consacrent, elle se désolidarise de la nation juive. Mais après réflexion, le ‘Hafets ‘Haïm avait demandé qu’on supprime cette ligne. Il avait justifié cette décision en expliquant que les sages de chaque époque sont considérés comme les décisionnaires exclusifs de leur génération. Or, si lui-même formulait cette décision, celle-ci serait fatalement adoptée également par le Tribunal céleste…

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