« L’Éternel me dit : “Vous avez tourné assez longtemps autour de cette montagne, acheminez-vous vers le nord [tsafona]. (…) Vous touchez aux confins de vos frères, les enfants d’Essav, (…) mais ne les provoquez pas !” » (Dévarim 2, 3-5).

Au sujet de ce verset, nos Sages (Dévarim Rabba 1, 19) rapportent l’exégèse suivante : « “Si vous voyez [Essav] qui cherche à vous provoquer, ne vous tenez pas face à lui ! Au contraire, cachez-vous de lui !” Israël répondit : “Où fuirons-nous ?” “Fuyez vers la Torah ! Car tsafona désigne systématiquement la Torah, comme il est dit : ‘Il réserve [yitspon] la Sagesse éternelle aux hommes droits’ (Michlé 2, 7)”. »

Une réponse pour chaque question
Le ‘Hafets ‘Haïm avait coutume d’expliquer que plusieurs fois durant sa vie, chaque homme doit prendre une décision cruciale, de laquelle peut dépendre toute son existence. Or, comme on ne sait souvent pas quel choix adopter, on se laisse entraîner par le désespoir. Imaginons qu’à ce moment-là, quelqu’un vienne nous chuchoter à l’oreille : « Pourquoi ne consulterais-tu pas directement le Saint béni soit-Il ? » À n’en pas douter, cette suggestion nous laisserait perplexes : comment est-il possible d’interroger D.ieu ? Mais en vérité, nous pouvons trouver les réponses divines à toutes nos interrogations, puisque celles-ci se trouvent dans la Torah, comme l’enseignent nos Sages : « Il n’y a rien qui n’apparaisse pas par allusion dans la Torah » (d’après Taanit 9/a).

Le ‘Hafets ‘Haïm (Ikveta Déméchi’ha) ajoutait que, de même que la Torah recèle tous les conseils relatifs à l’évolution de chaque individu, ainsi peut-on y découvrir les réponses aux questions de la collectivité. À cet égard, c’est à travers ses enseignements que l’on devra chercher la manière convenable de guider le peuple juif pendant les périodes d’exil, et la façon adéquate de se comporter vis-à-vis des nations étrangères. En revanche, si l’on ne s’en remet pas à la Torah, le peuple juif peut être exposé à un grand péril…

Opter pour la voie pacifique
À la lumière du Midrach précité, le ‘Hafets ‘Haïm (commentaire sur la Torah, Dévarim) affirmait que même lorsque les nations nous provoquent, nous devons nous dérober et ne surtout pas les défier. Nous devons alors imiter la voie prônée par notre ancêtre Yaacov qui, avant de rencontrer son frère Essav, le père d’Edom, avait adopté trois approches différentes : les présents, la prière et la perspective d’un combat.

Or, notons bien que ces « combats » ne signifiaient pas engager une lutte martiale contre le camp adverse. Au contraire, il s’agissait de trouver les moyens d’éviter les confrontations, comme c’est clairement souligné dans le verset : « Il partagea le peuple qui était avec lui (…) en deux camps, en disant : “Si Essav attaque l’un des camps et le met en pièces, le camp restant sera épargné” » (Béréchit 32, 8-9 et cf. Rachi). Le Ramban écrit à ce sujet : « Ce récit renferme une allusion adressée aux générations futures : tout ce qui est arrivé entre notre ancêtre et Essav se reproduira toujours entre nous et les descendants de ce dernier. Nous devons donc adopter la voie choisie par le Juste et nous préparer [à toute confrontation] par ces trois moyens qu’il s’était choisis : la prière, les présents et le salut par voie martiale, en fuyant pour notre sauvegarde. »

Le ‘Hafets ‘Haïm remarquait que ces recommandations se sont vérifiées à de multiples reprises. Tant que les dirigeants du peuple juif ont veillé à suivre les pas de Yaacov – en acceptant l’exil comme une période favorable aux nations, pendant laquelle nous devons nous contenter de fuir les menaces –, le Saint béni soit-Il nous a toujours épargnés. En revanche, « de nos jours » (c’est-à-dire à son époque, avant la Shoah), certains dirigeants ont choisi de dévier de cette voie et ont préconisé de combattre nos ennemis par la guerre et les combats, utilisant ainsi les « armes » propres aux nations du monde. Depuis lors, « nous n’avons cessé de nous affaiblir, croisant sur notre route de nombreux malheurs et épreuves ; que D.ieu prenne notre peuple en pitié ! »

En cette période de deuil, où nous commémorons la destruction du Temple et le début de cet exil long de deux mille ans, ces enseignements demeurent toujours d’actualité, et nous guident dans la manière dont nous devons gérer notre situation d’exilés.

En partenariat avec Hamodia