La Tora présente la matsa comme un «pain de misère» ( léhem oni  Devarim 16,3), et pourtant toute la fête de Pessah l’associe à la libération de nos ancêtres lorsqu’ils sont sortis d’Egypte.

D’où la question: Si la matsa est un pain de misère, pourquoi cette nourriture est-elle indissociable de l’épisode de la libération?

Une première réponse peut être trouvée dans la Guemara ( Pessah im 115b), où deux opinions s’opposent sur la signification de l’expression léhem oni . Selon Chemouel, la matsa est ainsi appelée parce que l’on dit ( onin ) sur elle (pendant le Sédèr ) de «nombreuses choses», autrement dit parce qu’elle est l’occasion de nombreux dialogues et de nombreux enseignements.

Autre opinion: La matsa est appelée léhem oni parce qu’il suffit d’en manger un morceau pour se rendre quitte de la mitswa , de la même façon qu’un pauvre ( ani ) peut se sustenter avec moins qu’un pain entier.

Le Maharal , dans l’ouvrage intitulé Guevouroth Hachem qu’il a consacré à la fête de Pessah , considère que les Hébreux n’ont pas mangé de matsoth pendant leur esclavage en Egypte. Il en veut pour preuve deux versets: «Nous nous souvenons de la poissonnaille (sous-entendu: pas du pain) que nous mangions en Egypte gratuitement» ( Bamidbar 11,5), et: «pendant sept jours tu mangeras des matsoth , le pain de misère, car dans la précipitation tu es sorti d’Egypte?» ( Devarim 16,3). Si nos ancêtres ont mangé de la matsa comme esclaves, pourquoi la sortie d’Egypte est-elle présentée comme la raison pour laquelle elle doit être consommée? Et si la matsa est le pain de misère, pourquoi est-elle associée à l’émancipation et à la libération, reflets au contraire de la liberté et de la richesse?

En réalité, explique le Maharal , si la Tora appelle la matsa « léhem oni », cela veut dire en réalité qu’elle n’est pas un «pain de misère», mais un «pain de simplicité». Lorsque l’on ajoute à la pâte de la matsa des oeufs ou de l’huile, elle prend le nom de matsa achira , littéralement «pain riche». En revanche, la matsa qui n’est faite qu’avec de la farine et de l’eau, à l’exclusion de tout additif, est appelée léhem oni («pain de pauvreté»), ou lahma anya («pain pauvre»).

Et d’ailleurs, poursuit le Maharal , le mot matsa est employé dans d’autres domaines que celui de Pessah pour désigner ce qui est simple.

Par exemple, s’agissant des peaux destinées au tannage, on distingue la matsa (terme employé pour désigner celle à l’état brut) de la hipa et de la diftera , peaux que l’on a commencé de traiter ( Chabbath 79a).

Elevant le débat, le Maharal explique que le monde physique est un monde de complexité, dont les éléments dépendent les uns des autres et sont reliés les uns aux autres. Le monde spirituel, en revanche, est caractérisé par la simplicité et l’indépendance. La libération s’entend comme une résultante des vérités essentielles contenues dans ce monde-là. Voilà pourquoi Hachem a ordonné à nos ancêtres de manger de la matsa lorsqu’ils sont sortis d’Egypte. Ils ont ainsi goûté leur liberté fraîchement acquise en consommant de ce pain, simple et vital.

La libération a eu lieu dans la hâte, selon un processus au-delà du temps, afin de les forcer à cuire de la matsa , un pain spirituel libéré des contraintes de ce monde-ci.

C’est ainsi que, pour le Maharal , la matsa symbolise la liberté qui s’émane de notre lien étroit avec les vérités essentielles de Hachem .

Jacques KOHN Zal