RÉFLÉCHIR SUR le sens de la justice, c’est forcément poser la distinction entre son application et son fondement. Car on ne saurait parler du bien-fondé de la loi si nous ne pouvions faire référence au point extérieur de la justice qui la commande et lui assure sa légitimité.
Cette « extériorité » à toute législation positive (ou réelle) ayant toujours constitué au travers de l’Histoire ce principe à partir duquel le droit – et par voie de conséquence l’autorité censée le dicter – est soumis au changement, voire au bouleversement radical et à la révolution…, l’on comprendra aisément pourquoi le recours à cet horizon indépassable de la justice, pourtant indispensable au bon fonctionnement de la loi – en un mot à sa santé ! – représente quelque risque.

En effet, relevant par définition d’une référence à des valeurs idéales et d’une absolue autonomie (c’est-à-dire, au sens étymologique du terme, d’une légalité qui s’autoproclame), libre de toute opposition et n’ayant pas encore fait l’expérience irréfragable de l’épreuve du réel, l’invocation d’une légitimité supérieure au législateur oblige à ce que l’homme s’aventure sur les voies de la transcendance…

Ainsi, bien que le droit moderne ait posé pour principe que toute légalité n’obtient sa légitimité que pour autant que tous ceux qui s’y soumettent y consentent, force nous est de reconnaître que l’idéal isonomique des droits et des devoirs sur lequel il se fonde n’en reste pas moins irréel ou, dira-t-on plutôt par souci des convenances, essentiellement moral, canonique, en un mot… normatif !

Et pour cause : car, ayant cherché à installer à tout prix – mais en définitive seulement « en raison » – la transcendance au coeur même de la subjectivité, la philosophie occidentale n’a pas jugé pertinent de s’interroger sur le lien d’existence que ces deux notions sont censées entretenir
l’une avec l’autre. Or, laissée à son statut d’abstraction pure, aucune forme de justice ne saurait être opérante tant que la conscience humaine ne s’est pas élevée à la perception de sa réalité empirique et sublime, c’est-à-dire tant qu’elle n’a pas éprouvé en son for intérieur – voire  en sa propre chair – sa véritable dimension divine.

On ne fait pas du citoyen un « individu souverain » sous prétexte qu’on aurait guillotiné des monarques… Bien au contraire ! C’est seulement en lui rehaussant la tête en développant chez lui le sens de ses responsabilités que l’on peut escompter de l’homme qu’il prenne sur lui le joug de la royauté authentique…

YEHUDA RÜCK
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