Rav Dov Roth-Lumbroso :

« Être précautionneux, dans le respect de notre confinement et ne pas chercher à le contourner»

 Dans cette épidémie de coronavirus que nous traversons, aussi bien en France qu’en Israël et face à la propagation de messages anxiogènes sur les réseaux sociaux, le rav Dov Roth-Lumbroso, fondateur du service AlloRav, la plateforme chiourim.Com et du centre Dereh LaOlim laolim.Com à Jérusalem a souhaité rappeler que la rigueur et l’humilité doivent prévaloir pour chacun d’entre nous.

 

Actualité Juive : Qu’est-ce que cette crise liée au coronavirus vous inspire ?

Rav Roth-Lumbroso : Confinées chez elles, livrées à l’utilisation intensive de leur portable, et pensant toujours bien faire, un grand nombre de personnes s’abreuvent de messages émanant de personnalités rabbiniques ainsi que d’analyses de guématriotes faites parfois à l’emporte-pièce. Tout cela rajoute à l’angoisse que chacun peut ressentir. Or, il convient de rappeler ce que la Torah dit de faire lorsque l’on connait une situation telle celle que nous subissons aujourd’hui.

  Rabbi Akiva Eiger (1761 – 1837) autorité talmudique et grand décisionnaire avait déjà averti lors d’une épidémie d’être extrêmement scrupuleux et de ne pas laisser les gens rentrer dans les synagogues. En assurant la sécurité avec des policiers, il avait ainsi demandé à ne pas se rassembler. Ce grand rav avait aussi conseillé de lire deux fois par jour le Pitoum Haketoret.

  La notion de Pikouah Nefech (préservation vitale ) est celle qui s’impose à tous. Il s’agit tant de se sauver soi-même que de sauver et d’épargner les autres. Comme il est écrit dans Devarim, Les Nombres, Chapitre 4 verset 15 «Venichmartem meod LeNafchote’hem » que l’on traduit par « Prenez bien garde à vous-même ».

 Si nous sommes dangereux envers les autres, cela nous oblige à une vigilance supérieure encore à celle que les autorités nous demandent de respecter.

    Dans une situation telle celle que nous connaissons avec la propagation du coronavirus, le laxisme nous est donc formellement interdit. Il s’agit d’être ma’hmir, précautionneux, comme on peut l’être dans d’autres domaines parfois en matière de respect des hala’hot, les règles qui nous sont prescrites.  Il faut s’imposer des sévérités, être rigoureux, plus encore que ce que les autorités attendent de nous.

 

A.J. : Pensez-vous que la prise de conscience est suffisante aujourd’hui ?

R. R.-L. : Justifiant leur attitude par leur Emouna et leur foi inébranlable, je perçois chez certains une forme de sérénité ou de tranquillité qu’il ne convient pas d’adopter aujourd’hui. La vigilance et la protection de soi comme des personnes qui nous entourent doivent, dans notre situation, être une priorité alors que la sérénité peut nous conduire à commettre des impairs. Les mesures drastiques prises par les autorités israéliennes dès le début de cette crise montrent à quel point il convient d’être rigoureux. N’allons pas chercher comment contourner l’interdiction de se rassembler, en constituant des offices chez soi ou ailleurs.

 

A.J : Comment chacun doit-il appliquer cette rigueur ?

R. R.-L. : Il faut arrêter tout lien social avec autrui. Que ce soit dans la constitution de minyan ou dans ses liens avec les membres de sa famille. Il est important de rappeler qu’y compris avec ses proches, il ne faut pas se rassembler, aussi difficile que cela puisse sembler l’être. Là, encore, il s’agit d’être hyper-précautionneux envers soi-même comme envers sa famille, pour le bien de tous. À l’approche des fêtes de Pessah, il conviendra de consulter les autorités rabbiniques ou le service AlloRav pour éviter à quiconque le moindre risque. Notre plus grande marque d’affection envers nos amis, familles et nos aînés est de nous éloigner d’eux.

Certes, cette attitude va à l’encontre de toutes nos valeurs et nos habitudes. Alors que généralement nous devons aller rendre visite à nos malades et rester auprès d’eux, nous devons ici nous tenir absolument à distance. Il convient à chacun de trouver un autre moyen que la proximité physique pour leur témoigner notre affection.

 

A.J : Quelle interprétation donner à ce que nous vivons en ce moment ?

R. R.-L.  : Le fait de se retrouver dans cette situation inédite peut nous permettre de faire une remise en question et un travail sur soi afin de nous réaliser dans ce monde, de nous améliorer, afin de devenir meilleur après cette épidémie. Nul ne peut toutefois se prévaloir d’interprétation ou, pire encore de prédictions. Tout cela est totalement opposé aux valeurs de la Torah. Attention donc aux fake news ou aux messages anxiogènes.  On peut en revanche parfaitement bien utiliser ce temps de confinement pour étudier et prier davantage qu’on ne le fait d’habitude. Dans l’épreuve, ce n’est pas le moment de chercher des coupables mais de se renforcer et de se tourner vers Dieu.

Face à une épreuve, chacun se remet donc en question, personnellement, réfléchit sur ses actions et cherchera à se renforcer. Lorsque l’on est malade, il faut se tourner vers HaKadoch Baroukh Hou et prier en vue de sa guérison. Cette attitude est individuelle. S’il faut demander quelque chose à sa communauté, c’est avant tout de faire preuve de rigueur dans son confinement. Je souhaite qu’Hachem nous protège de cette terrible épreuve. Refoua chelema à tous nos malades et espérons que nous en sortirons grandis.

 

Propos recueillis par Laëtitia Enriquez