Sarah et Esther

Un jour que ses élèves s’étaient laissés abandonner à une douce somnolence, Rabbi Aqiva leur lança : « Pourquoi Esther a-t-elle mérité de régner sur cent vingt-sept provinces ? C’est parce qu’elle descendait de Sara, laquelle a vécu pendant cent vingt-sept ans » ( Berèchith rabba 58, 3).

Ce rapprochement paraît purement fortuit et destiné uniquement à éveiller l’attention d’un auditoire inattentif. Cependant, explique le Sefath émeth de rabbi Yehouda Aryé Leib Alter (1847 – 1905), il fait en réalité appel à la relation qui unit les notions d’espace et de temps.

Le temps opère comme une sorte de compte-goutte par lequel s’exerce l’influence de Hachem . Si l’homme devait recueillir d’un seul coup toutes Ses bontés, il ne pourrait pas les assumer. Aussi Hachem a-t-il introduit la notion de temps afin d’atténuer la force de Son rayonnement et de Ses bienfaits.

Or, la particularité de Sara a été qu’elle a entièrement échappé à l’emprise du temps : C’est à l’âge de quatre-vingt-dix ans qu’elle a donné naissance à Isaac ( Berèchith 17, 17). De plus, elle était à cent ans comme à vingt, sans péché. Et à vingt ans, elle était aussi belle qu’à sept ( Rachi ad Berèchith 23, 1).

Quant à Esther, elle a mérité de se soustraire à la notion d’espace, et de pouvoir ainsi rendre leur indépendance à toutes les cent vingt-sept provinces sur lesquelles avait dominé Assuérus.
Jacques KHON