Le livre des « Juges » partie XVII

Gédéon – deuxième partie

L’analyse de la partie du livre des « Juges » consacrée à Gédéon portera aujourd’hui

sur la première de ses mises à l’épreuve

 

La mise à l’épreuve de Gédéon par le sacrifice de deux taureaux

Gédéon a dû affronter une mise à l’épreuve consistant à offrir en sacrifice à Hachem deux taureaux engraissés pour l’idolâtrie et dont le premier appartenait à son père.

Le second devait avoir été engraissé pendant sept ans, soit aussi longtemps qu’avaient duré les incursions des Midianites (6,1 et 25). Gédéon devait en outre renverser l’autel de Ba‘al érigé par son père et, après avoir abattu le bosquet sacré (achéra) qui lui était contigu, utiliser son bois comme combustible sur l’autel.

On notera, ici encore, une spécificité propre à Gédéon: Il est le seul des «Juges» à avoir abattu des idoles, et à avoir ainsi réparé les fautes commises par son peuple.

Il est clair que cet ordre de Hachem aurait pu faire hésiter plus d’un: Le milieu dont Gédéon était issu, son père y compris, était fortement enraciné dans le culte idolâtre, de sorte que ce qui lui était demandé lui faisait courir un danger mortel et aurait pu excéder ses forces.

De plus, la présentation de ce sacrifice par Gédéon contredisait plusieurs halakhoth dont l’inobservance rend passible de mort:

– Interdiction d’offrir en sacrifice un animal destiné à l’idolâtrie.

– Interdiction de présenter des sacrifices hors du tabernacle de Chilo (voir Zeva‘him112b).

– Interdiction de présenter des sacrifices pendant la nuit.

– Interdiction d’utiliser le bois d’un bosquet sacré (achéra).

– Interdiction pour un non-kohen d’offrir un sacrifice sur l’autel.

Aussi Rachi indique-t-il, citant la Guemara (Temoura28b), que ces prohibitions ont été suspendues pour la circonstance.

Assisté par dix serviteurs, il exécuta l’ordre de Hachem, prenant toutefois la précaution de le faire de nuit, sans doute par crainte des réactions de son père et de son voisinage.

Le lendemain matin, toute la ville constata l’affront qui lui avait été fait: L’autel de Ba‘al avait été détruit, le bosquet sacré avait été abattu, et le second taureau avait été offert sur un autel nouvellement bâti à cette fin.

Peut-être par une indiscrétion de l’un des dix serviteurs, effrayé à l’idée qu’il pourrait être accusé de complicité, on eut vite fait de découvrir l’identité de l’auteur de ce sacrilège: Gédéon, fils de Yoach!

On le condamna promptement à mort, et l’on demanda à son père de le livrer au bourreau.

Yoach répondit, non sans quelque ironie, que si Ba‘al était vraiment un dieu, «il n’avait qu’à se défendre seul»! (6,31). Lui seul, après tout, avait été victime des agissements de son fils, et il n’avait nul besoin de ses adorateurs pour exercer sa vengeance!

On peut comprendre cette répartie comme signifiant que Yoach avait compris l’ineptie de l’idolâtrie qu’il pratiquait jusque-là, et qu’il était en voie de faire techouva.

Le texte n’indique pas la durée de cette discussion «théologique». Toujours est-il qu’elle a donné à Gédéon le temps de s’enfuir (Rachi).

De ce jour-là, il porta le nom, donné par son père (Metsoudath David), de Yerouba‘al, «ce qui veut dire, précise le texte: “Que Ba‘al s’en prenne à lui, pour avoir démoli son autel!”».

A suivre…

Jacques KOHN Zal