C’est dans la paracha de Vaét’hanan qu’apparaît l’un des textes fondamentaux du credo juif : le Chema Israël. L’occasion pour nous de revenir sur ces versets par lesquels nous déclarons quotidiennement les grands principes de notre émouna.

Chema Israël
« Ecoute Israël, l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est Un ». Par ces mots, nous proclamons notre devoir de croire dans l’Unicité absolue du Créateur. « Ecoute Israël » nous engage en effet à entendre, à comprendre et surtout, à assimiler les fondements de notre émouna (Ramban, Sforno).
« L’Eternel est notre D.ieu [Elokénou] » – ces mots proclament la Toute-Puissance de D.ieu : c’est Lui qui détient entre Ses mains toutes les forces au monde, et c’est seulement en Lui que nous devons placer notre espoir. Ceci nous invite à nous imprégner de l’idée qu’en dépit des apparences, le moindre mouvement en ce monde est régi uniquement par Sa volonté et de ce fait, nous ne devons servir et adresser nos prières à nul autre que Lui.
« L’Eternel est Un ». Puisque nous venons de proclamer qu’aucune puissance autre que la Sienne n’existe au monde, il en résulte que l’Unicité du Créateur est absolue. Il est Un en ce sens que toute autre réalité – appartenant à ce bas monde ou aux mondes spirituels – est fortuite, vouée à la perdition, alors que Sa réalité est parfaite. Il en résulte que ces deux fondements se complètent : parce que notre D.ieu est le Maître absolu, il n’y a donc aucune autre réalité que Lui. C’est le principe fondamental du I’houd – l’Unicité divine (d’après le Sforno).
Selon le Or Ha’haïm, la notion de « Elokout » implique une autre vérité. En affirmant que D.ieu est la Source de toutes les forces en ce monde, nous proclamons notre conviction qu’Il est « le Bien, l’Avantageux, l’Agréable ». Autrement dit, « même s’il existait d’autres divinités, c’est néanmoins Lui que nous choisirions », parce que l’adhésion à Sa foi comprend l’attachement au Bien absolu, aux valeurs les plus bénéfique à l’être humain et à une félicité qu’aucune satisfaction ne peut égaler.
Aimer D.ieu
« Tu aimeras l’Eternel ton D.ieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tous tes moyens ».
Après avoir proclamé qu’Il est l’unique divinité au monde, il s’ensuit donc que notre amour doit Lui être voué entièrement, sans la moindre concession (Ibn Ezra). C’est pourquoi nous devons consacrer tous nos penchants (le cœur), notre vie (l’âme) et tous nos moyens à cet amour (Rachi).
Pour le Or Ha’haïm, la Torah nous donne ici une idée des proportions de cet amour. Il image cette idée à l’aide d’une parabole remarquable : un homme, doté d’une grande richesse, est contraint de quitter son pays devenu dangereux. Il décide donc de vendre tous ses biens, mobiliers et immobiliers, et achète avec l’argent recueilli une pierre précieuse d’une valeur immense. Puis, condamné à l’exil, il part à la recherche d’une nouvelle terre d’accueil.
Le chemin est long, parsemé d’embûches, il progresse péniblement. Démuni d’argent liquide, il est contraint de vivre dans la plus grande indigence, et de se contenter du strict minimum vital. Mais malgré toutes ces difficultés, sa sérénité reste entière, parce qu’il sait qu’il possède sur lui une pierre d’une valeur inestimable, avec laquelle il pourra rebâtir sa vie dans la ville de son choix.
Chaque homme confiant en D.ieu doit éprouver la même sérénité. On aura beau le priver de tous ses moyens, lui prendre toutes ses ressources et même son âme, il restera serein parce qu’il sait que dans son cœur, il possède la chose la plus précieuse au monde : l’amour de son Créateur. C’est cela « aimer D.ieu de tout son cœur, de toute son âme et de tous ses moyens ».
L’étude de la Torah
Or, comment s’exprime cet amour concrètement ?
« Ces devoirs que Je t’impose aujourd’hui seront gravés dans ton cœur. Tu les inculqueras à tes enfants, tu t’en entretiendras dans ta maison, en voyage, en te couchant et en te levant » – si tu t’attaches à ces paroles, tu découvriras ton Créateur et tu t’attacheras à Ses pas (Rachi).
Parce qu’elle suit immédiatement l’attachement de D.ieu, l’étude de la Torah apparaît donc comme la consécration de cet amour. En effet, précise le Or Ha’haïm, « à force de graver continuellement ces paroles sur son cœur, l’homme verra naître en lui une aspiration avide et un engouement spirituel qui précipiteront son cœur vers l’amour de D.ieu ».
Pour cet auteur, cette vérité était même ressentie sensiblement : « Cette chose, même nous, orphelins fils d’orphelins, pouvons la ressentir : notre aspiration à D.ieu et notre amour pour le Maître du monde vibrent puissamment dans notre cœur, plus que toute richesse au monde et que tout prestige royal. Tout plaisir en ce monde paraît à nos yeux comme des choses méprisables et répugnantes, en comparaison de la part de ces paroles, pourtant bien faible, que nous ressentons dans notre cœur… ».
Contemplation
Selon le Rambam, ce verset insinue également une autre manière de s’attacher à D.ieu : la contemplation. Le Midrach (Sifri) écrit en effet au sujet de notre verset : « Comment l’homme vient-il à aimer le Saint béni soit-Il ? En ‘gravant ces choses sur ton cœur’ – car de la sorte, tu découvriras Celui qui créa le monde par Sa parole ». Pour Maïmonide, ceci signifie que nous avons le devoir de contempler les merveilles de la Création, de sonder la minutie et l’infinie beauté de tout ce qui nous entoure, du microscopique au macroscopique, afin d’y découvrir la sagesse infinie qui s’en dégage. A cette vue, écrit Maïmonide, « l’homme est saisi d’amour, il se prend à louer, à glorifier et éprouve une profonde aspiration de connaître le Grand Nom (…) parce que toutes ces contemplations sont, pour l’homme sensé, une invitation à l’amour du Créateur… » (Yessodé haTorah 2, 2).Par Yonathan Bendennnoune,en partenariat avec Hamodia.fr