Le jour de Chavouoth s’est exprimé le plus grand d’amour qui ait existé, celui de D.ieu et de Son peuple, à qui Il donna un baiser pour l’éternité

La première bénédiction, qui précède la lecture du Chema le matin ( Cha’hrit ) et le soir ( Arvit ), concerne la création de l’univers et des astres ( Yotser or , yotser haméorot le matin, Maariv aravim le soir)

La deuxième bénédiction a pour thème central la Thora, que D.ieu a transmise au peuple juif.

Il y est essentiellement question de l’amour inconditionnel que D.ieu porte à son peuple, amour qui s’est manifesté de façon éclatante à travers la Thora que nous avons reçu au Mont Sinaï.

Et cet amour trouve son point d’orgue le jour du don de la Thora ( Matan Thora ), c’est-à-dire à Chavouoth.

Les premiers mots de cette seconde bénédiction sont: «Tu nous portes un amour éternel» et les derniers: «Béni sois-Tu D.ieu qui aime Son peuple Israël.»

Nous allons tenter de comprendre cet amour de D.ieu pour Son peuple et ses implications.

Il est intéressant à ce sujet, de citer les mots de Rabbénou Bahya dans «Les devoirs des coeurs» ( Chaar habé’hina chapitre 5).

Il développe d’abord les différents aspects de la bonté infinie de D.ieu envers ses créatures, et c’est en prenant conscience de l’ampleur de ces bienfaits, que celui qui cherche honnêtement la vérité sera amené à la conclusion logique que son but doit être faire la volonté de son Bienfaiteur, ne serait-ce que par reconnaissance.

Rabbénou Bahya conclut ainsi: «Le plus grand des bienfaits que D.ieu ait accordé à l’homme, et qui est également une preuve éclatante de son existence, est sans aucun doute la Thora qu’il nous a transmise par l’intermédiaire de Moïse, Son prophète.

Ainsi, les miracles qu’il a provoqué, renversement des lois de la nature, nous permettent d’acquérir une foi véritable en Lui et en Son prophète, Moïse, par qui ces miracles se sont produits.»

Trouver le sens de sa vie

A travers les mots de Rabbénou Bahya, on est amené à une réflexion profonde:

Toute personne ayant soif de vérité et possédant un esprit logique comprend que l’homme ne peut atteindre le bonheur, ni même la sérénité sans comprendre les raisons de son existence sur terre.

Si D.ieu ne nous avait dévoilé le sens de la création dans la Thora, nous aurions dû nous lancer dans une recherche longue et difficile pour percer ces secrets, tout comme l’a fait notre ancêtre Avraham, avant la révélation au Mont Sinaï.

Pour celui qui a un temps soit peu réfléchi à sa condition humaine, la reconnaissance envers D.ieu doit être sans borne, Lui qui nous a livré tous les éléments de réponse en nous accordant la Thora.

Un verset dans la Thora nous montre à quel point l’homme ne peut vivre sans explication sur sa propre existence:

«Car cette loi que Je t’impose en ce jour, elle n’est ni trop ardue pour toi, ni placée trop loin. Elle n’est pas dans le ciel pour que tu dises: « Qui montera pour nous au ciel, nous l’ira quérir et nous la fera entendre pour que nous l’observions »‘Elle n’est pas non plus au-delà de l’océan pour que tu dises: Qui traverseras pour nous l’océan et nous l’ira quérir et nous la fera entendre afin que l’observions.’ Non, la chose est tout près de toi, tu l’as dans la bouche et dans le c?ur pour pouvoir l’observer!» (Deutéronome 30 11-14).

Ce verset est commenté par Rav Avdimi (Talmud Erouvin 55a):

«Il est sous-entendu dans cette déclaration de D.ieu qu’effectivement, si la Thora se trouvait au ciel ou de l’autre côté de la mer, il serait du devoir de l’homme d’aller la chercher, pour trouver le sens de sa vie!»

Dans son ouvrage Matnat Haïm ( Maamarim p.194), le Rav M. Salomon (Lakewood N.J.) cite une anecdote, touchante par sa simplicité, et profonde dans ses implications, qui illustre cette idée.

Le Rav Ye’hezkel Lewenstein zatsal (1885-1974, ménahel rou’hani Yéchivath Ponevez), l’un des géants de l’école du Moussar , raconta un jour à ses élèves. C’était dans les années cinquante. « Je rentrai un jour chez moi et m’aperçut que ma femme avait l’air préoccupée. Je lui demandais alors la cause de son souci. » Elle me répondit que nous venions de recevoir un colis des Etats-Unis qui contenait un appareil électro-ménager qui paraissait être d’une grande utilité, mais sans aucune indication précisant les tâches qu’il devait remplir et sans mode d’emploi.

Après réflexion, je me suis dit qu’il était inconcevable qu’un appareil aussi moderne et sophistiqué ne soit pas accompagné d’une notice explicative, et effectivement, après maintes recherches dans les papiers de l’envoi, nous trouvâmes une notice précisant tous ces éléments.

Devant cette trouvaille, je constatai le soulagement et la joie de ma femme qui pourrait désormais profiter de cet appareil qui allait lui faciliter la vie.

En réfléchissant par la suite, je suis arrivé à la conclusion qu’un raisonnement identique, aussi simple qu’il peut paraître sur la vie, ne pouvait nous amener qu’à un seul résultat: la conviction absolue de la vérité de la Thora.

Est-il concevable en effet que notre monde, infiniment plus sophistiqué que la plus complexe des machines nous ait été livré sans précisions sur ce à quoi il est destiné et sans mode d’emploi?

En prenant conscience de cette réalité, il doit naître en nous une reconnaissance sans borne envers notre Créateur qui nous a livré ce mode d’emploi, qui permet de comprendre le fonctionnement et l’utilité du monde.»

C’est une joie permanente que doit susciter en nous le fait de détenir la Thora, véritable mode d’emploi de l’univers.

Gravées dans ton coeur

D.ieu nous a donné l’ordre de L’aimer.

«Tu aimeras l’Eternel ton D.ieu de tout ton c?ur, de toute ton âme, et de tout ton pouvoir» (Début du Chema, Deutéronome 6 5).

Le Sifri (ibid.) interprète ce verset, et commence sa réflexion par une question: «Comment parvenir à accomplir cet ordre? Comment aimer D.ieu concrètement? Est -il possible de «forcer» des sentiments?

Le verset suivant nous donne la réponse:

«Ces paroles que Je te transmet aujourd’hui seront gravées dans ton coeur» (Deutéronome 6 6).

«Ces paroles»: cela signifie la Thora.

On comprend donc que c’est en gravant dans son coeur la Thora que l’on parviendra à respecter l’ordre d’aimer D.ieu.

Comment peut-on graver des paroles? C’est évidemment en les étudiant et les approfondissant.

C’est par l’étude de la parole divine, que l’on parviendra à découvrir D.ieu et à L’aimer.»

Car la Thora est l’expression la plus manifeste de l’amour de D.ieu envers nous.

Et c’est par sa découverte et son étude que des sentiments réciproques pourront naître en nous.

Car comment comprendre que D.ieu nous ordonne de L’aimer? Et comment commander de tels sentiments?

C’est seulement si nous réalisons, à travers la découverte de la Thora, à quel point D.ieu nous manifeste un amour inconditionnel, que nous pourrons susciter en nous des sentiments réciproques.

Un verset du Cantique des Cantiques présente à ce sujet une approche métaphorique et puissante.

«Qu’il me prodigue les baisers de sa bouche» (1 2).

Nos maîtres comprennent ce verset comme se rapportant à la révélation au Mont Sinaï, véritable baiser de D.ieu (Midrach Chir hachirim rabba chapitre 1).

Et c’est seulement par l’étude que nous pourront rendre à D.ieu son baiser, et éveiller notre amour pour Lui.

Une joie parfaite

Le Rav Salomon conclut par une remarque.

Dans le texte des prières, la fête de Chavouth est appelée: l’anniversaire du don de la Thora ( zman matan torateinou ).
 Pourquoi avoir mis l’accent sur le don de la Thora et non sur un élément a priori beaucoup plus marquant: son acceptation par le peuple juif qui a dit: « Naassé vénichma »?

C’est que l’essence même de notre joie est la prise de conscience de notre privilège immense: celui de jouir de la marque d’amour la plus extraordinaire venant du Créateur, le don de la Thora.

Et c’est cette joie, qui a vu le jour à Chavouoth , que nous exprimons quotidiennement, soir et matin, dans nos prières qui exaltent D.ieu, «qui aime Son peuple Israël».

Rav Eliahou Elkaïm  à Jérusalem